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Stendhal et la région de Montmorency

Introduction

Le recensement de 1831 crédite Montmorency de 1.789 habitants ! Il s'agit alors d’un petit village peuplé de vignerons et de maraîchers. Tout autour du vieux centré où se groupent les habitations (cf. le plan), ce ne sont que champs et vignes, interrompus çà et là par quelques auberges. Celles-ci sont particulièrement nombreuses à l'est du village, dans «La Chataigneraie» dont les arbres centenaires constituent un cadre rustique et ombragé, qui, l'été, attire de nombreux Parisiens en quête de lieux discrets et de tavernes accueillantes.

Parmi les hôtes de Montmorency, certains furent très célèbres...

La France littéraire commémore à grands fracas, Le bicentenaire de la naissance de Stendhal, né à Grenoble, le 23 janvier 1783. Toute l’année vont se succéder colloques, expositions, spectacles, publications, etc...

La Société d'Histoire de Montmorency se devait de joindre son modeste hommage à cet écrivain qui a tant aimé notre région.

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La première période

C'est au théâtre que l’on doit la première apparition constatée de Stendhal dans la vallée de Montmorency. Ce premier contact semble avoir lieu dans la période de 1804 à 1805 et la raison en est une invitation du comédien La Rive, qui possédait une maison à Montlignon. Le théâtre intéressa très tôt Stendhal. C’est à douze ans qu’il composa sa première pièce, un drame, «sSelmours», tiré d’une nouvelle anglaise de Florian.

Stendahl
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Après de multiples essais inachevés il écrit, en 1804, une pièce : «Les deux hommes », d’abord en prose puis en vers, qu’il abandonnera à la fin de l’année. C’est donc plongé dans cette réalisation qu’il a entrepris depuis le mois d’août 1804, des cours de diction chez La Rive. Ce comédien renommé avait comme spécialité la tragédie. Un chroniqueur théâtral (1) de cette époque note à son propos : «Il est notre seul acteur véritablement tragique». Il était également un théoricien du théatre et Stendhal devait attendre beaucoup de lui. Certaines de ses idées se retrouveront d’ailleurs dans le «Racine et Shakespeare». C’est donc, certainement avec beaucoup de ferveur qu'il vient à Montlignon (qu’il trouvera « charmant ») avec son jeune oncle et compère Martial Daru. On peut supposer que ce zèle studieux ne l’empêcha pas de fréquenter les déjà célèbres guinguettes de Montmorency. Ce cours lui coûta fort cher. Il le signale dans son journal «un cours de douze leçons à 12 louis, c’est fort». Il devait d’ailleurs le quitter très vite pour entrer chez Dugazon, autre acteur célèbre. Il y rencontrera Mélanie Guilbert, tragédienne de son état, qui devait le lancer dans l’aventure cocasse de son séjour à Marseille.

C’est à son retour de la Cité phocéenne, en août 1806, qu’il donnera, dans son « Journal  (2), la plus longue description de notre ville.

« Montmorency,

J'ai sauté plusieurs journées très intéressantes, souvent on gâte le plaisir en le décrivant. J'écris parce que j'augmente — par là celui que j'ai eu avant-hier et hier.

N'ai-je pas eu la faiblesse de reprendre une velléité pour Mademoiselle de Cossé !

Théâtre de Monsieur créé en 1788 par Léonard Aubie, coiffeur de Marie-Auoinette, et Le violoniste Viotti, donna d'abord ses représentations dens une salle du Palais des Tuileries. En 1791, il s'installa rue Feydeau. En 1801, les antistes de ce théâtre se réunirent à ceux du Théâtre Favart et formèrent la troupe de l'Opéra Comiqne qui demeura dans la Salle Feydeau jusqu'en 1829) M. Laguette-Mornay (3), lieutenant d'artillerie dans la garde, est venu chez moi samedi à 7 heures. Nous nous sommes habillés, Faure et moi, nous avons déjeuné ; nous sommes allés à la porte Saint-Denis. Impossibilité d'aller à Ermenonville ; les pots de chambre nous demandent 24 ou 30 livres, et nous ne sommes points sûrs d'arriver. Une voiture (rue du Faubourg-Saint-Denis, numéro 50) nous y mène tous les matins (à 7 heures un quart).

Nous partons pour Montmorency (6 livres). Plaine froide. Laguette parle des petites Allemandes qu'il a eues. Nous arrivons à l'église.Flèche, vue, Parc de M. Guidon, Guillon. agent de change. Nous traversons Montmorency (2 000 habitants), nous arrivons chez Leduc (4), chambre à trois fenêtres. Nous allons à « l'Ermitage de Jacques Rousseau », nous dit une femme du pays.

Bois de gros châtaigniers, charmant : ermitage, maison et jardin fort communs. Gréty, qui le possède, y était. Partie de la maison qu'a habitée Rousseau. Jardin. Banc de gazon auprès d'un prunier dansl'angle oriental, adossé au mur d'orient où il venait lire. On l'entretient. Buste de Rousseau avec les vers de Mme D'Épinay, fausse sensibilité et ce qu'on se doit à soi-même dans le monde.

Terrasse où il fit Émile, dit la bonne servante de Gréty, qui était notre cicérone. Nous lui donnons 30 sous et allons passer une heure dans un petit bois à cent pas de l'ermitage ; Gréty y est avec ses nièces, une d'elles faisait quelques notes simples sur le piano. Laguette nous lit quelques pages des lettres de Mme de Staël sur Ro usseau, que nous avions eu le malheur de prendre, ainsi qu'un plat voyage d'un M. Damin. Enflure de Mme de Stael et intérêt personnel gâtant quelques idées justes.

Belle vue de ce petit bois, tour antique bâtie depuis peu.

Nous dinons. Parc (36 arpents) de Mme Daumont-Mazarin, femme d'un certain âge. Charmant, le plus joli que j'ai vu. Vue du pavillon qui est au sommet. Vue immense, me rappelle celle de Bergame. Moins de vie dans celle-ci cependant. De longues lignes horizontales ; onze villages. Aiguille de Saint-Denis. Dôme des Invalides. Les hauteurs de Montmartre (300 pieds) cachent le reste de Paris ; on ne remarque rien dans ce qu’on pourrait voir à l'orient.

Amabilité parisienne de notre petit conducteur (seize ans), à cause d'une petite fille de dix (laide, dents gâtées), qui avait les clefs des portes et qui nous suivait. Gentillesse, agaceries du jeune homme ; airs de la petite fille. Les mêmes que ceux d'une femme de vingt-trois ans.

Mes compagnons ne prennent aucun intérêt à ce genre de remarques, ou ne les comprennent pas ; ils sont tout occupés de choses plus solides. Je commence à regretter de n’être là avec deux ou trois femmes comme Mlle de Cessé et deux ou trois Bellisle et Pace.

J'étais doucement ému, j'avais des pensées tendres et délicates dont la jouissance se serait décuplée en les voyant augmentées par celles des autres, en voyant d'autres cœurs émus comme le mien.

Où trouver ces autres ? Dans la bonne compagnie. Le génie, même vivant solitaire (Ingres, Bertholoni, en les prenant pour ce qu’ils paraissent), ne produirait pas le même effet.

J'avais des compagnons solides et raisonnables, pas trop sensibles et à mille lieues de tout cela.

Nous sortons ; le petit garçon reprend l'air froid et inoccupé d'un jeune homme de bon ton. Le soir grisâtre. Lever de lune, effet singulier. Elle est rouge et coupée par des nuages ardoise.

Terrasse de l'église, une seconde fois. »

C'est un Rousseauiste à demi convaincu qui visite l’Ermitage (5). Certes, dans une lettre datant de l’année 1800 et adressée à sa sœur Pauline, le jeune Beyle décrit l’auteur du «Contrat social» comme «L'homme qui eut jamais la plus belle âme et le plus grand génie». considère, d’autre part, que la «Nouvelle Héloïse» est une ouvrage immortel au-dessus de nos louanges. Maïs, dès 1803, des notes discordantes apparaissent. Il note dans son Journal littéraire (6); «Tâcher de me défaire des préjugés que m'a donnés J.-J. Rousseau et il m'en a donnés beaucoup». Son goût pour Rousseau venait pourtant de très loin. «Dès l’âge de six ans, je crois mon père m'avait inoculé son enthousiasme pour J.-J. Rousseau que plus tard il exécra comme anti-roi (7s) ». Quand on connaît les différends politiques qui l’opposaient à son père, on comprend que ce dernier point, surtout, l’ait enthousiasmé. Plus tard, il se « dérousseaurisera », le mot est de lui. I considéra que «J.-J. Rousseau était plus près du poète que du philosophe (8)». Cependant, on reste toujours, qu’on le veuille ou non, profondément marqué, par les idées de sa jeunesse et, en arrivant à Genève, en 1833, il note encore «ma première course fut pour la vieille maison où est né J.J. Rousseau».

Quant à GRETY, qui disait en tête du deuxième volume de ses «essais » : « Philosophes du siècle, savants, gens de lettres, ne lisez pas le reste de l’ouvrage, il n’est pas fait pour vous. Dès la première page, vous sourirez de la bonhommie d'un artiste qui n’a fait aucune étude exceptée celle du cœur humain et qui proclamait par ailleurs, à propos des Italiens, que «leurs passions sont triples de celles des peuples du Nord» », il avait tout pour recueillier les suffrages de Stendhal (9) ».

Après cet épisode, ce n’est qu’en 1810 que Stendhal reviendra dans notre ville. Ce voyage, il le fait avec Félix Faure (10) «My best friend» dont il fait pourtant un portrait peu attrayant.

«Depuis que je n'ai écrit, j'ai fait un voyage très agréable à Montmorency. Je me suis aperçu que je pouvais faire quatre lieues le matin sans m'en apercevoir le reste du jour, comme j'avais vu quelques jours auparavant que je pouvais faire quatre couplets à ma belle sans m'en apercevoir.

Les bois de Montmorency sont bien, mais ce qui n'était pas si bien, c'était le caractère of my best friend. I sue le froid et le triste, est contrarié, vexé partout, et jamais la moindre gaieté. Si l'on s'empare de la conversation pour qu’elle ne devienne pas froidement sépulcrale, il est tant soit peu vexé de ce que le partner parle toujours. Si l'on ne parle pas beaucoup, on tombe dans un triste horrible. À part ce défaut, c’est un homme très vertueux et très bon. Mais il faut que j'évite de voyager avec lui, suriout en Italie : il tuerait mon plaisir.»

Félix Faure demeura le meilleur ami de Stendhal jusqu'en 1814. Plus tard, il dira de lui :

«L'égoisme et une absence complète de la plus petite étincelle de générosité, réunis à un caractère triste à l'anglaise forment le caractère de ce mien camarade. C'est le plus plat de tous mes amis».

Sa visite du 3 mai 1811, à Montmorency, n’est en fait qu’un des nombreux alibis de Stendhal, soucieux de préserver le secret sur ses affaires de cœur. En fait, à la même période, il se trouve à Becheville (aux Mureaux près de Meulan) où il déclare son amour à Mme Daru, la femme de son oncle.

C'était pour lui une aimable façon d’exprimer sa reconnaissance au Grand Intendant de l'Armée impériale, qui a été à l’origine des seuls succès de carrière que Stendhal n'obtint jamais de sa vie privée. Il fut repoussé doucement mais fermement. I] se le tiendra pour dit. Quand la baronne (déjà mère de six enfants, et probablement enceinte d'un septième à l'époque) mourra, moins de quatre ans après, il n’exprimera qu’un regret très mesuré. Pendant les années qui suivirent, Stendhal fut très pris par sa carrière. Il fut nommé, en 1810, Auditeur au Conseil d'État, puis Intendant de la province de Sagan, en Silésie, en 1813. Mais la chute de l'empire, en 1814, met fin à tout cela.

Stendhal quitte la France (il n’y reviendra même pas pendant les cent jours) et rejoint sa chère Italie où il demeurera jusqu’en 1821. Son retour en France sera motivé par la politique réactionnaire de la Saint Alliance. Soupçonné (à juste raison) de libéralisme par l’Autriche, et (à tort) d’être un agent du gouvernement par les Carbonari, il sera de retour à Paris Je 21 juin 1821.

À cette date, débute la deuxième partie de la vie de Stendhal qui va être, à la fois, la plus féconde sur le plan littéraire (6 livres en neuf ans) et la plus misérable sur le plan financier.

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Deuxième période : les tourments

Dès l’été 1822, nous le retrouvons à Montmorency où il loue une chambre pNour corriger les épreuves de «De l'amour». Onse souvient que ce livre a été écrit pour analyser ses sentiments, à la suite de son amour malheureux pour Mathiide Dembrowski, à Milan.

C'est dans un état d’exaltation douloureuse qu’il effectue ce travail, il respirait alors «l’idée de Mathilde dans les sens (11)». Il dut s’arracher à la solitude de Montmorency pour s’enfuir à Corbeil. Chez Mme Doligny (12).

«C'était une chose bien dangereuse pour moi, que de corriger les épreuves d'un livre qui me rappelait tant de nuances de sentiments que j'avais éprouvés en lielie. J'eus la faiblesse de prendre une chambre à Montmorency. J'y allais le soir en deux heures par lu diligence de In rue Saint-Denis. Au milieu des bois, surtout à gauche de la Sablonnière en montant, je corrigeais mes épreuves. Je faillis devenir fou.»

Cet épisode nous révèle un Stendhal très différent du dandy cynique que l’on imagine, quelquefois, à la lecture de son œuvre. Image que lui-même s’acharnait à donner.

L'ouvrage paraîtra, le 17 août 1822, sans nom d’auteur. Trois ans plus tard, il devait écrire sur son exemplaire d’auteur «death of the author». Mathilde venait de mourir à trente-cinq ans. «De l'amour» n’eut aucun succès. Son éditeur Mongie lui écrivit en 1824 : «Je n'ai pas vendu quarante exemplaires de ce livre et je puis dire comme des «Poésies sacrées» de Pompignan, sacrées, elles le sont, car personne n'y touche !» Stendhal disait lui-même que l’édition de son livre «était devenue rare parce qu’elle avait été embarquée sur un bateau pour y servir de lest» (13), Ce fut pourtant l’œuvre pour laquelle il eut toujours le plus de tendresse. Il écrivit, pour elle, une dernière préface dix jours seulement avant sa mort. C’est en tout cas, celle où il mit le plus de lui-même.

C’est encore à Montmorency, qu’en 1823, il rédige la préface à la «Vie de Rossini», ce livre sera mis en vente à la fin de l’année.

«La musique, mes uniques amours». La musique oui ! mais la musique italienne, la seule, en fait, que Stendhal connaît bien (celle de Mozart exceptée).

C’est également, enfin, de Montmorency, qu'est datée la préface de «Rome, Naples et Florence» le 30 juillet 1824.

En fait, le livre avait paru, en 1817, à la fois à Paris et à Londres. C’est de la deuxième édition dont il est question ici. L'ouvrage fut mis en vente en 1826, tronqué par l'éditeur de toutes les allusions politiques qu’il trouvait subversives.

La même année, Stendhal achève la rédaction de son premier roman «Armance ou quelques scènes d’un salon de Paris en 1827», dont l’action principale se déroule à Andilly. Le sujet en est pour le moins obscur. Un jeune homme, Octave de Malivert, aime une jeune fille, Armance de Zohiloff et en est aimé. Pourtant il la fuit. Perdu dans la forêt d’Andilly, il rêve de se faire tuer par un enfant «chasseur et maladroit» puis essaie de disparaître au cours d’un duel. I] finira pourtant par épouser Armance, mais dès le mariage conclu, il s'enfuit. La nature miséricordieuse finira par le délivrer, au large de la Grèce, d’une vie qui Jui pesait... au moins autant qu’au lecteur ! Ce livre fut une énigme pour ses contemporains ct n’eut guère de succès.

La solution ? Stendhal la donne dans une lettre adressée à Prosper Mérimée, en date du 23 décembre 1826.

I1 a voulu traiter d’un problème de relation entre hommes et femmes qu’à son époque, ni la chirurgie ni un soutien hormonal ne pouvait résoudre (et dont il semble qu’il ait été victime lui-même). Le style de la lettre et les détails dont il est fait mention, l’écartent malheureusement des éditions scolaires usuelles. Avec le recul du temps, l’œuvre nous apparaît maintenant comme l'expression de l'ennui qui règnait dans la société française de l’époque. L'esprit réactionnaire de la politique de Charles X apparaissait aux jeunes Lens en contraste violent avec la gloire de l’époque napoléonienne, les «3 Glorieuses» étaient proches.

Mais quel rôle joue notre région dans tout cela ?

Notre forêt est constamment présente, Octave y joue à cache-cache à la fois avec ses problèmes et sa bien-aimée, mais elle n’est décrite que par éclairs.

«Un soir, après une journée d’accablante chaleur, on se promenait lentement dans les jolis bosquets de châtaigniers qui couronnent les hauteurs d’ Andilliy. Quelquefois, le jour, ces bois sont gâtés par la présence des curieux. Dans cette nuit charmante qu'éclairait la lumière tranquille d’une belle nuit d'été, ces collines solitaires offraient des aspects enchanteurs. Une brise douce qui se jouait parmi les arbres, en complérait les charmes de cette soirée délicieuse.»

Comme on peut s’en rendre compte, de très beaux éclairs tout de même !

Ne soyons pas trop sévères pour ce premier roman. Le sujet particulier et le style trop «Code civil» peuvent déplaire, mais on y perçoit déjà poindre cet «allegro intime, ce staccato grêle et un peu sec qui n'est qu'à lui (14) ct qui fait le charme des grandes des œuvres de Stendhal.

Dans les années qui suivirent et, jusqu’en 1830, Stendhal toucha le fond de la misère. En 1828, il perd sa pension militaire d’adjoint aux commissaires des guerres, dernier vestige de son épopée napoléonienne. Son dénuement ne li permet même pas d’aider financièrement sa sœur préférée Pauline. Il en est réduit à lui faire obtenir une place de gouvernante à Enghien (Montmorency) par le chansonnier Béranger.

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Troisième période : M. le Consul de France à Civita Vecchia

Après la révolution de 1839, il sollicite un poste de préfet, en vain. Il est alors nommé consul de France à Trieste. Le gouvernement autrichien le récuse. Le Vatican l’accepte enfin comme consul à Civita Vecchia, dans les Etats Romains. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie professionnelle.

En 1836, oh joie ! son ami le Comte de Molé devient ministre des Affaires étrangères en remplacement d’Adolphe Thiers. I] lui accorde un congé de trois mois qui, en fait, va durer trois ans (heureuse époque pour les fonctionnaires !). Une note, datée du 13 novembre 1836 nous apprend son séjour à Montmorency du 8 au 13 novembre, sans précision supplémentaire.

Stendhal reste donc fidèle à notre ville mais les séjours qu'il y fait s’espacent, ou du moins, on n’en trouve plus aucune trace dans sa correspondance. En 1838, on sait qu’il a rendu visite à Astolphe de Custine dans son château de Saint-Gratien. En 1839, il doit rejoindre son poste et ne reviendra dans la région parisienne qu’en 1841. L’année suivante, Stendhal qui s'était déjà «colleté avec le néant» en mai 1841, meurt à Paris dans la rue neuve des Petits-Champs (aujourd’hui, 22, rue Danielle-Casanova) d’une attaque d’apoplexie. I] fut enterré le 24 au cimetière de Montmartre. Trois personres seulement assistent à ses obsèques : Prosper Mérimée, Tourguenieff et son cousin Romain Colomb, son exécuteur testamentaire, qui donnera les pre- mières éditions posthumes de ses œuvres.

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Quatrième période : la sépulture de Stendhal

La disparition de Stendhal nous amène à aborder un autre point important de l’histoire des relations entre l’auteur de La Chartreuse de Parme et Montmorency. S’il appréciait beaucoup notre région de son vivant, Stendhal exprima plusieurs fois le désir d'y reposer après sa mort. Comme chacun le sait, il écrivit de nombreux testaments. Dans l'édition qu'il vient de donner chez Gallimard (15), M. Del Litto n’en compte pas moins de 21, assortis chacun de nombreux codicilles. Or, par trois-fois, en 1828, 1836 et 1837, Stendhal a demandé à reposer après sa mort au cimetière d’Andilly.

Testament de M. Henri BEYLE, né à Grenoble en janvier 1783.

« Je, soussigné donne et lègue à M. R. Colomb mon cousin, présentement logé rue Godot-de-Mauroy, n° 39, tout ce que je possède dans l'hôtel où je logerai au jour de mon décès. Je donne à M. Colomb, mon cousin, tout ce que je possède aujourd'hui dans l'hôtel de Valois, n° 71, rue de Richelieu, où je loge. Je désire être porté directement au cimetière. Je désire être enterré dans le cimetière d’Andilly (vallée de Montmonrency) ou dans le cimetière de Montlignon ou de Saint-Leu, ou enfin dans le cimetière d'un des villages voisins d'Andilly. Je désire que les frais du transport n’excèdent pas trente francs.

« Fait à Paris le quatorze novembre mil huit cent vingt-huit. »

Testament de Henry BEYLE
Paris, le 8 juin 1836

« «Je désire être transporté directement et sans frais au cimetière. Je désire être déposé au cimetière d'Andilly près Montmorency ; si Monsieur le curé d’Andilly consent à cet arrangement, on fera une aumône convenable. Sur ma tombe on mettra une pierre avec ces paroles et non d’autres :

« Qui giace
Arrigo Beyle Milanese
Visse, Scrisse, Amo
1783-18».

« « Je lègue le mobilier, les livres, la montre que j'ai à Paris et tout ce qui m'est dû sur mes appointements (à prendre chez M. Flury-Hérard, n° 133) à M. Romain Colomb, qui sera exécuteur testamentaire et me fera enterrer au cimetière d’ Andilly (vallée de Montmorency) et, si cela est trop cher, au cimetière Montmartre, avec belle vue, près du monument de la famille Houdemont. Sur ma tombe, M. Colomb est prié de faire placer un morceau de marbre commun avec ces mots (et rien d’autres) :

« Pierre tumulaire du soussigné, n’y rien ajouter, ni changer. »

Paris, 27 septembre 1837
signé : H. BEYLE

Il est émouvant de penser que si de sordides considérations financières n’avaient pas joué, il reposerait en ce moment sur notre colline, dans un paysage plus en accord avec ses choix qu’au cimetière Montmartre. Le six août 1828, Stendhal écrivit à Mme Jules Gaulthier :

« J'irai bien vite vous voir ; nous courrons ensembre les bois d'Andilly. Ils sont toujours pour moi ce qu'il y a de mieux aux environs de Paris (16) »

Une telle fidélité à notre région valait que le Bulletin de la Société d'Histoire de Montmorency s’y arrêtat un peu. Pour Stendhal, il n’a jamais existé que deux lieux habitables : un Milan plus ou moins rêvé et un Paris où l’avaient mené ses ambitions de jeune homme et où le retenait son activité intellectuelle.

Par ailleurs, on est toujours surpris de l'empreinte indélébile que lui a laissée sa naisssance dauphinoise, même si, apparemment, il la rejette. On peut alors penser que la butte de Montmorency lui fournissait l’occasion de quitter, à peu de frais et de fatigue un Paris dont la «platitude» l'avait effrayé à son arrivée dans la capitale.

On peut l’imaginer rêvant sur la terrasse de la Collégiale, d’abord jeune Rastignac à qui tout est promis, puis, à mesure que la vie passait, revenant y remâcher son amertume et ses souvenirs. C’est sur cette image que nous le quitterons.

À. Duchesne

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Notes

Avertissement. — La seule édition récente des œuvres complètes de Stendhal a été publiée par les Cercle du Bibliophile — Evreux — sous la direction de Victor Del Litto. Celui-ci reprend, en l'améliorant, son édition dans la collection de la Pléiade chez Gallimard. Sauf indications contraires les textes des citations sont extraits de cette dernière édition.

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