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20 ans de coopération entre « Le Renouveau » et le ceg

(Extraits des notes de M. Soin, ancien directeur du cours complémentaire de Montmorency)

C'était en 1945, vers la fin de l’année scolaire. Un après midi, je vis entrer dans mon bureau une petite personne, brune de cheveux, les yeux brillants, le teint pâle. Une autre dame l’accompagnait, grande et blonde, et je fus d’abord frappé du contraste qui les opposait. Je sus bientôt le motif de la visite. Un groupe d’enfants rescapés des massacres raciaux se trouvaient réunis par l’amour et la volonté de trois femmes : Mme François (c'était son nom dans la résistance), la plus petite de mes deux visiteuses, Mme Simone Chaye, celle qui l’accompagnait, enfin, Mme Camplan, dont je devais faire la connaissance quelques jours plus tard.

Ces enfants devaient être réunis peu à peu dans un centre d'accueil, qui deviendrait un centre d’éducation. Ce centre devait être créé à Montmorency. Il s'ouvrit, en effet, rue de Groslay, dans une propriété que M. Pointard, alors maire de Montmorency, avait réussi à réquisitionner. Le Renouveau était né, Mme François en assurait la direction.


J'ai bien connu tous ces enfants et la « première génération » du Renouveau. Combien d’images m’assaillent quand je repense à toutes ces années passées, durant lesquelles j'ai regardé vivre ces enfants. La plupart m'ont conté leur histoire, leur peine, leur espoir. Non seulement les garçons parce qu'ils fréquentaient l'école que je dirigeais à Montmorency, mais aussi les filles, car j’étais un visiteur assidu de cette passionnante maison. Tous ces enfants savaient qu'ils pouvaient voir en moi un ami. Et c'était une belle récompense que leur amitié et leur confiance. J'ai suivi leurs efforts et l’école a fait pour eux tout ce qu'il était en son pouvoir de faire. Je n’ai eu qu’à me louer de la présence de plusieurs enfants du Renouveau dans chacune des classes de mon établissement. La collaboration famille-école avait pris là une figure particulière ; sa réalité et son efficacité ne se sont jamais démenties.

Ce ne serait pas trahir la véritable histoire du Renouveau que de la ramener à l’histoire d'une collaboration entre l’école et la famille. J'ai quitté la direction de l’école Pasteur, il ya trois ans. C’est donc dix-sept années d’étroite collaboration que j'ai vécues.

L'œuvre du Renouveau ne peut être exprimée en une formule. Ceite œuvre a été lente. I] fallait donner l'envie de vivre et de réussir à des enfants divers en âge, en niveau scolaire, en origine sociale ; à des enfants qui souffraient d’être l’objet de tant d'attention, à des enfants privés de l’affection la plus légitime, la plus nécessaire et dont le comportement aurait pu décourager les meilleures volontés. 11 fallait tout accepter et peu à peu remonter le dur courant de leur opposition, de leur égoïsme, de leur souffrance. Comprendre ces enfants, analyser leurs réactions, leurs réponses, leurs fautes, leurs succès. Tirer patiemment parti de chaque incident, leur faire confiance. Se tromper parfois. 11 fallait inventer un système d'éducation, petit à petit. Alors on donna aux enfants des responsabilités. On s’ingénia à les distraire en les instruisant.


La première vertu des élèves venus du Renouveau était une assiduité absolue. Jamais la directrice n’acceptait qu'un élève manquât la classe sans un réel motif ; et les enfants le savaient parfaitement. Ces enfants trouvaient-ils, dans notre école une atmosphère particulière ? Je ne le crois pas. Notre école, comme toutes les écoles, avait des maîtres qui faisaient plus ou moins bien leur tâches. Mais le Renouveau trouvait dans l’école son complément naturel et efficace. Ces élèves apportaient à l’école un peu de l'ambiance de leur maison mais ils y remportaient un peu de l'ambiance de l’école. Je ne veux pas dire que les enfants étaient constamment à l’école, même dans leur centre d'éducation, non, car le Renouveau n'était pas une école, maïs je crois que l’'émulation scolaire se prolongeait après l’école et que le Renouveau), très naturellement, poursuivait et parachevait son travail.


Maintenant, une certaine nostalgie, mêlée de reconnaissance, pousse les «Renouveauriens», comme ils s’appelaient eux-mêmes, vers leur ancienne maison. Ils viennent saluer leur directrice, revoir le lieu de leur jeunesse. Oui, on a quelquefois pleuré, trépigné, injurié, mais le succès est venu pour tous. Si l’un est ingénieur, l’autre professeur, un autre docteur, tous n’ont pas conquis une aussi enviable place dans la société, mais ils sont tous conscients de l’œuvre du Renouveau. Ils se réunissent parfois pour évoquer avec mélancolie le temps de leur premier malheur et puis celui de leur réussite dont ils doivent une grande part à eux-mêmes certes, mais aussi à l’admirable et infatigable pédagogue, à leur mère à tous, à leur chère Mme François-Unger. Sa modestie souffrira, je le sais, mais elle me pardonnera de dire, pour finir, qu’elle a accompli, depuis vingt ans, une œuvre admirable et difficile, que sa ténacité n’a jamais faibli, et qu’elle à toujours eu raison d’avoir une inlassable confiance dans la jeunesse.

Pierre Soin,
ancien directeur de C.E.G. de Montmorency

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