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Le château de Charles Lebrun à Montmorency

Comme la plupart des artistes du XVIIu et XVIIIu siècles, Charles Lebrun soubaita de bonne heure posséder une maison champêtre où il pourrait aller respirer l'air frais et se reposer. C'est Montmorency qu'il choisit pour ce faire mais les circonstances exactes dans lesquelles il vint s'y installer restent asrez mal connues. Ami de la famille Le Laboureur dont l'un des membres, Louis, était bailli de Montmorency et lieutenant général de la duché-pairie de Montmorency, c'est probablement par leur intermédiaire qu'il fit connaissance avec notre cité et décida de s'y installer.

Son établissement au seuil de notre petite colline se fit par étapes, dont certaines sont encore obscures. Ainsi, on ne connaît pas la date précise de sa première acquisition à Montmorency, on sait seulement qu'il y possédait déjà une terre en 1667 puisque, par un acte du 12 décembre 1667, Il donne une terre à bail à un vigneron de Montmorency.

Par contre ses acquisitions ultérieures sont mieux connues :

Le petit château de Montmorency
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Ce sont ces différentes acquisitions qui, après que le peintre eut obtenu une réponse favorable à la nouvelle requête présentée au Prince de Condé, ajoutées au fief de Thionville acquit en 1673, coustituèrent le domaine que Charles Lebrun posséda au pied de notre colline. .

Eu effet, comme il l'explique au Prince de Condé dans sa requête, il possédait alors à Montmorency deux propriétés l'une créée et l'autre achetée (le fief de Thionville) qui étaient séparées « par le grand chemin qui conduit de Montmorency à Saint-Denis », autrement dit, la route de Paris   ; il demandait en conséquence l'autorisation de la reporter derrière le château qu'il avait fait construire dès 1670 afin de pouvoir réunir ses deux propriétés en une seule et du même coup d'agrandir le fief de Thionville. Il obtint gain de cause ;

Façade côté jardin
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À proximité de la maison acquise en 1673 (ia maison Desnotz sur le fief de Thionville), Lebrun lit construire un autre bâtiment : le Logis Neuf, appelé plus tard le Petit Château ou Château Lebrun. Est-ce le bâtiment qu'il fit construire sur «Les Clozeauxs» sitôt ceux-ci acquis en 1670 ? Est-ce une nouvelle constructions ? Il est impossible de répondre.

La tradition donne pour architecte du «Logis Neuf» Jules Hardouin Mansartmais il est fort probable que le peintre dessina lui-même les plans du bâtiment. Ces diverses constructions aÿant disparu, on ne peut guère que s'en remettre aux gravures d'lsmaël Sylvestre, ami intime du peintre, pour se faire une idée de ce que fut le «Petit Château».

Une première gravure qui représente le «Logis Neuf» vu du coté jardin montre bien ce qu'était ce petit bâtiment long de trente-trois mètres et d'où purtaient de chaque côté deux arcades ayant la huuteur et la largeur du mur de la ville, et qui, pour l'une d'elles, réunissait la nonvelle construction à la maison Desnotz, que l'on situe assez nettement sur la gauche. Une seconde gravure montre La façade donnant sur le «canal», qui était occupée en son milieu par deux portiques superposés formant loggia. Ils seront évidés au XVIII siècle et serviront de fond à un tableau de Watteau : «la perspective».

Ces deux gravures de Sylvestre ne donnent d'ailleurs qu'une idée impurfaite des jardins de Montmorency, de leurs allées bordées d'arbres rares ou exotiques en caisses. Plus de trois quart de siècle après la mort du peintre, Jean-lacques Housseau célébrera leur beauté dans ses Confessions et mentionnera, de même qu'un célèbre paysagiste du XVIIIu : Dezallier d'Argenville, que Lebrun avait présidé lui-même aux plantations.

Lebrun fit aménager également dans le parc une grotte précédée de fontaines et d'une rangée de nappes d'eau formant une petite cascade au sommet de laquelle était posé en enfant de marbre assis sur un dauphin sculpté par lacques Sarrazin.

Les charmes du parc de Montmorency attirèrent vite de grands personnages. Le Grand Dauphin, qui avait Ismaël Sylvestre pour maître à dessiner, y est peut être venu dessiner puisque l'on retrouva dans les papiers du peintre nne composition de lui représentant le «&thinp;Logis Neuf ».

Maquette du jardin de Lebrun
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Le «Mercure Galant» de juin 1679 rapporte que le dimanche 14 mai, le Prince de Condé accompagné du Duc de La Rochefoucaut, de Monsieur de Condom, c'est-à-dire Bossuet, et da plusieurs autres seigneurs de la Cour y vinrent en visite : «>il y eut grandes eaux, promenade en bateau sur le canal qui est devant la façade de le maison el son Altesse Sérérisshne y reçut le divertissement d'une fort agréable symphonie. Tout ce beau monde coucha au château et repartit le lendemain pourChantilly,»

Bien des visiteurs qui les précédèrent confirmèrent ke talent particulier qu'avait le peintre de recevoir ses amis.

L'inventaire fait à Montmorency le 11 mai 1690 après la mort de Charles februn confirme Îa richesse des tableaux, des meubles et autres curiosiiés qui décoraient le logement du peintre ; il tend à montrer d'ailleurs que le créateur du style Louis XIV ne redouta pas de s'affranchir pour son propre intérieur des formules décoratives qu'il avait imposées à toute une génération d'artistes.

À la mort de Coïbert, Charles Lebrun, tombé en semi-disgrace, se retira définitivement à Montmorency, Louvois l'ayant remplacé par Mignard, et y vécut pratiquement jusqu'à la fin de sa vie : ce n'esi que quelques jours avant sa mort survenue le 11 février 1696 qu'il se fit transporter dans sa maison de la rue de la Doctrine Chrétieune à Paris pour y mourir. Trois jours plus tard il fut inhumé dans l'église Saint-Nicolas du Chardonnet ; sur sa tombe les premiers mots de l'épitaphe sont les suivants : «>À la mémoire de Charles Lebrun, écuyer, seigneur de Thionville, premier peintre du Roi...»

Que devait devenir sa propriété de Montmorency ? Il avait pour héritiers principaux sa veuve Suzanne Butay et l'un de ses neveux Charles II Lebrun, un des deux fils de son frère aîné Nicolas, décédé bien avant lui en 1660. Contrairement au désir éxprimé par le peintre dans son testament, sa maison de Montmorency ne fui pas vendue et demeura indivise. entre les deux héritiers comme l'atteste la transaction et partages du 31 mars 1694 conservée au Minutier central des Archives Nationales. Par une précédente convention du 10 décembre 1691 Suzanne Butay et son neveu avaient renoncé à la poursuite de la vente des meubles à Montmorency qui avait été amorcée conformément à une autre convention conclue entre eux le 26 décembre 1690. Ils prirent celte décision afin d'empêcher <le dégast des meubles qui serat indubitablement arrivé en cette ville de Paris et afin de pouvoir par ce moyen finir plus promptement ladite vente, vente qui dure depuis si longtemps». Après le décès de la veuve du peintre survenn le 26 juin 1699, la propriété de Montmorency fut adjugée le 2 septembre 1702 à Maître Pierre Martin, procureur au Parlement, qui en fit déclaration à Pierre Crozat Le 13 octobre 1702 après que les héritiers de Suzanne Butay fussent venus retirer «les meubles, orangers, et autres ustancils» appartenant à la succession comme le précise l'inventaire après décès du neveu de celle-ci — son héritier — Charles II Lebrun en date du 5 juillet 1727.

Le nouveau propriétaire, le financier Pierre Crozat, dit le pauvre, se consacra d'abord à la remise en état de sa nouvelle propriété et à la restauration du Petit Château qui, en raison l'humidité des lieux, s'était probablement détérioré au cours des quelques années écoulées depuis le départ de Lebrun.

Dès 1702, Pierre Crozat entreprend la construction d'une nouvelle bâtisse beaucoup plus grande que Le château construit par Charles Lebrun et que l'on eppelera en conséquence «Le Grand Château», dont l'architecte fut Cartauld, architecte du Duc de Berry. Cette nouvelle demeure, mieux en rapport avec le rang et la fortune du financier, devait rapidement éclipser le Petit Château, qui bien que toujours entretenu ne fut plus habité.

À la mort de Pierre Crozat survenue le 23 juin 1740, c'est à l'un de ses neveux, le Marquis de Châtel, qu'échut le domaine de Montmorency, qu'avait considérablement embelli le financier ; outre le Grand Château, il y avait fait édifier une orangerie et redessiner le parc. Le Marquis meurt à son tour le 31 mars 1750 sans laisser d'héritier de sexe masculini ; c'est donc au fils de la fille aînée du Marquis, qui avait épousé le Duc de Gontaut, que passe le domaine, Celui-ci n'est alors âgé que de sept ons mais il est promis à un brillant avenir : ce n'est autre en effet que le célèbre Duc de Lauzun.

Les notaires de celui-ci, pour éviter la dégradation des lieux inhabités, cédèrent l'usufruit des deux châteaux et du parc le 20 avril 1754 au Maréchal de Luxembourg, le protecteur de Jean-Jacques Rousseau, qui y fit avec sa femme la Maréchale quelques séjours jusqu'à sa mort survenue le 18 mai 1764. Veuve pour la seconde fois la Maréchale ne devait plus guère séjoumer à Montmorency. Ruiné, le Duc de Lauzun dut vendre une grande partie de ses biens, le domaine de Montmorency qui acquis par l'un de ses amis : le banquier Louis-Marie de Rohan-Guéméné. °

Que devint le Château Lebrun? On ne possède guère d'informations sur sa destinée : probablment entretenu mais plus habité par les propriétaires successifs du domaine, eusuite délaissé comme le Grand Château pendant la période révolutionnaire, il disparaït certainement alors que le propriétaire du château est Nicolas Guesdon, le syndic des agents de change à Paris en 1809. En effet, lorsque sa fille, son unique héritière, vend à un protégé de Napoléon Ier, le Comte d'Aldini, le domaine, il n'est plus fait mention que du château et de son parc. Et l'on sait que le Grand Château fut Fobjet d'impartants travaux entrepris aur l'ordre d'Aldini, ce qui atteste a contrario que le Petit Château de Lebrun n'existait plus.

En fin de compte la construction par Pierre Crozat dès 1702 d'une nouvelle demeure fit rapidement du logis Neuf une annexe de la propriété, d'où le peu d'informations dont nous disposons sur sa destinée et notre ignorance de la date précise de sa disparition.

Didier Le Ferrand

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