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André, Modeste Grétry, cet inconnu illustre

Notre ville de Montmorency a baptisé du nom de André, Modeste Grétry l'une de ses rues la plus longue et la plus importante. Partant de la rue Saint-Jacques, elle se déroule en pente douce jusque vers Saint-Brice, s'arrêtant au carrefour qui permet de rejoindre l'Hermiage.

Jusqu'à très peu de temps le buste du compositeur dirigeait un regard ironique et souriant vers l'Hermitage où. après J.J. Rousseau, Grétry vécut et mourut le 23 septembre 1813.

L'œuvre considérable de ce grand musicien né à Liège le 17 février 1741, joua un rôle déteuninant dans l'Histoire de la musique occidentale, autant que dans celles des idées, des esthétiques et des philosophies de son temps. Injustement oublié, il est l'une des victimes exemplaires de notre patrimoine au profit quasiment exclusif de celui des autres pays.

Ajoutons à cela qu'il est musicien, pire : compositeur, et que la place de la musique dans la pensée française est loin d'être totalement reconnue, aujourd'hui encore.

Si Grétry était né à Salzbourg et Mozart à Courbevoie, de qui parlerait-un ? Je ne suis pas certain de la réponse...

Ne nous égarons pas, il n'est nullement dans mes intentions d'opposer le talent de Grétry à quiconque et surtout pas à celui de Mozart mais plulôt d'attirer l'attention sur l'une de ces erreurs par omission que l'histoire commet parfois. Erreur d'autant plus irritante qu'elle atteint l'un des plus illustres ciloyens de Montmorency.

Illustre, en effet, il le fut. Il fut même un musicien universellement connu, aduiré, glorifié, donc copié et pillé...

Les œuvres de Grétry figurent à l'inventaire dressé au domicile de Mozart à l'isstant de sa mort. Mozart et Beethoven composèrent l'un et l'autre des variations pour le piano à partir d'œuvres de Grétry. Son influence musicale ira bien au-delà, j'y reviendrai plus tard.

Une carrière incroyablement fertile lui assure la célébrité, le renom et la gloire. Illustre musicien sous lu Monarchie, comblé d'honneur immédiatement après le terreur, il eut des funérailles nationales sous L'Empire.

Son talent et la souplesse d'un caractère associés à une vive intelligence, le feront accéder sux plus hantes charges officielles qu'un pays puisse offrir.

En effet nous le voyons successivement : directeur de la musique de la Reine Marie-Antoinette (laquelle fut la marraine de sa troisième fille), écrivant un opéra avec le frère du Roi (La Caravane du Caire, livret du futur Roi Louis XVI), dédicaçant ses ouvrages au Comte d'Artois, à la Duchesse de Polignac, à Madame Du Barry, au Duc de Choiseul, etc.

En )795 est créé le Conservatoire National de Musique et les anciennes académies sont réorgunisées sous le titre d'Institut de France. Il est nonmmé inspecteur Général des Études (premier du nom), et, en compagnie de Méhul(1) et Gossec(2), il va représenter la musique à la toute nonveile Académie des Beaux-Arts.

L'An IX (1801) il rédige un texte afin de prouver qu'il fut toujours républicain :

« C'est sans doute aux sentiments de républicanisme que j'ai sucés dès mon enfance que je dois l'amour de la liberté et l'horreur de l'esclavage. L'accueil que j'ai reçu de l'ancienne Cour, mon goût naturel pour les matières nobles el aisées, rien n'a pu ployer mon esprit à d'autres assujetissements que ceux de la raison... »

Il figure sur les premières nominations dans l'Ordre de la Légion d'Honneur qui venait d'être institué.

Personnage tellement populaire, tellement estimé que les auteurs du Vaudeville des 1797 n'hésitaient pas à composer sur lui des couplets du genre :

« Chanter Grétry, c'est téméraire
— Non mes amis, c'est un enfant qui donne un bouquet à son père !
 »

 »

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Les Funérailles

Le samedi 25 septembre 1813, le « Journal de l'Empire » publie l'annonce suivante :

« Monsieur Grétry est mort ce matin à Montmorency dans l'ancien Hermitage de J.-J. Rousseau. Nous donnerons incessammeut une notice sur ce grand compositeur ».

Dimanche 26 septembre dans le même journal :

« Les obsèques de Monsieur Grétry seront célébrées lundi prochain dans l'Église Saint-Roch. Il sera inhumé au cimetière du Père Lachaise, à côté du tombeau de M. Delille(4) ».

Les funérailles publiques furent organisées promptement. Toute la presse officielle concourut à les diffuser comme si elle agissait sous l'injonction d'un ordre.

Le lundi 27 septembre des représentants de l'Institut de France vinrent à Montmorency chercher la dépouille mortelle du compositeur. Ils l'accompagnèrent jusqu'à son domicile parisien, boulevard des Italiens.

Le mardi 28 septembre « Le Journal de l'Empire » donne le compte-rendu de l'ensemble des cérémonies ::

« Les funérailles de Monsieur Grétry ont été célébrées avec une grande solennité. Tout ce que Paris renferme d'auteurs dramatiques, de compositeurs et d'artistes distingués assistoit à son convoi qui étoit d'ailleurs suivi par une foule imnmense de personnes de tous les états. Le cortège est parti à midi du Boulevard des Italiens. Il était ouvert par un grand nombre de musiciens des orchestres des principaux théâtres, qui exécutaient une marche funèbre de Monsieur Gossec. Cette musique, accompagnée du tam-tam et du roulement de tambours voilés, est d'un grand caractère. Elle a été composée pour les funérailles de Mirabeau et n'avait pas été exécutée depuis. Le convoi a suivi les boulevards jusqu'à la rue Montmartre, et s'est arrèté devant le Théâtre Feydeau(3).

Le péristyle étoit tendu de noir, un buste de Grétry, couronné de lauriers étoit placé au premier étage, et les acteurs, vêtus en deuil, se trouvoient rangés devant la grande entrée de la salle. Au moment où le convoi s'est arrêté, un orchestre caché a fait entendre l'air si touchant de « Zémire et Azors » : « Ah ! laisse-moi la pleurer ». Il est impossible de se figurer la sensation qu'a produit ce morceau, l'un des plus touchants de son immortel auteur. M. Gavaudan(5) a prononcé, d'une voix entrecoupée par ses sanglots, un discours plein de sensibilité : « Permettez, a-t-il dit,r Messieurs, que nous suspendions un instant cetie marche funèbre, et que des enfants éplorés rendent un dernier hommage à leur pére sur le seuil même du théâtre qui retentit si longtemps du bruit de ses triomphes. Permetiez que nous déposions sur son cercueil une des innombrables couronnes que le public lui a décernées ». Après cette cérémonie qui a fait couler les larmes de tous les assistans, le convoi a repris sa marche. Il s'est arrèlé de nouveau devant l'Académie Impériale de Musique (l'Opéra) et M. Picard(6), directeur, s'y trouvoit avec plusieurs auteurs et avec tous les artistes de ce théâtre.

M. Aignan(7) s'est rendu l'interprète de leur douleur, et a payé aux mânes de Grétry le tribut des regrets universels qu'il existe. Le cercueil est arrivé à Saint-Roch à deux heures, au milieu d'une foule immense qui se pressoit de toute part. Toutes les croisées, tous les balcons étoient chargés de monde : les avenues de l'église étoient tellement encombrées que le convoi n'y à pénétré qu'avec beaucoup de difficulté : et la vasle enceinte de Saini-Roch pouvoit à peine contenirtoutes los personnes qui étoient venues dès le matin pour assister au service.

Après un « Dies Irae » de Mozart et un « De Profondis » qui ont été chantés par les artistes de l'Opéra et les élèves du Conservatoire, le cortège s'est remis en marche et s'est rendu au cinetière du Père La Chaise.

M, Méhul au nom de l'Institut, et M. Bouilly(8) au nom des auteurs dramatiques ont prononcé des discours qui ont produit une vive émotion et que nous regrettons de ne pouvoir publier. Ainsi s'est terminée celte triste cérémonie qui a excité un intérèt géneral et qui a eu, on peut le dire, tout le caractère d'un (sic) véritable apothéose  ».

Un peu plus loin le journal signale : « Ce soir, au théatre de l'Opéra Comique, l'orchestre à exécuté au milieu des plus vifs applaudissements, l'air : « Laissez-moi la pleurer ! ». Les spectateurs ont demandé, pour demain, en l'honneur de Grétry, une représeniation de « Zémiro et Âzors, et de « L'Amant Jaloux » :  ; et Gavaudan(5) est venu annoncer aux spectateurs que les acteurs s'empresseraient de déférer aux vœux du publics.

Le jour même, l'un des principaux critiques du « Journal de l'Empire » prend la plame en l'honneur de Grétry. Il s'agit de Julien-Louis Geoffroy, critique littéraire notoire à la fin dn XVIIIe siècle. Né en 1743, deux ans après Grétry il en étoit l'exact contemporain par le goût et les idées. Il avoit assisté à l'ascension de aa gloire et avoit été présent à ses créations. Adversaire des Encyclopédistes il rédigea, « L'Année Littéraire » après la mort de Fréron, ennemi célèbre de Voltaire. Après la Révolution il entre au « Journal des débats, c'est notre « Joumal de l'Empire > et y demeure jusqu'à sa mort en 1814. 1l ne manquait ni de savoir ni d'esprit polémique. Voici ce qu'écrit J.-L Geoffroy :

« L'Opéra Comique et même l'Opéra sont aujourd'hui dans le deuil : toutes les Muses qui président particulièrement au chant et à la musique répandent des larmes, et, dans l'excès de la douleur, brisent leurs instruments. On chante aujourd'hui un De Profondis dans une église de Paris pour celui qui a fait retentir les théâtres des chants les plus vrais, les plus expressifs, les plus ingénieux. Le dieu de l'Opéra Comique, ou plutôt de la comédie lyrique a terminé sa carrière, il est allé rejoindre Orphée, Amphion, et Linus, laissant ici bas, avec la collection de ses chefs-d'œuvre, jusqu'à un De Profondis qu'il avoit eu la précaution de composer lui même pour ses funérailles, de peur qu'un musicien ne s'avisât de souiller par des chants peu naturels la cérémonie de son enterrement ».

Né à Liège en 1741, il y fit ses premières études musicales avec un succès prodigieux ; il partit pour Rome, où brilla la première aurore de ses talents pour la musique dramatique. Il se rendit très habile dans la composition et l'harmonie, et vint ensuite à Paris avec tout l'acquis nécessaire pour s'y faire d'abord une grande réputation. Quand il parut dans la capitale, Philidor et Monsigny parlngeoient enire eux l'Opéra Comique, alors appelé Comédie ltalienne. Philidor avoit plus de science, Monsigny plus de naturel, de mélodie et de grâce : tous deux avaient un beau talent. Le nouveau venu trouva dans ceux qui devoient être ses rivaux, des amis, des hommes honnètes et des juges éclairés ; il renconira à la Comédie des acteurs d'un vroi mérite, des chanteurs peu musiciens, mais plein d'âme et d'expression ; lui même ne passait pas pour savant, parce qu'il oc montroit pas mal à propos sa science. Il eut encore le bonheur de trouver des auteurs qui avoient du sens commun, de l'esprit et de l'art, tels que l'académicien M. Marnontel, d'Hèle, et Sedaine : Il semble que la nature avoit voulu préparer les voies à Grétry, écarter les épines de sa route et renverser tous les obstacles qui pouvoient arrêter l'essor de son génie.

Le monde ne lui offroit que des protecteurs zélés et puissants ; il étoit accueilli dans les meilleures sociétés, moins encore comme musicien que comme homme d'esprit et de goût, aimable, doux, poli, et d'un très bon ton. Depuis « Le Hurons(8) une suite non interrompue du succès brillant couronna une suite de chefs d'œuvre qui se succédoient sans interruption. Grétry est le fondateur de la comédie lyrique en France ; il y a établi, développé et perfectionné l'art de peindre lu parole avec des sons, de mettre les pensées dans le chant et du chant dans les pensées. C'est Le plus naturel, le plus vrai, le plus expressif, le plus dramatique des compositeurs : il avoil choisi Pergolèse pour modèle ; mais il a surpassé son modèle, du moins par le nombre de ses ouvrages (c'est une plaisanterie étant donné que Pergolèse est mort à 26 ans et Grétry à 72 ..). Ses compositions, sous tous les rapports, sont for au-dessus de celles qu'on représente à l'Opéra Bouffe, quine sont que des concerts, ei n'oni rien de théâtral. Le temps me manque. Je reviendrai sur Grétry et sur son genre de musique ».

À SUIVRE.
Jacques Charpentier

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Notes

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