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Enghien, prison du Connétable.
Quand Enghien (le château) tenait
prisonnier Montmorency (le connétable)

Grâce aux travaux publiés à Enghien (Belgique) par M. Yves Delannoy, dans les annales du Cercle archéologique de cette ville, nous pouvons découvrir une rencontre bien fortuite et beaucoup plus ancienne entre le 1er duc de Montmorency (le connétable Anne) et la seigneurerie d'Enghien (dans le Hainaut belge).

Rappelons ici comment le titre d'Enghien était venu du Hainaut chez les Bourbon, à la cour de France.

Le connétable Anne de Montmorency
Huile sur cuivre
Nicolas Pouzin
Musée du Louvre
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Marie de Luxembourg, dernière héritière des seigneurs d'Enghien veuve d'un prince de Bourbon avait transmis le titre au second de ses petits-fils, François, Comte d'Enghien, qui mourut à 26 ans après s'être illustré dans une bataille remportée en 1544 sur les impériaux de Charles Quint, dans le Piémont.

Ce titre de Comte d'Enghien avait été repris par un frère cadet, Jean, précédemment Comte de Soissons, mais la seigneurerie d'Enghien était restée, au moins théoriquement, entre les mains du frère ainé : Antoine de Bourbon, père du futur Henri IV, devenu Roi de Navarre à la mort de son beau-père en 1555.

Nous voici en 1557, à la veille d'un nouvel affrontement entre les troupes de Henri II et celles de Philippe II, Le successeur de Charles Quint.

À la tête des français, l'amiral de Coligny se laisse enfermer dans Saint-Quentin. Anne de Montmorency se porte à son secours mais par une manoeuvre fort malheureuse sur les rives de la Somme engage une bataille qui ne durera que 5 heures, avant de tourner à un désastre bien supérieur à celui que les Impériaux avaient dû subir 13 ans plus tôt, des mains du jeune François d'Enghien, à Cérisoles dans le Piémont.

Les français comptent 3.000 morts, 5.000 blessés et quelque six mille prisonniers.

Jean de Bourbon, second Comte d'Enghien se trouve frappé à mort d'un coup de feu, après avoir fait preuve du plus grand courage.

Au milieu des blessés, on relève Le Connétable de Montmorency atteint d'un coup de pistolet.

Nous sommes au soir du 10 Août 1557. Cette bataille de Saint-Quentin, remporté par le jeune duc de Savoie restera parmi les défaites trançaises les plus cuisantes.

Le gouverneur des Pays Bas, bien encombré par cette foule de prisonniers renvoie les blessés, les malades, mais que faire des autres ? Philippe II fait défense de les libérer sans rançon : il faut donc bien les répartir dans «les tours et prisons publiques» des chatellenies et villes des Pays-Bas, qui n'en sont guère satisfaites. Par économie, ils Les mettent au pain et à l'eau. D'où de nombreuses tentatives d'évasion qui se terminent souvent tragiquement.

Le 22 Août, Anne de Montmorency est acheminé au Château de Gandet placé sous la garde de 40 soldats espagnols tort mal payés.

Des médecins de Philippe II viennent soigner l'illustre blessé qui, par la suite pourra correspondre avec sa famille et même avec son roi, mais des espions français rôdent autour de Gandet s'y font arrêter en Février 1558.

Aussi décide-t-on de transférer le Connétable au Château d'Enghien dans le Hainaut. On commence par en réparer les murailles et le pont-levis; on aménage une vingtaine de couchettes pour les soldats qui auront à garder Anne de Montmorency, dout l'état va en s'améliorant.

Le château d'Enghien est situé au coeur d'un des plus vastes parcs du pays et le Connétable pourra recevoir une mule haquenée pour s'y promener, il est déjà âgé de 64 ans.

Anne de Montmorency arrive au château d'Enghien, sans doute en Mars 1558. Mais bientôt ses gardiens éprouvent quelques craintes. Le Roi est à Guise, une bande du connétable, est signalée à Marles. Les Français n'envisagent-ils pas de «venir quérir Anne de Montmorency à Anguyen ?» et de vouloir entreprendre la province du Hainaut »?

Le 6 Juillet 1558, Philippe Il décide «de faire déloger incontinent le dict connétable d'Enghien pour rompre l'intelligence que Les ennemis pourraient y avoir et le faire mener au château d'Audenarde» où se trouvent déjà d'autres seigneurs prisonniers.

Comme il y a urgence, on veillera d'abord à le conduire au château d'Ath, le 9 Juillet.

Quatre jours plus tard, le 13 Juillet, le Comte d'Egmont écrase les Français à Gravelines et fait quelques milliers de prisonniers qui viennent grossir les rangs de ceux capturés à Saint-Quentin l'année précédente Bon nombre seront relâchés car «on n'a pas puissance à les nourrir».

La maladie «chasse continuellement, de plus en plus les soldats espagnols qui ne peuvent recevoir assurance de payements...». La peste menace Cambrai; des militaires détroussent des vivandières... des négociations s'imposent. Le Connétable est libéré sur parole et, accompagné du maréchal de Saint André, est autorisé à rejoindre le Roi qui se trouve à Beauvais. Tous deux vont ensuite participer, comme plénipotentaires d'Henri II aux négociations de paix, face au Duc d'Albe, au prince d'Orange et au Cardinal de Gravelle. On discute de la rançon du Connétable. Son adversaire qui l'a pris, le Duc de Savoie demande 300.000 écus, mais les français refusent de dépasser les 200.000.

Le traité de Paix est cependant signé à Cateau-Cambrésis le 2 Avril 1559 il consacre l'abandon par la France de quelques 80 villes ou terroirs.

Le Roi propose de régler la moitié de la rançon exigée pour la libération définitive du Connétable, mais le 29 Juin, dans un tournoi, un coup de lance l'atteind à l'oeil, il meurt 12 jours plus tard.

Le traité de Cateau-Cambrésis restitue à Antoine de Bourbon sa seigneurerie d'Enghien et le château où le connétable avait été retenu captif 4 mois.

En 1562, Antoine de Bourbon trouve la mort au siège de Rouen, et plus tard son héritier, devenu Henri IV, vendra cette seigneurerie d'Enghien au Prince d'Arenberg en 1607.

Entre temps, en 1567, le vénérable Connétable (74 ans) est frappé d'un coup mortel à la bataille de Saint-Denis. Il avait pris la tête des troupes royales qui, sortant de Paris, se portaient à la rencontre des huguenots qui tentaient d'assièger la capitale. Ces derniers se trouvaient placés sous les ordres d'un jeune Bourbon, Louis 1e de Condé (1530-1569). Ce frère, le plus jeune, d'Antoine de Bourbon et des deux premiers Comtes d'Enghien, qui leur avait survécu, s'était avéré l'un des plus valeureux chefs protestants. Pour le convaincre, mais en vain, de rejoindre le parti de son roi catholique, Catherine de Médicis avait fait ériger sa terre de Nogent-le-Rotrou en duché-paierie d'Enghien qui sera dit «.

Ainsi, à Saint Denis, Anne de Montmorency était venu affronter le premier des princes qui porteront le titre de duc d'Enghien.

Comme à plaisir, l'Histoire semble avoir voulu entremêler les noms de Montmorency et d'Enghien, puisque sous la contrainte de son cousin et parrain le Roi Henri IV, le jeune Henri de Bourbon prince de Condé, héritier du duché d'Enghien-le-Français se voit contraint d'épouser, en 1609, la ravissante Charlotte: de Montmorency, petite fille du Grand Connétable.

80 ans plus tard, leur petit fils, Henri-Jules de Condé obtient de Louis XIV une lettre patente qui commue son duché de Montmorency en duché d'Enghien.

La ville de Montmorency s'appellera «Enghien» pendant un siècle, se nommera ensuite «Émile» sous la révolution, redeviendra «Montmorency» sous le 1er Empire puis à nouveau «Enghien sous la restauration, avant de retrouver son nom d'origine à la mort, en 1830, du dernier des princes de Condé.

Jean-Paul Neu

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Bibliographie

Du sort des prisonniers de la bataille de Saint-Quentin et captivité d'Anne de Montmorency, connetable de France,,
extrait des Annales du Cercle archéologique d'Enghien (Belgique)
par Yves DELANNOY.

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