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Condorcet, aux sources de l'école républicaine

Condorcet (1743-1794) est le premier et le plus grand des théoriciens de l'école républicaine, c'est-à-dire de l'École comme institution publique nécessaire à un gouvernement républicain. Dans ses Cinq Mémoires sur l'instruction publique parus en 1790-1792 et dans son Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique présenté à l' Assemblée nationale en 1792, il montre que, si l'École est une institution que la République crée, elle se révèle aussi comme une institution dont La République dépend. Les savoirs et la liberté sont liés : la thèse du rationalisme classique prend avec Condorcet une dimension juridique et politique sans précédent. Pour exercer ses droits et honorer ses devoirs, le citoyen ne gaurait se réclamer de l'ignorance, sous peine de servitude. 11 faut donc instruire, et instruire chacun.

En réalité, le projet de confier l'instruction à une machine d'Etat n'a rien d'évident. Il suppose qu'on soit en mesure de répondre à trois ques- tions :

  1. Pourquoi l'instruction est-elle nécessaire au citoyen ?
  2. Pourquoi faut-il qu'elle prenne la forme d'une Institution d'État ?
  3. Comment une institution aussi forte que l'Instruction publique peut-elle éviter le danger de l'instruction officielle, d'une instruction d'Etat ?

Cela revient à se demander quels sont les devoirs de la puissance publique en matière d'instruction, et quelles sont les limites qu'elle doit respecter.

Pourquoi instruire, pourquoi l'exercice de la connaissance est-il nécessaire à celui de la souveraineté au sein d'un gouvernement républicain ?

Condorcet, avant d'élaborer ses projets d'instruction publique, a longuement réfléchi comme mathématicien et comme philosophe à la question du suffrage et à celle de la . À ses yeux, seules les décisions vraies, ou du moins proches de la vérité, sont légitimes : on ne peut imposer à un homme d'autre autorité que celle de la raison, car s'incliner devant elle, c'est n'obéir à personne en particulier, c'est rester libre. Le fondement de l'autorité parmi les hommes ne peut être que la recherche raisonnée du vrai : toute autre forme de puissance et de contrainte est récusable par un être rationnel. Lorsqu'elle est issue d'une réflexion mal conduite, l'erreur est toujours une tyrannie

Mais le simple énoncé de ce premier principe fait pencher naturellement vers une forme de despotisme éclairé. Si l'on veut avoir une chance de prendre des décisions rationnelles, n'est-il pas plus logique de s'en remettre à une poignée d'experts, plutôt qu'à la multitude ? Telle n'est pas la position de Condorcet. Il pense qu'on peut et qu'on doit conjuguer la forme républicaine de gouvernement, où chacun est saisi des affaires publiques, avec la rationalité, la vérité et la probabilité des décisions ayant force de loi.

Ainsi se trouve posé le problème fondamental que se donne Condorcet, problème qui n'est autre que celui de la philosophie elle-même, puisque Socrate le rencontra et y trouva la mort : comment faire en sorte qu'une assemblée souveraine prenne des décisions qui ne choquent pas la vérité Comment faire colncider le logique et le politique ? Comment faire pour que les décisions majoritaires soient en même temps les plus rationnelles et les plus proches du vrai ?

À cet effet, deux conditions doivent être réunies. La première concerne la forme des décisions. Les procédures du scrutin doivent être correctes, c'est-à-dire exprimer le plus fidèlement possible la répartition quantitative des opinions des votants. Or, il arrive que la forme du scrutin soit vicieuse, et que la collection des voix donne des résultats contraires à l'opinion majoritaire. 11 faut donc mettre en garde contre ces procédures erronées et en faire la théorie : c'est le travail du probabiliste, que Condorcet expose dans son Essai sur l'application de l'analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix.

La seconde des conditions est philosophique. Même si l'on suppose que les procédures du scrutin sont correctes, si les sujets votants n'ont que des idées fausses ou confuses, le résultat du vote sera faux. Lorsque des imbéciles votent, le vote est imbécile dans son contenu, même s'il est correct dans sa forme.

Pour satisfaire la seconde condition, il faut donc que l'assemblée comprenne des sujets disposant d'un minimum d'instruction les rendant aptes à exercer leur souveraineté : sinon, ils seront esclaves, soit de leur propre ignorance, soit des beaux parleurs qui viendront imposer leurs prestiges à la place des vérités L'existence et l'exercice de la liberté républicaine requièrent donc qu'un minimum d'instruction soit répandu sur les citoyens, puisqu'ils sont aussi des législateurs.

Mais de quelle instruction veut-on parler alors ? S'agit-il seulement d'une formation technique sommaire, de quelques recettes politiques, d'un savoir ponctuel ou encyclopédique ? Veut-on qu'il y ait autant de technocrates que de citoyens ? Nullement. Le modèle du savoir auquel Condorcet se réfère est celui de la connaissance raisonnée, modèle inauguré par Descartes et développé au cours du XVIIIe siècle. Car il existe, on le sait, des formes obscurantistes du savoir, qui ont pour effet la division du peuple en «classes éclairées» et en «classes ignorantes», en clercs et en abrutis, en maîtres et en esclaves. Ce sont les formes secrètes, obscures, autoritaires du savoir : celles qui se fondent, ou sur le mystère d'une révélation, ou sur l'érudition sans principe, ou sur l'obsession du résultat pratique, ou enfin sur les techniques de la persuasion. Le prêtre, l'érudit, le pragmatiste et l'orateur, campés sur un savoir qu'ils utilisent comme une technique de pouvoir, n'éclairent personne. Seul le savoir raisonné, ouvert en droit et par définition à tous, instruit, parce qu'il fait voir les raisons. Il comprend, non seulement le champ de la science classique, mais aus- si les objets problématiques que la raison rencontre et qu'elle se donne au cours de ses investigations : loin d'imposer un modèle positiviste ou scientiste du savoir, Condorcet reprend à son compte, et à celui de la République, le modèle philosophique du savoir dans lequel tous les usages de 1la raison sont mobilisés. Seul ce modèle raisonné permettra à un homme de résister à la tyrannie d'un autre et d'échapper au charlatanisme. En outre, Condorcet montre qu'un tel exercice de la raison conduit à la formation d'une morale universelle : non seulement l'instruction est libératrice, mais elle vaut, en elle-même, comme éducation.

Ainsi éclairci, le problème devient plus général et il peut prendre une forme technique, celle de sa réalisation : puisqu'il est nécessaire, dans une république, d'instruire le citoyen et de le faire accéder au savoir raisonné, comment s'y prendre pour mettre en contact Le peuple souverain et l'édifice de ce savoir ? Il faut une Ecole : La réponse à La question de La diffusion du savoir sera juridique, et non pas sociologique.

En effet, Condorcet entend par «instruction publique» une institution d'Etat, une machine juridique. La loi se saisit de la question; elle ne s'en remet pas à la bonne volonté des individus, ni au dynamisme de la société civile. Condorcet opte pour la solution la plus forte, mais aussi La plus lourde. Car il existe d'autres façons de mettre en contact le savoir raisonné et les citovens, plus légères et plus souples : favoriser l'autodidactisme grâce à une diffusion libérale des connaissances, un peu sur le modèle que se proposait l'Encyclopédie; on pouvait aussi, parallèlement, développer la multitude des sociétés savantes, des instituts, des académies, des bibliothèques, bref, mettre le savoir, matériellement, à la portée de ceux qui souhaitent et qui peuvent s'en emparer. On pourrait parler ici d'un modèle civil de l'instruction, au sens où c'est le droit civil qui fait référence : l'instruction n'est pas alors du ressort du droit public, elle n'est pas confiée directement à la puissance publique, celle-ci se borne à en encourager la diffusion par des subventions et des commandes. Cela présente des avantages : souplesse, mobilité, concurrence. Mais cela présente des inconvénients : dispersion, gaspillage, absence de contrôle, et surtout un défaut décisif, parce qu'il est propre à tuer la production des connaissances, le libéralisme absolu soumet nécessairement le savoir aux intérêts privés, il prend la forme de l'utilitarisme immédiat.

Mais ce ne sont pas là des objections suffisantes pour soutenir, en réponse, la nécessité d'un modèle juridique pour l'instruction. La seule ob- jection permettant de récuser le modèle libéral et civil de diffusion du savoir est celle-ci : répandre le savoir par des voies strictement civiles ne permet pas d'établir l'égalité entre les citoyens face à l'instruction. Au contraire, le libéralisme s'accompagnera nécessairement d'inégalités, dans sa distribution même. 11 y aura des foyers de connaissance, mais il y aura aussi des déserts intellectuels : les classes éclairées et les classes ignorantes subsisteront, pire, elles seront renforcées et l'écart qui les sépare se creusera davantage. Tant que l'on s'en remet à une telle solution, Rousseau, le Rousseau du Discours sur les sciences et les arts, a parfaitement raison : les lumières produisent, à côté d'elles, l'asservissement, et les ombres du tableau sont très noires.

Il faut donc répondre à Rousseau, qui lance le défi du citoyen : si l'agriculture est bonne à opprimer un seul serf, à affamer un seul Africain, si l'industrie est bonne à appauvrir un seul manouvrier, si le commerce est bon à voler un seul honnête homme, si la science est bonne à donner un maître à un seul innocent, alors il est inutile de recourir à des arguments quantitatifs. Les bilans globalement positifs n'excusent pas les maux isolés et les injustices ponctuelles.

Pourtant, si Rousseau a raison dans les faits, il a tort dans l'analyse. Car ce ne sont pas les lumières en elles-mêmes qui engendrent les malheurs et les injustices : c'est le défaut de leur intensité, et le défaut de leur extension. Le défaut d'intensité : ce n'est pas par la science que les moteurs à explosion sont polluants, c'est par le défaut de science (et c'est exprès que nous donnons ici un exemple que ni housseau ni Condorcet ne pouvaient connaître). Le défaut d'extension : celui qui ne sait pas lire est soumis au lettré, certes, mais la sounission cesse dès que le savoir est correctement répandu: 1] faut donc, et que les lumières soient toujours au plus haut point qu'elles peuvent atteindre, et que les savoirs stratégiques (2), ceux qui conditionnent l'accès à l'autononie intellectuelle, soient diffusés, non pas statistiquement, mais bien juridiquement. Chacun doit être concerné.

L'instruction devient alors une affaire publique, et non pas simplement une affaire sociale. Elle fera par conséquent partie des «combinaisons pour assurer la liberté»(3). Inséparable des institutions de la République, elle fait corps avec les lois fondamentales. Elle s'adresse au citoyen, et non à tel ou tel membre de telle ou telle communauté, elle s'adresse en chacun au sujet juridique rationnel, qui seul est apte, et qui seul est appelé, à se prononcer au nom de la hation. Elle contribue donc d'une façon essentielle à la formation de ce que Rousseau eût appelé la volonté générale. On remarque- ra aussitôt que cela implique un certain nombre de conséquences en matière pédagogique : la puissance publique n'a en effet pas le droit de solliciter autre chose chez le citoyen (ou chez le futur citoyen) que l'exercice de la réflexion raisonnée.

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Le modèle juridique s'impose donc, parce que c'est le seul à traiter les hommes comme des sujet juridiques, parce qu'il est le seul à considérer la singularité de chacun, et non la statistique d'une communauté. La République n'est pas composée d'un ramassis de catégories socio-professionnelles, d'ethnies, où de groupes : elle se forme incessamment par l'acquiescement raisonné de chaque citoyen, pris comme pontualité juridique.

La machine d'État est donc seule capable de mener à bien le mot d'ordre «répandre les lumières» dans sa lecture juridisante : éclairer chacun, faire en sorte que chacun se saisisse de l'autonomie de sa raison. Chacun et cha- cune : on sait que Condorcet n'exclut personne de l'universalité du mouve- ment; tous les êtres «sensibles et rationnels» sont concernés.

Alors surgit une difficulté majeure : la machine de l'institution scolaire ne peut-elle pas dégénérer en machination, en endoctrinement officiel d'État ? Objection considérable, que Condorcet formule avec toute l'ampleur souhaitable : «En général, tout pouvoir, de quelque nature qu'il soit, en quelques mains qu'il ait été remis, de quelque manière qu'il ait été conféré, est naturellement ennemi des lumières».(4)

La réponse que Condorcet donne à ce problème est paradoxale : c'est précisément parce que l'Instruction est liée à la République qu'elle peut être indépendante de tout autre pouvoir qu'épistémologique. La manière la plus efficace de protéger et de favoriser la diffusion et la production indépendantes en matière de savoir est d'introduire la Loi entre le Pouvoir et le Savoir. Les Lois de la République doivent mettre les savants (chercheurs et enseignants) à l'abri de toute forme de pouvoir, y compris celui du gouvernement. On pense ici bien sûr aux mécanismes juridiques destinés à protéger, dans un tout autre domaine, les juges du Siège contre toutes les pressions. Condorcet pense qu'il en va de même pour la diffusion et le développement des savoirs : le droit, en assujettissant les maîtres à La seule République, a pour effet de les délivrer de toute ingérence étrangère. Selon une formule qui a fait fortune un siècle plus tard : le maître ne doit dépendre ni du curé, ni de la manufacture, ni du château. C'est pourquoi il doit dépendre exclusivement et individuellement de la République : en d'autres termes, il sera fonctionnaire de l'Etat.

Le rôle de 1a Loi est de prendre des dispositions telles qu'aucun pouvoir, quelle que soit sa nature, ne puisse se saisir de l'organisation du savoir et en détenir le monopole. Nous nous contenterons d'énunérer ici les trois mesures principales destinées à produire cet effet.

La mesure la plus utile à l'indépendance des lunières concerne la formation des instances scientifiques destinées à nommer les maîtres et à déterminer les contenus de l'enseignement. Il faut que les maîtres soient, à la fois indépendants de toute autre autorité que celles de la science et de la raison, et aussi il faut qu'ils soient contrôlés dans leur travail. Protégés : ils seront fonctionnaires permanents d'État. Contrôlés : ils seront individuellement responsables devant la République, entièrement soumis à la loi qui les renvoie à l'autorité épistémologique chargée de les recruter et de déterminer les contenus de l'enseignement. Le recrutement doit être assujetti le plus possible à des criètres scientifiques de compétence : car la République se doit d'offrir aux enfants des citoyens ce qu'on fait de mieux. Le système qui recueille la faveur de Condorcet est une forme de cooptation hiérarchisée : dans les Mémoires, ce sont des sociétés savantes cooptées et non astreintes à résidence qui établissent des listes d'aptitude aux fonc- tions de maître. L'inspecteur des études de l'échelon concerné sélectionne un certain nombre de noms, et cette nouvelle liste est soumise à l'approba- tion des chefs de famille (s'il s'agit d'une commune), du conseil de dis- trict ou du conseil de département (s'il s'agit d'établissements d'enseigne- ment secondaire). Dans le Rapport, le système électif est très atténué pour faire place à un mécanisme encore plus astreint aux critères scientifiques : la société savante nationale cooptée choisit les maîtres du plus haut niveau, qui choisissent ceux du degré inférieur, et ainsi de suite. Condorcet exclut l'idée du recrutement par concours, pensant que ce système serait vulnérable aux pressions et à la corruption. Enfin, il est interdit aux élèves d'intervenir dans le contenu de l'enseignement ou sur le recrutement des maîtres : c'est pourquoi les maîtres ne séront pas payés par des honoraires, mais par un traitement public.

La seconde mesure destinée à protéger l'instruction publique des perversions vers un endoctrinement consiste en une sorte de déontologie. À travers l'École, la puissance publique doit se borner à exercer la raison des enfants et des futurs citoyens. Elle ne doit proposer rien d'autre aux élèves que ce qu'ils peuvent atteindre par la réflexion raisonnée et l'expérimentation. Les conséquences pédagogiques sont considérables. On exclura, selon ce principe du respect des esprits et des consciences, toutes les pédagogies qui se fondent sur autre chose que sur l'exercice de la raison. Exclusion bien entendu des pédagogies fondées sur une quelconque croyance : l'enseignement religieux (5) ne peut pas être assuré par l'État. Exclusion aussi de toutes les pédagogies qui font de l'affectivité (on disait alors «»l'enthousiasme") leur moteur principal. Certes, l'émotivité et les passions sont souvent présentes à l'école, mais elles ne peuvent pas fonder l'action du maître : elles ne peuvent que la suivre, en être l'effet. Le maître qui s'appuie sur l' affectivité asseoit son autorité sur une particularité; il ne devrait faire appel qu'à l'universel de la rationalité, alors il ne peut pas être un tyran.

Enfin, à supposer que les deux premières mesures soient appliquées, on aura bien un système d'instruction échappant le plus possible à l'ingérence des pouvoirs; mais on ne sera pas pour autant à l'abri des effets du monopole. Une situation de monopole engendre, on le sait, la sclérose et transforme l'institution qui détient ce monopole en pouvoir absolu. La loi peut bien faire en sorte que les plus savants choisissent les moins savants, mais elle ne peut pas faire en sorte que le niveau général du savoir soit au maximum de ce qu'il peut atteindre. Comment s'y prendre pour que l'instruction publique ne soit pas le lieu de la médiocrité, et surtout pour qu'elle n'érige pas cette médiocrité en règle générale ?

À ce problème il n'y a pas de parade interne. La seule garantie contre une baisse générale du niveau et contre la main-mise sur l'enseignement par une corporation de médiocres, c'est la comparaison avec ce qui se passe à l'extérieur. Cela revient à dire que l'instruction publique ne doit pas se trouver en situation de monopole. Il faut qu'il y ait un extérieur par rapport à l'École publique. Un réseau privé d'enseignement est absolument nécessaire si l'on veut que la France devienne «le foyer des lumières». Aussi Condorcet affirme-t-il à plusieurs reprises l'imprescriptibilité du droit pour tout citoyen d'ouvrir un établissement d'enseignement.

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On aboutit alors à une étrange série de paradoxes. Pour être libre, il faut se plier à la raison. L'accès au savoir dépend d'une forme institutionnelle : l'école est un organe républicain. L'indépendance des lumières et de leurs agents ne peut être assurée que par leur extrême dépendance à l'égard de la loi. La confiance que l'on peut placer dans les maîtres est fondée sur l'exigence scientifique de leur recrutement : l'élitisme est condition de l'école démocratique. La bonne qualité générale est garantie par l'existence de circuits privés et concurrents.

Un dernier paradoxe caractérise la position de Condorcet : l'instruction, répandue sur tous, produira certainement des différences de degré entre les individus; les uns iront plus loin que les autres, les uns deviendront plus savants que les autres. Or il s'agit là, dit Condorcet, d'une des formes ultimes de l'égalité. Le droit à l'excellence ne peut léser personne, si chacun a été touché par l'extension des lumières et rendu capable d'user lui-même de sa raison : «L'homme qui sait les règles de l'arithmétique nécessaires dans l'usage de la vie n'est pas dans la dépendance du savant qui possède au plus haut degré le génie des sciences mathématiques, et dont le talent lui sera d'une uti- lité très réelle, sans jamais pouvoir le gêner dans la jouissance de ses droits. L'homme qui a été instruit des éléments de 1a loi civile n'est pas dans la dépendance du jurisconsulte le plus éclairé, dont les connaissances ne peuvent que l'aider, et non l'asservir» (6). Ainsi, parce que l'égalité repose sur l'autonomie, elle réclame que l'on développe les talents et que l'on distingue les compétences.

Catherine Kintzler (1)

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Notes

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