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Les fêtes sous la Révolution

À la fin de l’Ancien Régime, les fêtes populaires, traditionnelles et formalistes ne faisaient plus l’unanimité et ne suscitaient plus guère l’enthousiasme. Qu'elles soient religieuses : ordonnées par le clergé ; dynastiques : octroyées par le Roi à son peuple à l’occasion des grands événements de la famille royale, corporatives : organisées par les artisans, communautaires ou parlementaires, leur fréquentation allait en diminuant le cœur n’y était plus.

Ces fêtes répétitives et ordonnées, et trop spectaculaires, étaient de moins en moins fraternelles, les excès et les désordres clôturaient trop souvent les cérémonies. Dans les bourgs et les villages, les fêtes religieuses ancrées plus profondément dans la vie des habitants et des usages, gardaient mieux leur valeur.

Ainsi à Montmorency, un bail à loyer du 24 juin 1788, donné par Delle GUÉRIN, veuve de Denis Floho, maître couvreur à Paris, demeurant présentement dans la ville, octroyé au Sieur Jean-Baptiste Leturc, conseiller du Roi, Lieutenant général du bailliage de Montlignon, pour une portion de maison sise rue St Jacques, comporte entre autres obligations «celle de faire la tenture publique qui pourrait avoir lieu au devant de la maison par la rue St Jacques».

La procession solennelle des 3 ordres de la Nation à l’ouverture des États Généraux le 5 mai 1789, est une représentation typique des fêtes de l’Ancien Régime.

Après la prise de la Bastille, surgirent les premières fêtes révolutionnaires spontanées, proches des émeutes dans les villes et accompagnant les soulèvements paysans plus tardifs. L'Assemblée Constituante (proclamée le 8 juillet 1789) décida le 18 juin 1790 d'organiser une grande fête fédérative, fraternelle et religieuse au cours de laquelle le Roi et la Nation tout entière préteraient serment à la nouvelle Constitution.

«C'est le 14 juillet disait le Comité de Fédération, dans son adresse à tous les Français, que nous avons conquis notre liberté. Ce sera le 14 juillet que nous jurerons de la conserver, que le même jour à la même heure, un cri général retentisse unanime dans toutes les communes de France : vive la Nation, vive le Roi»

Elle fut certes organisée, ordonnancée, mais peut être qualifiée de spontanée, car l’idée d’une fête nationale neuve, surgit dès le 18 juillet 1789, Charles Villette (marquis de) en formule ainsi le souhait «Un immense repas civique devrait réunir la France entière, attablée pour la première fois autour du Grand Couvert National».

Spontanée aussi parce qu’elle doit être organisée et préparée en peu de temps, particulièrement à Paris. Le champ de Mars désigné pour cette grande fête de plein air semble loin d’être terminé our la date fixée ; l’incurie ou le désordre admiistratif de l’époque n’en vient pas à bout, alors l’enthousiasme fédératif exalte les Parisiens, toutes conditions, sexes, âges confondus. On vit des familles entières, des religieux, des femmes élégantes, s’atteler à des tombereaux, traîner la brouette et manier la pelle. Chaque jour les volontaires arrivent ; leur nombre atteignit plusieurs milliers (120.000 environ). Le Roi vint visiter le chantier et fut accueilli aux cris de «vive le Roi».

À Montmorency, on prêta le serment fédératif au cours de cette journée nationale suivant un protocole minutieusement réglé et orchestré, lu au prône, publié et affiché dans les endroits publics.

Voici ce texte : «À 8 heures tous les membres de la Garde Nationale se rendront à Notre-Dame avec leurs armes pour y convenir de l’ordre à observer pendant la cérémonie civique. Toutes les citoyennes sont invitées à se vêtir en blanc et à se décorer d’un ruban aux 3 couleurs de la Nation, et se réuniront à 10 heures 1/2 sur la place qui est devant l'Église et s'y disperseront sur deux rangs, un du côté des murs de l'Oratoire ; l’autre du côté des voûtes. Tous les jeunes gens au dessous de 16 ans se disposeront de même sous la conduite de leur maîtresse d'école

Ensuite à 11 heures arrivée de la Garde pour y prendre le drapeau. Puis le cortège se formera dans l’ordre suivant : le corps municipal, la Garde, les jeunes garçons, les citoyennes vêtues de blanc et décorées marcheront sur deux rangs. On veillera à ne pas rompre le rang et à arriver en ordre devant l'autel de la Patrie dressé devant l'Église, ils l'entoureront, les jeunes gens à droite, les filles à gauche et tous ainsi que ceux qui sont sur la place sont invités au silence. Ensuite le serment fédératif sera prêté séparément dans l'ordre du cortège, à savoir les enfants ensemble, puis tous les citoyens présents. Après le Te Deum on se retirera paisiblement.

Tous ceux qui auront souscrit au dîner est symbole de l'union et de la liberté, il doit être paisible afin que les «Santés» portées puissent être entendues de tous.

À 5 heures toute la troupe défilera et sera suivie comme à l'arrivée pour se rendre à l'Église et assister au salut.

Après quoi, chacun disposera de son temps comme il l’entendra, en se conformant au principe que cette journée doit être une continuelle action de grâce.

Défense de tirer aucun coup de fusil, pistolet, pétard, fusée, à peine de 3 livres d'amende. Pareille défense est faite aux épiciers de vendre aucun pétard ni fusée, sous la même peine. Afin que tous les citoyens puissent assister au Serment Patriotique, sans craindre de laisser leurs maisons seules, des patrouilles de la Garde seront continuellement en marche pendant la cérémonie.

Signé Laporte, Carré, Lemaire

L’année suivante lors de la fête de la Fédération du 14 juillet 1791, le cortège se forma Place des Mathurins, aujourd’hui Place de l’Hospice, la fête eut lieu Place du Marché et il n’y eut ni Messe, ni Te Deum, ni Salut.

Un décret du 21 juin 1792 ordonna la plantation d’un arbre de la Liberté dans chaque commune en présence de la population.

Les archives municipales 13 pluviose an II signale la plantation d’un arbre de la Liberté, rue des Gallerands et un autre à la Barre. Celui de la rue des Gallerands fut victime d’une tentative d’arrachage.

Ces arbres symboliques servirent souvent en maints endroits du territoire, de supports pour placards en tous genres, séditieux ou plaisantins, quand ils ne furent pas arrachés.

Le conseil municipal rédigea une pétition au nom des citoyens de la ville et du canton à l’Assemblée Nationale en séance du 27 août 1791 qui commençait en ces termes :

«Par votre décret du 21 décembre 1790 vous avez ordonné qu'il soit élevé une statue à l'auteur du Contrat Social et d'Émile, nous venons réclamer l'exécution de ce décret avec des additions que des événements postérieurs ont rendues nécessaires. Cette pétition signée par 33 notables de la ville et du Canton, accompagnait celle envoyée le même jour à l’Assemblée Nationale par un comité parisien de gens de lettres, réclamant le transfert des cendres de Jean Jacques Rousseau au Panthéon, depuis le parc d'Ermenonville, au nom des citoyens du canton, de Paris et gens de lettres de toute la France et de l'Europe entière».

Signé : Guémené, rédacteur de la pétition,
suivent 350 signatures environ.

Montmorency eut enfin la statue de son hôte célèbre (de 1756 à 1762) en voici le commentaire :

«Le dimanche 25 septembre, 3e année de la liberté françoise, 3 heures après midi, jour et heure fixée pour l'inauguration de la statue élevée à J.J. Rousseau, la société des Amis de la Constitution, établie en cette même ville, s'assembla dans la salle des Mathurins, lieu ordinaire de ses séances.

Les officiers municipaux et Gardes Nationales des paroisses de Soisy, Groslay, Deuil, St Brice, Piscop, Montlignon, Andilly, Margency, Eaubonne et Montmorency, venoient d'arriver sur la place publique ayant dans leurs rangs plusieurs vieillards, femmes et jeunes filles vêtues de blanc avec des ceintures aux trois couleurs.

Ordonnance du cortège :

Ce monument est d'une forme rustique, agglomérat de pierres brutes sans ordre, d'environ 15 pieds de long sur 8 à 9 de hauteur, recouvertes de mousse et entremélées d'arbustes et de plantes sauvages parmi celles-ci on distingue la pervenche, qu'il aimoit, dans le milieu est pratiqué un siège de gazon.

Sur la pierre la plus élevée on lit «Ici J. J. Rousseau aimoit se reposer» et, au dos, «Les habitants de Montmorency. en mémoire du séjour que fit J.J. Rousseau au milieu d'eux 25 septembre, 3e année de la liberté» — suivent diverses inscriptions dans le style J.J. Rousseau — enfin au pied du rocher «Béni celui qui respectera ce monument».

Le lieu choisi est l'entrée de la forêt entre le chemin d’Andilly et le sentier des Brûlés, appartenant à Mme d'Aros qui l'a généreusement offert. Ce monument est l'œuvre de M. Stouf secondé par M. Laporte juge de Paix et M. Duhamel peintre en bâtiment. MM. Lamotte, musicien du Roi, et Armand, musicien, ont offert volontairement leur concours. Étaient présentes un certain nombre de députations de gens de lettres parmi eux : MM. Bernardin de St Pierre, Condorcet, Guémené, Brizard et Marais. Parmi les représentants du Peuple, on distingoit : Eymar de Forcalquier, Barere de Vieuzac, Boissy d'Anglas etc... Enfin le buste de Rousseau apparut aux sons doux et harmonieux de quelques airs du «Devin de village» et fut mis sur la pierre la plus élevée.

Des discours furent dits par MM. Rozier, Rousseau, Cherin, Bosc.

Sur motion de M. Laporte il a été arrêté qu'une séance aurait lieu le dimanche suivant le 14 juillet de chaque année et que la Société rendrait les Honneurs Civiques aux citoyens auteurs d'actions vertueuses.

Le 17 vendémiaire an III (8 octobre 1794), le cortège ramenant au Panthéon les cendres de l’auteur du «Contrat Social» exhumé à Ermenonville, s’arrêta à Montmorency. Le cortège y passa la nuit sur la place du Marché près de l’hôtel du Cheval Blanc.

Plus de religieux, plus de prêtre, les églises désertes, souvent mises à sac, ou servant de magasins à grains et à fourrage, la Révolution s’éternisant, les Conventionnels offrirent alors à la population, des fêtes utopiques, théâtrales se référant à l’Etre Suprême, à la Déesse Raison etc...

À Montmorency, suivant un décret de la Convention, le conseil municipal arrêta en 1794, qu'il serait mis à la Porte du Temple de l'Éternel (la Collégiale St Martin) cette inscription : «Le Peuple français, reconnaît l’existence de l’Être Suprême et de l’immortalité de l’âme». Le 20 prairial, tous les habitants, précédés de la Garde Nationale se rendirent solennellement au Temple de l’Être Suprême pour la lecture des lois, et rendre hommage à la divinité, et chanter des hymnes républicains».

Les «Décadi» furent des fêtes révolutionnaires chômées, correspondant au 10e jour de chaque décade du calendrier républicain, le peuple y fut toujours hostile, elles furent abrogées le 7 thermidor an VII (juillet 1799).

Simone Hervo

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Notes

Bibliographie Musée de Montmorency Revue illustrée des Communes de France — 1906
Bibliothèque historique de Paris Mona Ozouf La fête révolutionnaire

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