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Le départ des Trinitaires et la laïcisation de l'Hôtel-Dieu

Le clergé français séculier et régulier, affaibli par des rivalités mesquines entre Chanoines et Évêques, les vocations forcées, les revendications légitimes du bas clergé qui devait se contenter de la portion congrue, alors que certains bénéficiers semblaient ignorer leurs difficultés budgétaires, subit à la Révolution une crise très grave.

Malgré les efforts faits depuis une trentaine d’années par beaucoup de Prélats et de Supérieurs en vue de donner un nouvel élan à l’organisation de l’Église en élevant le niveau intellectuel des séminaires, et en rappelant à tous les chrétiens le devoir de charité envers les pauvres. Des Évêques n’hésitaient pas dans les grandes calamités à s’affirmer pleinement les «avocats des pauvres» en face des rapports inexacts de certains intendants bien en Cour.

L'État contribuait déjà aussi à l’éducation sanitaire des campagnes : il expédie chaque année des caisses de médicaments, les chirurgiens en expliquent l’emploi aux Curés. On leur demande d’insérer au prône des conseils préventifs : secours aux noyés, asepsie à la chaux, les risques d'accidents dûs à la fermentation du raisin dans les celliers au moment des vendanges.

On peut aussi dans ce domaine citer la contribution de l’Église par : l’Abbé Dinouard), auteur d’un Manuel de charité ou formules de médicaments faciles à préparer, l'Abbé Jean Juglar future personnalité de l’Église constitutionnelle de Paris, étudia la médecine et la botanique sous la direction des célèbres médecin Tournefort et Raymond), il s’initie à l’anatomie et à la physiologie et prépare des onguents réputés. Il continuera d’en fabriquer pour les pauvres de sa paroisse de Paris sous la Révolution.

Les Trinitaires du couvent de Montmorency furent appelés en 1601 par Henri II de Montmorency pour relever de ses ruines l’Hôtel-Dieu mis à sac ainsi que la ville, par les guerres de Religion. Ils contribuèrent efficacement à son relèvement et rétablirent son équilibre financier.

Leur rayonnement dans la région leur valut de nombreux dons charitables en terres et rentes. Mais en 1684, à la suite d’une requête des habitants au Prince de CONDÉ et en exécution d’une règle commune à tous les Hôtels-Dieu situés à moins de 4 lieues de Paris, les Trinitaires acceptèrent à contre cœur, le rétablissement de l’Hôtel-Dieu au service exclusif des habitants de la ville.

Désormais, le Supérieur administrateur spirituel, fut administrateur temporel, conjointement avec le Curé, le Bailli, le Lieutenant et le procureur fiscal.

Au moment où débute la Révolution, la situation économique du monastère et de l’Hôtel-Dieu n’était pas très florissante. Les rentes charitables n’avaient plus aucune valeur et les redevables des terres louées ou concédées oubliaient (peut être eux-mêmes dans la gêne) de payer leurs redevances parfois depuis de nombreuses années, les mauvaises conditions climatiques contribuërent en grande partie à cette pénurie.

De plus les comptes annuels n'étaient pas faits de façon rigoureuse et régulière. Le Lieutenant de bailliage était souvent absent, de même que le Sr Gobert, dont le cumul autorisé des offices : procureur fiscal du duché, également prévôt de la baronnie d’Écouen, prévôt de Bouqueval, lieutenant du bailliage de Cormière en Parisis et enfin subdélégué de la généralité de Paris pour le département d’Anguien, qui bien que résidant dans la paroiïsse était obligé de s’absenter fréquemment.

Les religieux qui étaient 4 en 1768 ne sont plus que 3 en 1789 :

Ainsi en atteste le registre de dénombrement de la population de 1791 ; ils habitaient encore leur couvent devenu propriété de la Nation, avec leurs 2 domestiques : Charles Amboise, jardinier, et Clément Lacroix, cuisinier.

Lors de la présentation des cahiers de doléances à Versailles le 27 avril 1789, celui du clergé de Paris extra-muros fut communiqué par le R.P. Brodier curé d’Anguien. Les électeurs à Montmorency furent :

Dès le 18 novembre 1789, lors d’une réunion des administrateurs de l’Hôtel-Dieu, des habitants d’Anguien se qualifiant de représentants d’un conseil municipal non encore élu et par là administrateurs de la maison, ce que contestent avec force les administrateurs en place, demandent que les clefs de l’armoire contenant les archives et les titres leur soit remises, ce qui leur est refusé par les Sieurs Hibert, Gobert et Caffin.

En définitive les lettres patentes du Roi du 17 décembre 1789, abolissant dans chaque ville, bourg ou paroisse ou communautés, les municipalités existantes actuellement, les maires, échevins, conciliants... sont supprimés, mais maintenus jusqu’à ce qu'ils aient été remplacés, apaisèrent un temps les discordes.

Les élections municipales eurent lieu en janvier 1790, Leturc est élu et devient administrateur avec le Curé, le Ministre des Trinitaires, le procureur fiscal, le premier officier municipal et deux administrateurs annuels élus.

Le jour de la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, la Nation tout entière prêta le serment fédératif. Mais en conformité avec le vote de la constitution civile du clergé votée à l’Assemblée Nationale le 12 juillet 1790, suivi des décrets du 27 novem- bre et 26 décembre 1790 publiés le 2 janvier 1791 et exécutoires sous huitaine, les membres du clergé doivent prêter serment à cette constitution.

Le Révérend Mathieu Hibert prêta serment en sa qualité comme Ministre des Trinitaires et administrateur spirituel et temporel de l’Hôtel-Dieu : « de veiller avec soin sur les fidèles qui lui sont confiés, d’être fidèle à la Nation, au Roi, à la Loi et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par la Loi, notamment la constitution civile du clergé». Il fut reçu par le maire en présence de nombreux fidèles et d’un détachement de la Garde Nationale et du conseil général de la commune. Le bureau administratif de l’Hôtel-Dieu fit l’inventaire complet des archives de la maison depuis le XVe siècle.

Puis. son ordre étant dissout, le Révérend Hibert fit remettre sa clef de l’armoire aux archives et le 14 avril 1791, il quitta le couvent et l’on perd sa trace depuis.

Le Pape Pie VI condamna la constitution civile du clergé par deux brefs «Aliquantum» du 10 mars 1791 et «Charitas» du 13 avril 1791.

Le Révérend LANGLET ayant prêté serment en 1791, participait à la vie de la commune comme notable du conseil municipal. Il était également aumônier de la Garde Nationale de Montmorency.

Mais le 13 novembre 1791, il était fait lecture de sa lettre de démission comme notable, à la séance du conseil de la ville de ce jour, à la suite de son installation à la curé de Soisy.

le Profès François Julien Morier après avoir présenté un écrit du Ministre Prieur Hibert certifiant qu’il est religieux profès depuis 1782, déclare au conseil assemblé le 27 octobre 1790, qu’il désire conformément aux décrets de l’assemblée nationale, notamment à celui du 9 septembre 1790, quitter la vie monastique et profiter de l’avantage accordé aux religieux par ce décret, ‘après avoir fait la déclaration des objets lui appartenant et qu’il peut emporter avec lui.

Les décrets se succèdent (ou plutôt déferlent) ceux concernant le clergé furent souvent appliqués avec des gloses aggravantes ou des particularités dues au zèle des fonctionnaires départementaux et municipaux.

À la suite du décret relatif à la réclusion des ecclésiastiques infirmes ou sexagénaires, le couvent des Trinitaires d’Anguien fut envisagé un moment comme lieu de rassemblement pour le département, mais ce fut finalement l’abbaye de Royaumont, plus vaste, qui fut choisie.

Le 24 janvier 1791, le conseil de la commune réuni constatait que l’administration de l’Hôtel-Dieu était inexistante sous l’effet des décrets lois détruisant les anciennes corporations de la ville, qui administraient l’Hôtel-Dieu, il en résultait un dépérissement considérable de l’établissement livré à l’abandon.

Le conseil de la commune arrête qu'il sera fait un mémoire exposant la nature de cet Hôtel-Dieu, ses ressources, son état actuel. Ce mémoire sera présenté au «Comité de Mendicité» de l’Assemblée Nationale, afin qu’il soit statué sur la destination de cette Maison et mis fin aux désordres.

Ce «Comité de Mendicité» né le 21 janvier 1790 après débat à l’Assemblée Nationale se proposa d'étudier le problème des pauvres, avec des pouvoirs d’investigation très étendus, et de soumettre ses idées «Sur les moyens de détruire la Mendicité».

L'administration fait droit à la requête et le 11 mai 1791 le conseil d’administration composé de 4 personnes dont le Père Cotte + 2 administrateurs annuels, est élu.

Le personnel étant : un médecin chirurgien le Sr Baudran, un receveur charitable et 2 infirmières.

De septembre 1790 au 11 mai 1791 46 malades ont été reçus et traités.

La durée de l’hospitalisation s’échelonne des 3 mois de l’hiver pour 4 d’entre eux à 15 jours en moyenne pour les autres, et 2 malades sont restés et sont encore à demeure. Les comptes du personnel et des fournisseurs sont réglés irrégulièrement (on doit au Sr Baudran 150 livres, aux 2 infirmières 50 livres, à l’épicier, au boucher et au Sr Bridault marchand de bois : 636 livres) ne permettent pas d’envisager favorablement ravitaillement en denrées et objets de première nécessité.

Mais le coût des vivres augmente, le pain est rare, les rentes et les loyers sont difficiles à percevoir. Le 25 avril 1792 les deux «Sœurs» en service démissionnent et malgré la demande par petites affiches faite par la municipalité «On demande personnes en état de servir à l’Hôtel-Dieu» on a bien du mal à leur trouver des remplaçantes. Le fait, que l’État ait changé le nom de l’Hôtel-Dieu en celui d’hospice, n’améliore en rien sa situation financière, le 21 août 1792 le conseil d’administration constate que les dépenses se montent à 192 livres et les recettes à 171 livres (provenant surtout de ventes de coupes de bois et de parcelles de terre) et il reste dû à Melle Jullien l’une des soignantes 20 livres.

En janvier 1793 un certificat fut donné au Sr Charles Amboise jardinier des cy-devant Mathurins pendant 20 ans, attestant qu'il est resté comme concierge sous les ordres de l’ancienne municipalité depuis décembre 1791 jusqu’à fin 1792 et qu’il aurait droit à une indemnité.

L’inventaire des biens de l’Hôtel-Dieu mis en vente par le district de Gonesse, le procès verbal de la maison des Trinitaires et de l’enclos en dépendant fut fait par Robert Pillieux entrepreneur de bâtiment.

Mais la municipalité demanda l’ajournement de cette vente afin de distinguer, titres à l'appui, ce qui appartenait au Couvent de ce qui revenait à l’Hôtel-Dieu, la vente fut ajournée le 23 mai 1791. En définitive le couvent (et l’enclos en dépendant en tout 5 arpents et 77 perches) fut vendu en 1795 et adjugé au Sr Duche pour 32.996 livres.

Des biens de l’Hôtel-Dieu ayant été vendus à tort en 1791, l’État lui attribuera en, 1808 des biens provenant de confiscation pour cause d’émigration, en réparation.

Les cloches elles-mêmes donnérent lieu à des contestations «Le 18 décembre 1791 le conseil municipal averti que les ouvriers du Sr Bridault avaient fait dépendre les 4 cloches des Mathurins et celles des églises St Jacques et Notre-Dame, ordonna de surseoir à l’enlévement de ces dernières comme étant bien de la Fabrique de la ville».

Les 4 cloches du Couvent pesant respectivement 358, 248, 168 et 144 livres ; plus une sonnette appartenant aux religieux, pesant 15 livres et une cloche de 144 livres, venant de la chapelle St Radegonde, furent transportées à Gonesse, le 27 décembre 1791, pour être fondues à la Monnaie.

La Convention tentera de laiciser et de nationaliser les établissements hospitaliers.

Le Père Cotte demeura parmi les administrateurs, même après avoir en 1794 abandonné ses fonctions ecclésiastiques.

En pluviose an III (janvier 1795) l’hospice est endetté envers la ville de 2500 livres et une députation se rendra à la «Commune des Secours» de la Convention pour obtenir 6000 livres. La décision reviendra au district de Gonesse qui accordera 4000 livres.

La pénurie en céréales se fera cruellement sentir en 1794 et 1795, l’hospice obtiendra cependant 10 quintaux dè riz à prendre à la Salpétrière.

Un administrateur du district le Sr Brador procèdera le 15 mars 1795 en présence du maire, à la levée des scellés apposés sur les archives. Tous les titres mis en liasse furent déposés dans un sac de toile et transportés à Gonesse chef-lieu du district. Ils disparurent ainsi. Nouvelle demande de secours en juin 1795 à la «Commission des Secours Publics» de 20 000 livres. Le 8 novembre le conseil municipal prêtera 10 000 livres.

Le gâchis continuant, le conseil municipal confiera à 2 citoyens de Montmorency, mission d’inspecter et de donner des avis aux administrateurs pour une plus grande économie.

Un régime uniforme sera institué par la loi du 7 octobre 1796, les administrations municipales ont désormais la surveillance immédiate et le financement de tous les établissements hospitaliers situés dans leur ressort administratif, Les municipalités désigneront une commission composée de 5 citoyens du canton.

Cette loi abandonnait le principe de la charité publique et son corollaire : les obligations envers les fondateuts et les donateurs, les établissements de soins aux malades seront gérés selon les seuls besoins de la collectivité temporaire.

La loi de juin 1794 sur la vente des biens hospitaliers est désormais caduque.

Dès février 1797 cinq nouveaux administrateurs élus les Srs Louis Forget, R. Pillieux, Nicolas Guesdon, P.F. Goujon et J. Laforge décidèrent des mesures à prendre qui s’imposaient pour le bon fonctionnement de l’hospice et le paiement des annuités en retard dues au chirurgien, aux infirmières et au jardinier.

Le linge était dans un état de délabrement affreux, les bâtiments recevaient l’eau de plusieurs côtés et étaient de plus, en mauvais état.

Les budgets annuels furent toujours un grave souci pour les administrateurs, en particulier 1798, l’hiver venant, les demandes de secours réitérées au gouvernement étaient sans effet. On se décida à rétablir la quête du vin dans les pressoirs, supprimée depuis plusieurs années, et plusieurs débiteurs de rentes s’empressèrent de payer ce qu’ils devaient.

Le Sieur Baudran, officier de santé, consent à ne plus recevoir de traitement, seulement d’être payé de ses débours. Il mourut en 1804 et le citoyen Jean Jacques Laporte fut nommé officier de santé et le remplaça.

Simone Hervo

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Bibliographie :

Sceau de la société populaire de Gonesse.
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