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Guerres et mobilisations à Montmorency sous la Révolution

De la prise de la Bastille à la mort du roi

De 1789 à 1795 l'armée française a considérablement évolué. L'armée royale de l'Ancien Régime est devenue peu à peu une armée de patriotes, puis, elle a laissé place en 1792 à une armée républicaine : celle des soldats de l'an II qui, face à l'Europe coalisée, se battra pour défendre la Révolution et la Liberté. Il y aura sous les drapeaux en 1794 un million d'hommes qu'il faudra nourrir, vêtir et armer, ce qui nécessitera un effort tel que le pays tout entier sera mobilisé.

Comment la population de Montmorency a-t-elle participé à cet effort ? Nous tenterons, grâce à l'étude des registres municipaux de 1790 à 1795 et aux renseignements glanés dans les recensements de 1791, 1793 et 1806 de suggérer quelques éléments de réponse.

L'armée royale se démocratise

L'armée royale, en 1789, est une armée de métier constituée de soldats de ligne, en principe tous volontaires et dont les engagements sont au minimum de 6 ans. Les «bas-officiers» qui les encadrent sont des roturiers sans espoir d'accéder aux grades supérieurs, tous réservés depuis la loi de 1781 à la noblesse d'épée. Soldats de haute taille (1,65 m au moins) à l'uniforme blanc, solidement entrainés, devant subvenir à leurs besoins (nourriture, couvertures) (1) grâce à une solde de 7 sols et 4 deniers par jour (ce qui est peu, un maçon gagne 25 sols par jour) ils sont soumis à une discipline de fer et n'ont bien sûr le droit de mettre en cause, ni les ordres reçus, ni la hiérarchie sociale existant dans les régiments.

Or, depuis l'été 1789, il s'est constitué des bataillons de Gardes Nationaux qui élisent leurs officiers et affichent leurs opinions politiques, ce qui donne à penser aux soldats et ils ne sont pas les seuls. Les bas-officiers, eux aussi, depuis que la Constituante a proclamé le 26 août 1789 les Droits de l'Homme qui affirment le libre accès de tous les emplois, espèrent faire carrière comme officiers au détriment des nobles dont certains (des libéraux) acceptent, mais dont la plupart refusent ces changements, et vont très vite s'opposer à tout assouplissement de la discipline.

Cette armée royale qui connaît une crise interne et dont les effectifs diminuent est, dans le même temps, de plus en plus suspecte aux yeux des patriotes qui ne font guêre confiance aux officiers nobles, dont beaucoup ont des parents ou des amis parmi les émigrés.

C'est en juin 1791 que la crise éclate. Le 12 la Constituante décide de faire appel à des volontaires, recrutés parmi les gardes nationaux, pour créer dans chaque département un bataillon composé de 8 compagnies de fusiliers et d'une compagnie de grenadiers. À peine cet appel est-il connu que la fuite du Roi (Varennes 20-21 juin) en montre le bien-fondé : le rôle joué par le marquis de Bouillé et certains régiments renforce la méfiance des patriotes.

Certes, l'armée royale continue à recruter car elle doit assurer la défense du royaume et garder les places-fortes, mais elle se transforme. D'abord parce que 2 000 officiers émigrent après Varennes, provoquant le renouvellement d'une partie de l'encadrement ; d'autre part parce que, face aux 170 000 hommes des troupes de ligne, il s'installe une armée parallèle : plus libérale, les engagements y sont d'un an, les enrôlés restent groupés par canton et élisent leurs officiers, la solde enfin y est le double : 15 sous par jour. Cette armée est aussi une armée bourgeoise car, puisées dans la Garde Nationale dont seuls peuvent étre membres les citoyens actifs, ces recrues doivent s'équiper à leur frais. 300 000 hommes constituent, fin 91, l'effectif de ces bataillons départementaux et deviennent un modèle pour les troupes de ligne qui vont désormais réclamer l'égalité de solde et l'élection des officiers.

C'est aux autorités civiles, donc départementales et, à la base, communales qu'incombent la levée et l'équipement de ces nouveaux soldats.

Montmorency est-il concerné ? Oui car il s'est créé un bataillon de Seine-et-Oise et notre ville en a fourni quelques éléments.

Que trouvons-nous dans les registres municipaux pour cette période ? Peu de chose. En juin, mention est faite d'un «don patriotique», devenu en août, le versement spontané ayant été normalisé, «contribution patriotique». Quant aux engagés il n'en existe aucune mention, mais, d'autres sources permettent de connaitre quelques noms : ceux de Lefevre-Valrensaux, qui deviendra officier d'un régiment de chasseurs à cheval et dont le père sera en 1793 suspect car «détenteur d'un fief», et de Xavier Génuit le fils du procureur. D'origine bourgeoise aisée, ces 2 hommes illustrent bien l'attirance que représente l'armée où il est désormais possible de devenir officier, sans être noble.

D'autres motivations ont pu jouer. Pourquoi Denis Leduc, fils d'aubergiste est-il parti ? (2) sûrement pas pour la prime ; alors le goût de l'aventure ? Quant à Alexandre Duhamel, qui s'engage à 20 ans en décembre 91, dans les Gardes du Roy, si sa mère est veuve et doit nourrir 5 enfants, elle n'est pas indigente car elle dirige une entreprise de peinture et vitrerie. Quelles sont donc les raisons de son engagement ?

Cette période est celle que nous connaissons le moins, mais il est certain qu'il y a eu d'autres montmorencéens dans les troupes de la monarchie, vraisemblablement dans les mêmes proportions que sous l'Ancien Régime et pour les mêmes raisons : prime et goût de l'aventure. Constatons enfin qu'en décembre 91 on a 11 candidats qui postulent la place de Garde du Roi qui écherra à Alexandre Duhamel. On se presse encore, après Varennes, pour servir le Roi.(3)

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Proclamation de la Patrieen danger
Proclamation de la patrie en danger.
le 22 Juillet 1792.
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1792. Des patriotes volontaires pour la défense de la République.

La guerre que souhaitent le Roi et les Girondins paraît inévitable au début de 1792, mais l'armée française est désorganisée et de moins en moins nombreuse : il ne reste que 100 000 hommes environ au lieu des 300 000 qui seraient nécessaires. Pour parer à toute éventualité, l'Assemblée Législative décide en janvier, de lever des troupes de ligne.

La levée à peine terminée, Louis XVI déclare le 20 avril la guerre à son neveu l'Empereur François II. Les conséquences sont désastreuses, Prussiens et Autrichiens envahissent le pays. les défaites se succèdent, c'est alors que le 11 juillet l'Assemblée proclame «La Patrie en danger» et qu'une levée de 500 000 hommes est décidée. Les conditions de l'engagement ont été modifiées : il suffit d'avoir 16 ans et non plus 18 : on ne tient plus compte de la taille et les citoyens passifs sont acceptés.

Puis la chute du Roi (10 août). la proclamation de la République, la prise de Verdun galvanisent patriotes et républicains qui, en septembre 92, s'engagent massivement.

Comment ces 3 appels ont-ils été entendus à Montmorency ?

Pour les 2 premières levées effectuées en février et août, 10 noms nous sont connus, mais les enrôlements ont été plus nombreux. On peut constater, en étudiant ces 10 cas, que :

Les motivations matérielles semblent évidentes mais, elles peuvent coïncider avec des raisons idéologiques. Ce qui est certain c'est que ces jeunes gens sont incapables de s'équiper et que la prime qu'ils percevront sera la bienvenue. Comment cette prime est-elle assurée ? Parfois par de généreux et anonymes donateurs : «2 citoyens qui n'ont pas voulu être dénommés ont promis de donner à chacun des 2 premiers enrôlés, une somme de 300 livres pour forme de récompense de leur louable dévouement…»(4) sinon, pour ceux qui s'engagent dans les bataillons du département, elle est à la charge des autorités civiles et, en l'occurrence, c'est au conseil municipal de Montmorency qu'il incombe de s'en occuper. Il lance donc une souscription et la prime est fonction des sommes recueillies ; elle est loin d'atteindre 300 livres qui représentent en ce mois d'août 1792 une somme considérable.

Une opinion publique qui se mobilise, des recrues de plus en plus jeunes, des citoyens passifs qui ne peuvent payer leur équipement, des riches qui donnent des primes mais non leurs fils. Tels sont les enseignements que l'on peut tirer de ces deux levées, et que corrobore celle de septembre 1792.

Début septembre 92, la municipalité nomme des commissaires pour : «faciliter et rendre plus prompte la levée des hommes destinés à compléter l'armée en troupes de lignes, vétérans, volontaires nationaux et gendarmerie nationale» (5) et décide de «… faire battre la générale par toute la ville à 5 heures précises afin que lesdits citoyens accourent à la maison commune pour aviser ainsi réunis aux moyens de sauver la Patrie en faisant partir un nombre d'hommes armés et munis proportionné au civisme et au danger qui menace l'État… Consigne sera donnée de laisser passer et sortir de la ville aucun homme âgé de 16 ans et plus»(6).

Toutes les précautions étant prises, la réunion a lieu le 4 septembre «… en l'église des ci-devant Mathurins où les garçons (célibataires) étaient réunis… l'assemblée a arrêté qu'il en partirait 20, lesquels seraient armés et équipés aux dépens de la commune». C'est parmi les célibataires et veufs sans enfant de 17 à 50 ans que seront recrutés les partants. On appelle les volontaires : 10 se proposent. Il faut désigner les autres «par voie du sort». Le recensement est alors fait et un nombre de billets égal à celui des participants est préparé avec «… sur onze des mots : Brave citoyen dévoué à sauver la Patrie ou à périr pour elle. Les autres (billets) blancs…».

Puis l'assemblée, les 11 hommes ayant été tirés au sort, décide qu'«il sera fait une quête d'armes et de deniers pour subvenir aux besoins des enrôlés et à leur équipement».

Tout semble réglé, la municipalité n'est plus obligée d'improviser ; le mécanisme des levées est rôdé. Il n'y a qu'à s'en féliciter. Mais, dans les jours suivants, l'enthousiasme patriotique diminue et … un certain nombre de volontaires et tirés «sont et demeurent réformés… attendu qu'ils sont au-dessous de 5 pieds, d'une complexion faible et… hors de répondre a la loi du 2 septembre présent mois qui prescrit d'avoir des hommes forts et robustes»(7).

Trop jeunes et trop petits les volontaires : ils ne sont plus que 6 le 10 septembre et finalement 4 seulement partiront, mais ceux-là ont de 29 à 42 ans ! Il reste les 11 hommes tirés au sort, mais là encore des problèmes surgissent : 2 sont réformés et 7 se font remplacer, continuant la pratique de l'Ancien régime où celui qui avait tiré un mauvais numéro et en avait les moyens, se payait un remplaçant.

Qui donc se fait remplacer ? Pour 6 d'entre eux, nous pouvons répondre : 2 sont fils de propriétaires de vignobles, 2 de commerçants aisés, Jacques Gouffé est le fils de l'ancien procureur du bailliage et le 6e est le frère d'Alexandre Duhamel engagé en 91. On le voit l'argent permet de laisser à d'autres le soin de défendre la patrie et les principes nouveaux d'égalité ne sont pas de mise.

Qui part alors ? Des fils de veuves, un orphelin, des membres de familles nombreuses (6 ou 7 enfants). Sauf pour l'un d'entre eux Benoît Briosne, dont la mère est dite «bourgeoise» c'est-à-dire rentière, tous les «défenseurs de la Patrie» viennent de milieux populaires.

Les 17 recrues enfin trouvés, il reste à les équiper car l'armée ne fournit rien, ni armes ni uniformes. 13 fusils ont été donnés (que les volontaires s'engagent à rendre à leur retour!!) et 4 seront pris parmi «les fusils de munition de la ville». Des sabres et des gibernes ont été fournis, une quête a été faite et, les frais d'équipements déduits, il est versé à chacun des 15 partants (car il y a encore eu 2 défections) 78 livres c'est peu !

Qu'en conclure ? l'enthousiasme diminue, les levées devenant fréquentes, les généreux et anonymes donateurs ne se manifestent plus et les primes diminuent, l'équipement semble parfois bien léger comme voudrait le faire croire François Vilain qui pour justifier la présence de son fils engagé en février 92, affirme au conseil le 31 octobre «… que Marie Vilain son fils, volontaire national du 3ème bataillon du département de Seine-et-Oise, est revenu en cette ville samedy dernier, que ce jeune homme Se trouvait presque nu, ses habits étant en lambeaux, il a demandé à son capitaine de l'habiller, que celui-ci lui a dit qu'il ne pouvait le faire, à quoi son fils a dit avoir observé à son capitaine qu'il ne pouvait rester sans vêtement et que le capitaine lui avait répondu qu'il pouvait aller, que pour un soldat de moins les «choses n'en iraient pas moins bien ; ledit sieur Vilain a pré senté un habit en lambeaux qu'il a dit être celui avec lequel son fils est revenu…»

Un autre problème se pose alors à l'armée : celui des départs sans permission. Des déserteurs ces soldats qui rentrent chez eux ? Certains sont simplement des blessés qui en profitent pour venir à la maison, car on y est mieux qu'à l'hôpital. C'est du moins l'avis de Jean Baptiste Denis. «il s'est présenté au conseil et a justifié qu'il est attaqué d'une hernie et il a requis qu'il lui fut permis de s'en faire traiter chez la dame Denis sa mére, en cette ville plustôt qu'à l'hôpital de St Denis qui lui a été indiqué» (8). Il est vrai qu'il était dans un bataillon de Paris. Mais, certains arrivent de plus loin. C'est que, le 20 septembre, à Valmy, la République a été sauvée ; une partie des volontaires engagés en 91 pour un an décident alors que leur contrat a été rempli et que même si la guerre continue, ils peuvent se considérer comme déliés de leur engagement et rentrer chez eux, ce qu'ils font en bonne conscience sans se soucier des appels de la Convention. L'armée perd alors environ 1/3 de ses effectifs. Ce sera pis encore après la victoire de Jemmapes sur les Autrichiens (6 novembre) : les troupes ennemies ont quitté le territoire national, les Français campent en Belgique, en Savoie et sur le Rhin. La Patrie libérée, certains des engagés de 1792 rentrent à leur tour malgré une nouvelle adresse de la Convention.

Blessés et déserteurs partis, l'armée française semble, en cet hiver 92 fondre comme neige au soleil et pourtant très vite la situation va devenir catastrophique.

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L'armée de la Convention

L'armée de va-nu-pieds
Tout n'est pas faux dans ce tableau : la pénurie en chaussures et vêtements des soldats est connue, c'est une armée de va-nu-pieds (en partie) aux uniformes bigarrés que Goethe saluera à Valmy.

La reprise de la guerre et le soulevement de Vendée.

La Patrie sauvée, la République francaise décide de «libérer les peuples frères» et déclare la guerre à l'Angleterre et à la Hollande (ler février) puis à l'Espagne (7 mars) mais. il lui faut compléter les régiments et, dès février le général Custine réclame des troupes fraiches.

C'est alors que la Convention décrête une levée de 300 000 hommes ainsi qu'une contribution de 40 millions à percevoir sur les riches. Toutefois, par crainte de désorganiser l'administration et pour maintenir la production des armes indispensables et empécher la contrerévolution de gagner à l'intérieur du pays, de nombreuses dispenses sont prévues.

Décret du 24 février 1793 :

art. 1
La convention nationale fait appel de 300.000 hommes.
art. 10
Il sera ouvert pendant les trois premiers jours … un registre sur lequel se feront inscrire volontairement ceux qui voudront se consacrer à la défense de la Patrie.
art. 11
Dans le cas où l'inscription volontaire ne produirait pas le nombre d'hommes fixé par chaque commune, les citoyens seront tenus de le compléter.
art. 16
Sont concernés les célibataires et veufs sans enfant de 18 à 40 ans accomplis (mais le remplacement est accepté).
art. 20
sont dispensés :
  • ceux que des défauts de conformation mettent hors d'état de porter les armes,
  • les administrateurs composant les directoires de département et district,
  • les procureurs généraux syndics,
  • les secrétaires généraux de district,
  • les maires, officiers municipaux et procureurs de commune.
  • les membres des tribunaux civils et criminels, le greffier, les commissaires nationaux, les juges de paix,
  • les receveurs de district,
  • les receveurs et directeurs d'enregistrement et
  • les ouvriers employés à la fabrication des armes et des poudres.

Qui va donc partir aux frontières quand tous les cadres administratifs, judiciaires et autres sont exemptés ? La réponse est facile à faire : tous ceux qui, sans instruction suffisante ne font pas partie de la bourgeoisie, les milieux populaires urbains et les paysans.

Une levée difficile, une opposition manifeste c'est ainsi que les montmorencéens réagissent : lassitude devant des appels trop fréquents, sentiment de l'inégalité sociale ? toujours est-il que l'enthousiasme a disparu.

Le nombre d'hommes à fournir a été calculé au niveau du département en fonction de la popula«tion et du nombre des volontaires déjà partis. Il y a, à cette date 38 montmorencéens sous les armes, aussi le contingent a-t-il été fixé à 11 recrues. Elles seront difficiles à trouver.

Le noble et l'ouvrier
Le noble et l'ouvrier.
Thomas Couture (Musée de Compiègne)

Pour la première fois une opposition apparaît : dès l'ouverture du recrutement une affiche est placardée «… portant les mots Au nom de l'humanité, Citoyens, les ministres et les généraux nous trompent ; nos frères d'armes qui sont aux frontières en sont les victimes, nous le serons de même si nous partons. Gardons nos foyers, nos familles et nos propriétés…»(10) l'affiche était anonyme mais un peu plus tard c'est un dragon qui ose récidiver en déclarant à l'auberge «… que tous les volontaires qui partaient allaient à la boucherie, que son régiment quand il allait à l'ennemi, tirait en l'air, que c'était convenu même avec l'ennemi pour ne se point faire de mal et que les choses niraient bien que quand les ennemis seraient ici»(11).

Ces propos contre-révolutionnaires et anti-républicains ne sont certainement pas partagés par l'ensemble de la population qui, par contre; ne comprend pas les raisons de cette guerre meurtrière et, lui semble-t-il, non justifiée puisque la Patrie n'est plus envahie. Les volontaires sont donc peu nombreux :

Il faut alors envisager de tirer les 4 derniers. Oui mais, s'il est si pénible de trouver des volontaires, il y a peu de chance de trouver des remplaçants ; le danger est sérieux ! aussi des tractations sont-elles engagées dont nous n'avons pas trace, mais qui ont été efficaces puisque le 19 mars enfin, les 11 hommes sont inscrits et reconnus aptes au service par le chirurgien major du district.

Cette situation n'est pas propre à notre ville, il en a été de même dans l'ensemble du pays puisque, nous le savons, le levée n'atteindra que la moitié du nombre prévu et que ces recrues seront trop jeunes ou trop âgées. Les 11 enfin trouvés, reste à les équiper ; mais, fils de fripier, de journalier etc… leur apport est limité : 4 ne possèdent aucune des pièces de l'habillement nécessaires, 2 ont un chapeau ! C'est à la municipalité qu'il incombe de leur procurer armes et uniformes.

Un effort sans précédent, une organisation remarquable : jamais les volontaires montmorencéens n'ont été et ne seront aussi bien équipés.

1er objectif : se procurer les fonds nécessaires. À cet effet, lé conseil décide :

En ajoutant la faible somme versée par le département (600 livres) le conseil dispose de 3 900 livres. Cela paraît considérable, mais sera tout juste suffisant.

C'est un équipement très complet dont la liste a été publiée en février que l'armée exige. Pour compléter l'apport très limité des recrues, le conseil :

Quant aux armes, il s'agit de 11 fusils réquisitionnés, mais expertisés par un armurier car le district rembourse (en assignats) la valeur des habits et armes que les citoyens ont dû donner. Fin mars, nos 11 hommes armés et équipés de pied en cap reçoivent une prime et partent, mais la prime a été réduite car il a fallu débourser 316 livres par personne pour l'équipement(14).

Effort remarquable mais que les finances municipales ne pourront renouveler. Il en est de même au niveau départemental et nationnal : la guerre pèse de plus en plus lourd. Peut-on espérer l'arrêt des hostilités ou tout au moins celui des levées ? Hélas non, car en mars aux défaites (Neerwiden 18 mars), à «la trahison de Dumouriez» (le héros de Valmy s'enfuit chez les Autrichiens) s'ajoute le soulèvement de Vendée, conséquence de la levée des 300 000 hommes.

En mai, la Convention pour faire face au péril extérieur et intérieur décide une nouvelle levée de volontaires.

Pour aller combattre «les rebelles de Vendée» les volontaires sont nombreux, âgés et mariés : le souffle révolutionnaire se réveille.

Dès réception de la lettre du district, le 13 mai, «la commune de Montmorency réunie en assemblée générale proteste de son amour sans borne pour la liberté, de sa soumission parfaite à la loy, de son respect inviolable pour les autorités constituées, de la haine profonde qu'elle voue aux tyrans et aux rebelles…» Belle déclaration ! Mais les hommes vont-ils suivre ? Contrairement à la levée de mars, le recrutement cette fois, se fait rapidement : 8 volontaires se présentent, c'est plus que le contingent exige et le Comité de Salut Public en félicitera la commune.

Ces enthousiastes sont des hommes mûrs, mariés et pères de famille, tel Louis Godefroi, 40 ans, 4 enfants. On note parmi eux, pour la première fois des vignerons, jusque-là absents des listes.

Leur motivation est nette : il s'agit pour ces sans-culottes de défendre la République et la société nouvelle contre les rebelles, c'est pourquoi ils abandonnent femme et enfants, mais pour une action ponctuelle, bien précise : il ne s'agit nullement d'un engagement dans l'armée régulière, aussi précisent-ils la durée de leur absence : 3 mois pour 4 d'entre eux, la durée des troubles pour les autres. Bel optimisme ! Leur absence sera plus longue que prévue car en janvier, aucun ne sera rentré.

Les trois tambours
Les trois tambours
Thomas Couture (Musée de Compiègne)

Les armes sont facilement trouvées : elles sont fournies par le district qui a réquisitionné tous les fusils de guerre avec baïonnette.

Une prime leur est allouée quête et subvention municipale atteignant 1680 livres, le conseil a prévu de verser 75 livres à ceux qui s'engagent pour 3 mois et 300 aux autres, maïs les 8 volontaires décident de partager à égalité : c'est avec 210 livres chacun qu'ils partent (15).

Le problème financier devient de plus en plus grave. Pour y remédier, le département a décidé, en mai, la création d'une taxe destinée à assurer «la solde, l'armement, l'équipement des hommes, à couvrir les besoins des familles et à pourvoir aux indemnités prévues en cas d'invalidité et de décès». Quant à la Convention, elle décrète, en juin, un emprunt forcé d'un milliard sur les riches.

Ultime effort ? Non. La lère coalition passe à l'offensive, la France est de nouveau:envahie : jamais la situation n'a été aussi grave. Les Montagnards vont devoir recourir à la mobilisation de toutes les forces de la Nation et, en ce qui concerne les troupes, à la mobilisation de tous les hommes de 18 à 25 ans : il n'est plus question de volontaires ni de remplaçants : le 23 août la levée en masse est décrétée.

La levée en masse

Été 93 : c'est à nouveau l'invasion . Le sort de la République est en jeu ; les Sans-Culottes manifestent pour obtenir la mobilisation de tous les citoyens. Ce projet semble dangereux au gouvernement car il y a trop d'«ennemis intérieurs» à surveiller et, la production d'armes, de vivres etc… doit étre assurée. C'est pourquoi si le décret du 23 août 1793 annonce le recensement de tous les hommes de 17 à 50 ans, la levée en masse ne concerne que 7 classes d'âge, à savoir : les célibataires et veufs sans enfant de 18 à 25 ans.

Les soldats de l'an II

À Montmorency, où d'après le recensement de 1793, 73 personnes sont concernées, la levée est mal accueillie.

Elle s'effectue fin septembre (les papiers officiels sont reçus le 25) c'est-à-dire en pleines vendanges, ce qui gêne la population d'autant que certaines familles sont particulièrement touchées ; ainsi, chez les Tetard, vignerons à la Rue, 3 fils de 18, 19 et 20 ans doivent partir et leurs bras vont manquer. Le mécontentement est grand, la mobilisation traîne, les départs n'ont lieu que le 12 octobre.

Le Comité de Salut Public a prévu une période de quelques semaines pour l'instruction de ces jeunes appelés mais, rien n'est en place pour accueillir les recrues qui perdent leur temps, ce dont les familles se plaignent. «Il a été exposé qu'on ne leur apprend pas le maniement des armes… qu'ils ne font absolument rien que de dépenser leur argent, tandis que tous ont besoin chez eux, notamment pour la culture des terres…» (1). Les permissions se prolongent à tel point que le Comité de Salut Public adresse à tous une sévère mise en garde «Les citoyens compris dans l'effectif de la Première Réquisition qui se seraient cachés ou auraient abandonné leur domicile pour se soustraire à l'exécution de la loi et qui ne se présenteront pas dans la décade qui suivra la publication du présent décret pour se rendre à leur destination, seront censés émigrés et, comme tels, soumis eux et leurs familles, à toutes les dispositions des lois concernant les émigrés et parents des émigrés. Les municipalités et les Comités de Surveillance des communes sont spécialement chargés de dresser la liste de ces citoyens et d'en faire passer copie à la Convention Nationale»(2).

La municipalité pourchasse donc les récalcitrants avec l'aide du comité de surveillance et celle des mères dont les fils sont, eux, partis.

Au printemps 94, cette période de flottement semble terminée. Les appelés reçoivent leur affectation. Quelques-uns, mais ils sont rares, servent dans l'artillerie ou la cavalerie ; la majorité est incorporée dans l'infanterie où Carnot impose l'amalgame, c'est-à-dire que, pour éviter les fuites et débandades qu'ont connues les premiers régiments de volontaires, il adjoint à chaque demi-brigade de «culs blancs» c'est-à-dire l'armée professionnelle bien entrainée, une demi-brigade de «bleuets», les appelés, vêtus de l'uniforme bleu des gardes nationaux, qui sont peu formés et mal aguerris.

Les soldats de métier (Culs Blancs) fraternisent avec les Appelés (Bleuets).

D'autres ont été affectés aux «armées révolutionnaires» il s'agit de groupes armés de sans-culottes, recrutés dans les villes, pour faire appliquer la loi du maximum et rechercher les vivres cachés ; ces groupes très particuliers sont supprimés et les requis rejoignent alors l'armée : tel est le cas du «citoyen Louis Joseph Lemaire, soldat de la lère réquisition, entré au service de l'armée révolutionnaire qui se trouve maintenant licencié avec tout le corps de ladite armée» (3).

Certains requis sont privilégiés, il s'agit de ceux qui se trouvent dans les bataillons départementaux de Réserve, comme le citoyen Guillet fils où sont affectés aux charrois de la République, ou bien encore, sont réquisitionnés sur place, tel «Jean Pierre Duhamel mis en réquisition, actuellement au moulin ci-devant des Chartreux pour la commission des armes, poudres et salpêtres et armes portatives…»(4). Ces affections peuvent à tout moment être modifiées en fonction des besoins militaires à savoir l'évolution de la situation, le nombre des pertes et des blessés. Ceux-ci sont moins nombreux qu'en 92 et 93 car l'amalgame se révèle fort efficace, mais leur nombre est malgré tout élevé.

Permissions, blessures, maladies, tout est bon pour revenir au pays et les départs sont aussi difficiles et irréguliers qu'au moment de la levée. «… les volontaires nationaux invités à rejoindre promptement leurs corps respectifs ont tous déclaré qu'ils étaient dans l'intention de partir dans le courant de la semaine prochaine…» (5) mais les délais ne sont généralement pas respectés et devant cette situation le C.S.P. lance un nouvel appel que transmet le district au Comité de surveillance de Montmorency, lequel transmet à son tour au conseil municipal l'ordre de «faire le recensement de tous les soldats de la République qui ne se sont pas rendus à leurs corps respectifs, prendre leurs noms, prénoms, âge de tous ces soldats avec le numéro de régiment ou bataillon… désigner le grade et… les motifs de leur retard…»(6).

En juillet encore, le conseil devra convoquer tous les soldats présents à Montmorency et vérifier les raisons de leur séjour Il y a peu de «tire-au-flanc» parmi les 150 Montmorencéens qui se trouvent sous les drapeaux au moment de Thermidor. Ils témoignent de l'effort considérable de la Nation : 500 000 requis sont venus renforcer l'armée qui compte alors environ 800 000 combattants, et ces Soldats de l'An II, bien encadrés et efficaces, arrêtent l'invasion et poursuivent les ennemis sur leurs territoires.

Après Thermidor, l'armée moins motivée perd une partie de ses troupes. Après la chute des Montagnards, la Convention n'a plus la même autorité et surtout elle commet l'erreur de ne pas appeler de nouvelles recrues. Il n'y a pas, à l'automne 94, appel de la classe des 18 ans qui auraient remplacé les plus âgés des requis de l'année précédente. Ceux-ci sont donc maintenus sous les armes jusqu'à la fin de la guerre ; mais quand celle-ci finira-t-elle ? Nul ne le sait. Aussi, nombreux sont ceux qui quittent discrètement l'armée. Des 800 000 combattants de juillet 94, il ne reste en mars 95 qu'environ 450 000 soit la moitié des troupes. Pour arrêter cette très grave hémorragie, la Convention multiplie, sans grand succès, les appels et les menaces. A Montmorency les autorités locales convoquent «tous les militaires de tous grades présents dans la commune, pour examen des permissions, congés et billets d'hôpitaux» (7), mais il faut recommencer 3 mois plus tard, ils sont alors 15. Mais, comme il n'y a plusniC.S.P. ni comité de surveillance local, les citoyens osent parler et même parfois refuser d'obéir. Sur les 15 soldats alors présents dans notre ville, 3 sont blessés et en congé régulier ; 6 ont prolongé leur permission et s'engagent à partir sur le champ ; 2 sont en situation irrégulière, quant aux 4 autres, ils n'ont pas daigné se déranger et ont fait dire «qu'ils viendraient au conseil quand ils en auraient le temps» ou bien encore «qu'il était aussi bien chez sa mère qu'ailleurs(8) ; ce langage impossible à imaginer quelques semaines plus tôt témoigne du manque de considération et d'autorité des Thermidoriens.

Que va donc faire l'armée française ainsi diminuée ? Heureusement, la guerre est difficilement supportée par les ennemis et, en 1795, Prussiens et Hollandais signent la paix ; seules l'Angleterre et l'Autriche continuent les combats et les troupes françaises, même réduites de moitié, peuvent faire face ; mais cela implique que les soldats de la 1ère Réquisition continuent à servir, et ce n'est que lorsque la loi Jourdan (1798) qui organise la conscription annuelle, entrera en vigueur, qu'ils regagneront leurs foyers.(9).

Équipements et transport

Fournir 150 recrues aux armées de la République, c'est bien. Mais, l'effort exigé de la population montmorencéenne a été beaucoup plus important. 14 armées (presque 1 million d'hommes) à équiper, vêtir, nourrir alors que tout manque : jamais un gouvernement n'a eu à faire face à de tels besoins. Toutes les forces de la Nation sont donc mobilisées. Le Comité de Salut Public confie à Lazare Carnot et à Prieur de la Côte d'Or la charge de tout organiser ; sont alors réquisitionnés tous les savants (mathématiciens, chimistes etc…) et tous les habitants : chacun, à son niveau, doit fournir ce dont l'armée à besoin…

Les armes

600 000 fusils sont nécessaires : 9 000 sont disponibles et la production annuelle des manufactures existantes atteint 55&thinsp:000 pièces ! En attendant que sortent des fusils des nouvelles manufactures créées en province et à Paris, on installe des forges sur les places publiques (ainsi à Paris au Luxembourg et aux Invalides) on mobilise les horlogers et les «ouvriers en fer» mais, surtout, on réquisitionne les fusils des particuliers. «Toutes les armes de calibre de guerre sont en réquisition pour le service de la République. Tout commerce d'armes est interdit sous peine de deux ans de fer. Tout citoyen qui aurait des armes en sa possession est tenu, sous peine de confiscation et de 300 livres d'amende, d'en faire la déclaration à la municipalité ; l'état de ces armes sera envoyé au ministère».< title="Décret 26 janvier 1794">(10). S'il est ainsi possible de récupérer quelques fusils, il n'en est pas de même pour les canons. Par contre, pour alimenter les 2 fonderies anciennes et les 17 nouvellement créées, communes. et particuliers sont instamment invités à donner le cuivre, le plomb et le zinc disponibles.

Les biens nationaux, biens des émigrés et biens du clergé sont systématiquement exploités. «10 721 livres de cuivre provenant du mobilier de l'émigré Condé à Chantilly» sont ainsi récupérées tandis que les églises sont dépouillées de tous leurs ornements métalliques (grilles, armoiries) et que les cloches sont descendues et envoyées à la fonte car «… le métal des cloches est devenu par de nouveaux procédés chimiques une immense usine de cuivre à exploiter»(11).

À Montmorency, après les 4 cloches du couvent des Mathurins, celles des chapelles NotreDame et St Jacques déjà descendues en 1792, c'est la collégiale qui perd les siennes, sauf 2 que la population qui veut continuer à connaitre l'heure, indiquée chaque jour par la sonnerie de l'Angelus, parvient à sauver.

Tout métal est, quelle qu'en soit la provenance, utile ; aussi récupère-t-on les cercueils de plomb des Montmorency et des Condé, ainsi que la plaque de cuivre qui couvrait la tombe de Jean II.

Sabres et piques sont également recensés et, quant à la poudre que nécessitent les armes à feu, elle est produite par les ateliers de salpêtre créés à cet effet(12). Après les armes, vient le tour des tissus : le district invite la 11 mars 94 «la municipalité à faire sur le champ un état des toiles à sac, treillis et fils servant à la construction de ces toiles, le tout pour le service des armées» ; 3 mois plus tard le dis- trict réquisitionne les cordes des cloches, les cordages usagés et même au rebut «pour être employés aux transports militaires, campement des troupes, navigation, agriculture et commerce»(13).

Bataillon Sacré composé de 500.000 Républicains deffendant notre Constitution contre les esclaves de tous les tyrans coalisés…» Grâce au sursaut patriotique et Mais qui dit transports militaires, dit chevaux. Les besoins des charrois de l'armée sont considérables et dès octobre 93 tous les chevaux et mulets ont été recensés, non sans mal, et une partie réquisitionnée. Au printemps suivant, de nouvelles exigences sont présentées : elles concernent «une levée extraordinaire de chevaux et de mulets», mais aussi la récolte d'avoine qui doit être livrée «sous peine d'être considéré comme ennemi de la République».

Grâce au sursaut patriotique et à l'énorme effort qu'il a suscité chez les Français, l'armée dispose d'armes et de munitions en quantité suffisante mais le gouvernement ne peut ni la nourrir ni la vêtir correctement.

C'est aux recrues qu'il incombe de venir avec leur uniforme, leur couchage, puis de pourvoir avec une solde journalière de 15 sols à leur nourriture et au blanchissage de leurs vêtements.

Parents, amis, communes ont, nous l'avons vu, à peu près équipé les volontaires de 92 et les volontaires de Vendée, mais l'initiative privée et locale ne suffit plus quand l'armée compte un million d'hommes et le Comité de Salut Public doit intervenir, en précisant que les districts peuvent utiliser tous les moyens à leur disposition puis en réquisitionnant pendant 3 mois tous les cordonniers(14). Encore faut-il que ceux-ci aient de quoi travailler, ce que la municipalité d'Émile ne manque pas de faire remarquer à Gonesse lorsqu'elle envoie 2 commissaires «demander au district le cuir, veau et vache, nécessaire pour occuper les cordonniers de cette ville requis de faire 5 paires de souliers par décade pour les troupes de la République et, ce attendu que ni les cordonniers ni la municipalité ne sont aucunement approvisionnés de ces marchandises»(15).

Est-ce la proximité de la capitale ou le zèle des sans-culottes locaux qui incite les responsables d'Émile et du département à appliquer ces instructions, toujours est-il que les bataillons de Seine-et-Oise seront à peu près vêtus et chaussés, ce qui est exceptionnel.

Malgré la qualité insuffisante des équipements que trop de fournisseurs aux armées, peu scrupuleux, ont livrés, (les souliers sont souvent des éponges) les soldats de l'an II constituent en 94 une armée disciplinée et à peu près équipée, qui surpend L'Europe.

Il n'en sera plus de même après Thermidor. La suppression de la loi du maximum, la disparirion des moyens de contrôle de la production, la fin de la contrainte (Terreur), la démobilisation des esprits et surtout la chute spectaculaire des assignats (en juillet 95 un assignat de 100 livres en vaut en fait 3) expliquent que l'armée manque de l'essentiel et qu'avec leur solde de 15 sous, les soldats réduits à la misère, vivent sur les pays conquis.

Le_depart du volontaire
Le Départ du Volontaire.
(anonyme - Musée Carnavalet)

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Les conséquences des guerres révolutionnaires à Montmorency

Les guerres de la Révolution ont coûté cher. Les travaux les plus récents estiment à environ 1/2 million le nombre des décès dont 1/4 dans les hôpitaux.

Combien de montmorencéens parmi ces victimes ? Nous n'avons pas de renseignements très précis : 3 noms seulement apparaissent dans les archives municipales que nous avons consultées. Mais, outre Denis Leduc mort à 20 ans en 1791, Henri Anfroy (42 ans en 1793) et» le général Chérin, chef d'état-major de Hoche, tué à Zürich, combien de volontaires et de requis ont disparu ? D'autant qu'à ces 3 morts au champ d'honneur, il faut ajouter ceux qui ont succombé à leurs blessures et, ces blessés ont été, semble-t-il, nombreux mais, nous ne connaissons que les convalescents venus à Montmôrency et peu pressés d'en repartir(16).

Aux défenseurs de la Patrie blessés et invalides, la Convention décide en 1793 d'allouer une pension : le barème étant fixé à 15 sous par jour pour une jambe et à 20 sous pour une main perdue. Quant aux familles des disparus, une indemnité leur sera versée. Mais les délais sont longs avant que les papiers officiels n'arrivent : Henri Anfroy a été tué le 18 octobre 1793, mais son père n'en est avisé officiellement qu'en avril 1795 et c'est seulement alors qu'il peut percevoir les 477 livres qui lui sont dûes ; mais, en 2 ans l'assignat a perdu toute valeur et cette somme ne représente que 30 livres.

De gros problèmes financiers se posent en effet.aux familles les plus démunies ; outre l'inflation, l'absence de leurs fils et maris qui a duré 6 ans au moins et parfois 8 ans, les laisse sans ressource.

Quand il est impossible de payer un ouvrier pour remplacer le fils absent, c'est au moment des gros travaux agricoles: : labours, vendanges, que le manque de bras est vivement ressenti et les réclamations des parents, telle la veuve Simon, sont sans effet, le conseil municipal quoiqu'il en ait, ne pouvant rien faire(17).

Plus dramatique est le sort des femmes et enfants, des veuves âgées et des vieux parents que des volontaires enthousiastes qui pensaient revenir vite, tels les 4 hommes mariés engagés pour 3 mois contre les Vendéens en mai 1793 et toujours absents un an après, ont laissé sans ressource régulière.

Conscients de ce problème, les Montagnards ont fait voter une loi prévoyant l'attribution de «secours aux parents des défenseurs de la Patrie». C'est en octobre 1793, que l'on se préoccupe à Montmorency des mesures à prendre, 2 commissaires sont chargés d'aller chercher à Gonesse les formulaires réglementaires et les barèmes d'imposition ; la liste des habitants concernés est alors dressée. Il en est de même dans toutes les communes et devant l'afflux des demandes, les autorités se retrouvent démunies car les caisses sont vides et la Convention vote une nouvelle loi qui restreint le nombre des ayant-droit. Le 25 février 1794, le conseil municipal décide que «cette loi serait proclamée à son de caisse dans toutes les places et carrefours de cette commune jeudi 9 ventôse, 3 heures de relevée…», 10 hommes de la garde nationale devant «assister à cette proclamation avec le drapeau».

Chaque personne concernée doit alors fournir les pièces justificatives et, le 14 mars, lors d'une assemblée générale plutôt houleuse, la liste est arrêtée. Il est également décidé de nommer à côté des 3 commissaires distributeurs, 3 commissaires vérificateurs des titres, ces derniers étant choisis parmi les personnes les plus touchées, ce qui semble garantir leur intransigeance.

Malgré ces secours, la vie reste difficile pour beaucoup, tels «le citoyen Bance qui a 2 enfants au service de la Patrie» ou la citoyenne Martine, femme d'un défenseur de la Patrie(18) ; ils ne peuvent attendre le versement trimestriel et demandent une avance.

Les secours versés sont insuffisants, mais malgré leur modicité, la charge financière est encore trop lourde pour l'État et, après Thermidor, la Convention moins sensible aux difficultés sociales des classes populaires, vote une nouvelle loi qui décide de «retrancher des listes tous ceux qui par leur fortune, leur aisance, leur travail ou leur industrie, peuvent se procurer les moyens de subsister malgré la cherté des subsistances»(19).

Le conseil municipal, en application de ce texte du district, examine la «liste des indigents» y raye 34 noms (il y en avait au moins 150) et nomme des commissaires vérificateurs «pris parmi les plus indigents de ceux qui ont droit aux secours» la décision est si bien appliquée «qu'aucun d'eux ne peut lire les noms portés au tableau et ils demandent un adjoint qui soit en état de le faire»(20).

Misère, assignats sans valeur, difficultés sociales, telle est la situation dont hérite le Directoire à l'entrée de l'hiver 1795. L'effort considérable que la guerre a imposé à la Nation a été surtout supporté par les classes populaires. Ce sont elles, en effet, qui ont non seulement fourni l'essentiel des volontaires et des requis, mais elles ont aussi subi les conséquences économiques et sociales les plus lourdes, et pas seulement de 1792 à 1798, car que sont donc devenus ces hommes démobilisés à 25 ou 30 ans en 1798 ? Le recensement de 1806 nous donne quelques indications. Certains, ceux qui ont retrouvé famille et situation se sont mariés ; c'est le cas de Xavier Génuit, un bourgeois, ou des fils de vignerons comme Jacques Tetard. Mais les autres ? Ceux qui partis à 16 ou 17 ans, sans métier, sans terre ou qui n'ont pas toujours retrouvé de familles à leur retour ? 5 d'entre eux sont restés dans l'armée comme Nicolas Lemaire ou les 2 frères Bance qui ont préféré continuer à parcourir l'Europe et participer à l'épopée impériale. Quant aux autres : le recensement est muet, aucune trace ; il y a certainement des morts, mais aussi tous ceux qui n'ont pu ou voulu se réinsérer dans la vie du village et sont partis, mais ceux-là l'histoire les a oubliés.

J. RABASSE

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