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René Chapuis (1896-1958) -- Historien de Montmorency

Ainsi qu'il m’en a été prié par la Société d'Histoire de Montmorency, c’est avec joie que je consacrerai quelques lignes à la mémoire de celui qui fut après Julien Ponsin le plus éminent historien de ce village de la banlieue parisienne qu'était Montmorency et que nous aimons tant.

René Chapuis
René Chapuis.

Que fut-il pour moi, au cours des dernières années de sa trop courte existence ? Plus qu’un ami, un frère et n’est-ce pas bien joli de penser que ce lien si fort qui nous unissait, tenait à notre désir commun de creuser profond dans l'Histoire de notre bonne ville.

Malheureusement, il nous a quittés prématurément le 13 septembre 1958, à la suite d’une longue et pénible maladie, me laissant ainsi la lourde charge de ce Musée et de tout son rayonnement, que tous deux, et avec la collaboration de tant d’autres amis. nous avions créés, nons sans soucis et peines, jusqu’à l'inauguration triomphale le 8 Juin 1952.

Contrairement à ce que l’on peut penser, René Chapuis n’est pas né à Montmorency. Ce sont les hasards des déplacements familiaux qui ont amené sa famille rue Grétry, dans cette maison, au si beau jardin, devant laquelle je repasse bien souvent. non sans émotion.

Il était donc parisien, et c’est au Collège Chaptal, proche de la Gare Saint-Lazare, alors que sa famille habitait près de la Gare du Nord, qu'il fit ses études secondaires.

C'était encore au temps de ce qu’il est convenu d’appeler «La Belle Époque». alors finissante. et son grand plaisir était d’aller jusqu’à Montmorency pour faire ce que l’on appelait «La Partie à Montmorency», où en descendant du «Refoulons» on pouvait louer un cheval, mulet, et surtout ces joyeux quadrupêdes qu'’étaient nos ânes.

C’est au cours de cette période de ses études à Chaptal que René Chapuis se lia d’une si forte amitié avec M. André Grimaud, cette personnalité régionale qui vous procure encore tant de plaisir lorsqu'on lui rend visite à Enghien.

Ah ! Qu'elle était dure la discipline dans les Collèges à cette époque, mais par contre, avec quel plaisir on donnait libre cours à sa fantaisie, pour faire hors de la classe ces petites folies, lesquelles n'étaient que fort peu méchantes.

Il serait amusant qu’un livre fut écrit un jour, sur toutes ces plaisanteries de jadis ; et pour moi le désir est grand d’en conter au moins une : Lorsqu'il y avait des travaux sur la ligne de chemin de fer, les trains avaient du retard. Pour entrer en classe un billet de retard était obligatoire, signé du Censeur. «Puisqu'il en est ains, dit un jour ce dernier, il vous faut prendre le train avant. Impossible, Mr le Censeur, il n'y a que des trains à vapeur... .» Coût : 3 heures de consigne pour le jeudi suivant !

De ce genre de plaisanteries René Chapuis était friand ; mais tout celà ne l’a pas empêché de faire de brillantes études et d’abord à la Faculté de Droit. Mais bientôt la Guerre de 191-1918 rompt le charme, c’est le moins que l’on puisse dire...

Heureusement, il s’en tire, et c’est alors que Montmorency et la Rue Grétry devinrent le lieu de résidence idéal pour cette famille, et pour notre étudiant déjà tellement épris de Jean Jacques Rousseau et de son œuvre.

Certes, le Quartier Latin est bien loin, mais peu importe. Bientôt la Sorbonne lui ouvre ses portes, et c’est l’École Pratique des Hautes Études --Section Sciences Historiques et Philologiques-- qui le retiendra plusieurs années.

Par chance. il est sous la houlette d’un Maître éminent : Abel Lefranc, et lorsqu'il obtiendra son diplôme, ses deux premiers ouvrages sur Montmorency, qui sont sa thèse, lui seront dédiés, en sincère hommage.

Ces deux livres ont été édités bien après, en 1937, mais ils sont admirablement présentés, avec des illustrations remarquables. Quel dommage qu'ils soient introuvables, ou si rarement en vente chez les bouquinistes de la Rive Gauche.

René Chapuis pouvait-il être l’Historien de Montmorency sans être de la Municipalité, contrai- rement à son lointain prédécesseur Julien Ponsin ? Il crut bien faire en se mettant au service de la Ville. en plus de son énorme labeur de recherches historiques.

Par bonheur sa fortune lui permettait de consacrer le meilleur de son temps à Montmorency. Il faillit même être Maire... Il ne lui manqua qu’une voix ! Tous ses amis s’en félicitèrent, car son œuvre culturelle aurait été fortement perturbée ; surtout au Musée dont il était de longue date le conservateur avant que «le Montlouis» fut inauguré.

Ses ouvrages ? D’abord les deux volumes de sa thèse, dont j’ai parlé, intitulés :

Histoire de la ville de Montmorency depuis ses origines jusqu’à la Révolution(1) .

Trois autres devaient suivre jusqu’à l’achèvement ; mais hélas ! 1939 et ses jours sombres furent vite là.

Le Montlouis duquel nous parlions si souvent, et dont nous rêvions d’entreprendre un jour la restauration, et la mise en valeur historique, n’était qu’une lamentable ruine.

Pendant l’occupation, l’ensemble abandonné par ses propriétaires, était devenu ce que Chapuis, féru de droit, appelait «un bien sans maîtres».

Nous avions prévenu la Préfecture, de telle sorte qu’en cas de vente, il y eût préemption municipale. Avec quel serrement de cœur nous voyions chaque jour s’amonceler davantage déchets et détritus de tous ordres sous ces tilleuls, à jamais célèbres.

1944... Ce sont les combats de la Libération. La Résistance et la Section S.S. de Montmorency se battent jusque dans le jardin Chapuis.

Que va-t-il arriver à ces trésors de documents de la Rue Grétry ?

Enfin, c’est la victoire, et bientôt le Comité du Montlouis et des amis de Jean Jacques Rousseau va naître, puissamment aidé par Roger Dupont, Maire ; ce grand héros de la Résistance, ayant heureusement sauvé sa vie de justesse, contrairement à son collègue et ami Hippolyte Pinaud, d’Enghien, fusillé par les Allemands.

Avec René Chapuis nous sommes allés demander à Édouard Herriot de nous apporter son appui, et de vouloir bien assumer la Présidence du Comité du Montlouis. Il accepta bien volon- tiers ; mais en nous souhaitant bonne chance, il ajouta : «Malheureusement il y a en France bien d'autres ruines plus urgentes que celles de la Maison de Rousseau».

L'activité du Comité n’en demeura pas moins fort intense, et de toutes parts les membres du Conseil prodiguèrent leurs efforts pour faire aboutir l’ouvrage. René Chapuis n’hésite d’ailleurs pas à continuer à écrire, et c’est en 1955, donc bien après l’inauguration, qu’il publie enfin un nouveau volume ; mais sous une forme très différente des deux précédents.

Il l’intitule :

«Montmorency au coeur de l’Histoire» (2)

C’est un succès complet, et en quelques mois tout est épuisé. C’est alors que tout Montmorency peut savoir, ainsi que le précise la sous-couverture du livre, qu’il est membre de la Commission des Antiquités et des Arts de Seine et Oise.

De plus, à ma grande joie, le troisième volume de l’édition originale est mon bien : les 2 premiers étant pour ses deux filles. «À Charles Rowe ce livre est dédié ; au meilleur des amis, le meilleur de moi-même». N'est-ce pas touchant ?

Mais avant celà, que d’heures glorieuses n’a-t-il pas connues avec la création et l’inauguration du Musée le 8 Juin 1952 ; et ce serait trop long de préciser ici tout ce que nous devons à René Chapuis, qui sut en ce grand jour, malgré sa sensibilité frémissante, garder un calme remarqua- ble, alors que tant de fois je l’ai vu vaciller lorsqu'il était en vedette, notamment le jour où il fut fait Chevalier de la Légion d'Honneur.

Pour terminer je voudrais conter une petite histoire qui lui est arrivée à Genève en 1949 alors que nous étions envoyés tous les deux en mission auprès de la Haute Administration de là-bas, pour essayer d’obtenir une aide financière, afin de mener à bien le sauvetage du Montlouis.

La réception eut lieu à l’Hôtel de Ville avec tout le cérémonial qu’aiment tant les Suisses, lors- qu’il s’agit des moments officiels de la visite.

René Chapuis avait préparé de longue date son papier où le «Citoyen de Genève» était honoré au maximum. Il devait le lire au pied du Président du Conseil Administratif ; ce dernier debout dans la tribune, avec de part et d’autre un huissier en habit, avec la chaine d’argent.

Après les quelques mots d’accueil et de bienvenue Chapuis est invité à prendre la parole. Il était si troublé qu’il ne trouvait plus son papier, et les larmes lui vinrent aux yeux. On imagine la scène...

Connaissant Genève et ses hautes personnalités de longue date, alors que lui y était pour la première fois, j’ai pu improviser une courte introduction, évoquant la réception faite aux Autorités Genevoises, par Aristide Briand le 27 Octobre 1907, lors de l’inauguration de notre première statue Rousseau où j'étais avec mes parents.

René Chapuis eut ainsi le temps de retrouver un peu de calme, et tout alla bien jusqu’au grand déjeuner à la «Perle du Lac» au bord du Léman.

On connait la suite... Cher René ! Que de témoignages de reconnaissance ne m’a-t-il pas manifestés par la suite...

Charles Rowe

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