Bandeau de navigation
aa-accueil bulletin publications conferences expositions sorties autres

Une promenade historique en forêt de Montmorency
Samedi 14 Octobre 1989

Nous étions une soixantaine, ce samedi d'automne, à marcher en forêt de Montmorency, à la découverte du château de la chasse, puis de la fontaine Sainte Radegonde et du cimetière de Bosc, nous dirigeant ensuite en voitures vers Saint-Prix pour la visite de l'église, puis du petit Musée.

Monsieur Ducoeur, responsable de la section d'Ermont des Jeunesses Préhistoriques et Géoloniques de France, nous assura une visite guidée passionnante de ces sites, qu'il fit revivre pour nous, et à qui nous laissons maintenant la parole.

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Le château de la Chasse

Historique du château

Une charte du XIIe siècle, nous livre une graphie «la chace», conforme à l'évolution du mot «cassanos», nom d'origine gauloise signifiant «le chêne».

Il faut attendre 1207 pour voir Mathieu de Montmorency, connétable de France, le choisir pour y donner une fête à l'occasion de l'investiture des fiefs de Bouffémont et de Bois Tirel. Le Connétable chargé par Philippe Auguste de le représenter à cette cérémonie reçut le serment du nouveau feudataire, en présence du Comte de Beaumont et de Simon de Montfort (il faut noter l'importance du Comté de Beaumont dès le Xe siècle).

Le groupe au château de la Chasse
Le groupe au château de la Chasse.

En 1392, Jacques, baron de Montmorency, éleva dans le parc du château de la Chasse, deux tuileries et un hôtel pour sa mère, la dame de Villiers : ces constructions furent brûlées en 1429 par les anglais, qui pillèrent le couvent du Bois Saint-Père.

Le château de la Chasse fut la demeure habituelle des fils que le baron Jean de Montmorency avait eus de son mariage avec la demoiselle de Fosseux : l'aîné Jean, Seigneur de Nivelle reçut St Leu, St Prix, le Plessis-Bouchard, le second, Louis eut pour apanage la baronnie de Fosseux dont il prit le nom. Jean de Nivelle avait assisté à la rédaction du testament paternel dans lequel il s'était fait reverser la plus belle part. Son frère cadet, furieux de cette trahison, s'enfuit au château de la chasse qu'il livra à l'orgie. Le père indigné demanda à l'aîné de revenir au château et sur son refus, le traita de chien ; c'est de là qu'est né le proverbe : «Ce chien de Jean de Nivelle, qui s'enfuit quand on l'appelle».

Plusieurs rois furent reçus au château de la chasse au XIVe et XVe siècles : Louis X le Hutin, Philippe VI, Jean le Bon, Charles V, et le plus Ilustre, Louis XI.

Au XVIe siècle, le château de la chasse fut délaissé par les Montmorency, au profit du château d'Écouen, demeure plus luxueuse que le vieux fort féodal.

À la fin de l'Ancien Régime, un petit ruisseau, le «rû du nid d'aigle», traversant l'étang du château, séparait Bouffémont et St Prix, qui voulaient toutes deux avoir la prédominance sur le château. Son implantation au point de jonction de plusieurs terroirs, s'est traduite par l'accaparement successif du site par les territoires de Domont d'abord, puis de Bouifémont et enfin de Saint Prix.

Le fils du Grand Condé qui y fit plusieurs séjours, y fit faire quelques réparations.

Vers 1900, un moderne logis de garde s'était blotti entre les quatre vieilles tours décapitées depuis le XVIIIe siècle. Après avoir été complètement déserté pendant quelques années, le château fut restauré par l'Office National des Forêts en 1979-1980 : il est devenu un centre écologique d'étude de la flore et de la faune en milieu forestier.

Description du bâtiment

C'est un bâtiment carré de 12 m de côté, avec aux angles, des tours rondes de 6 m de diamètre, restes d'une influence anglaise.

Le côté nord est le plus intéressant sur le plan architectural : au XIIe siècle, l'éclairage des tours d'angle ne fut réalisé qu'au travers de meurtrières, puis au XIIIe siècle, on commença à ouvrir des fenestrelles. Le seigneur habitait toujours à l'étage, la salle de garde, étant au dessous.

Dès le XVIIe et le XVIIIe siècle, on a ouvert des fenêtres, jusqu'au XIXe siècle.

Du fait de sa situation, dans un fond de vallée, le château dut se protéger par des douves.

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

La fontaine et le prieuré de Sainte Radegonde

Ce prieuré, dont le nom exact était Notre-Dame de Bois Saint-Père, dépendait de l'abbaye St Victor de Paris : plus connu sous le nom de Sainte Radegonde, sa dédicace à cette sainte semble correspondre à la dévotion particulière qui lui était vouée depuis le XVe siècle.

Le roi Louis VI a voué à l'abbaye St Victor de Paris, une affection toute particulière, suivi en celà, par les illustres personnages de sa cour, tel Mathieu 1er de Montmorency.

Ainsi, en 1135, Mathieu 1er donna aux victorins, l'église du Bois St Père et dota le nouveau Prieuré d'un revenu annuel de 100 sous : son intention était de créer, à l'usage de sa famille, un sanctuaire personnel, desservi par les chanoines, mais ce prieuré ne reçut pas de sépulture des Montmorency.

En 1185, BOUCHARD V obtint le retour des moines qui étaient partis du Prieuré.

Grâce aux donations dont il fut l'objet, le Prieuré toucha des rentes en espèces et en nature. Sa situation au cœur de la forêt le prédisposait à une activité forestière, mais les victorins furent limités dans leur volonté d'expansion par les seigneurs de Montmorency qui tenaient à y conserver usage et garenne. lls se rabattirent sur la culture traditionnelle de la région, la vigne.

Peu de documents font état de ce Prieuré pendant le XIVe siècle. En 1352, il jouit d'un revenu de 100 livres parisis. En 1358, victime de la mortalité due à la peste noire, le Prieuré fut réduit à un seul chanoine, qui s'installa à St Prix.

D'après un procès-verbal daté de 1523, la maison prieurale consistait en un corps de logis, grange, étable, jardin et dépendances et les bois taillis contenant 100 arpents, sont baïllés à des bûcherons et marchands de bois durant le XVIe siècle, et à des gardes de la forêt de Montmorency, à partir de 1613. A la suite de l'abandon du Prieuré forestier, un local de remplacement était nécessaire.

La donation effectuée en 1523, par messire Jean le Baron, prêtre à St Prix, d'une maison, cour, jardin, cave, sise à St Prix, devant l'église, va régler le problème. Les prieurs successifs achetèrent plusieurs parcelles de jardins autour de ce qui était devenu dès 1529, l'hôtel du Prieur.

La Révolution balaya le dernier prieur, ainsi que les riches archives du Prieuré (à Paris. la grande abbaye des victorins fut alors détruite).

Au bois St. Père, le Prieuré fut remplacé par une ferme de style régional avec bâtiment d'habitation et grange, dont on peut encore voir des restes dans la forêt.

En forêt, nous trouvons, le «chemin de la messe», souvenir du pélerinage effectué chaque lundi de Pâques à la Fontaine du Prieuré, connue alors pour guérir la gale, les écrouelles et la stérilité. Dès le XVe siècle, des sites comme St Prix attiraient une telle affluence de pélerins qu'il fallut construire de nombreuses auberges et hôtelleries.

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Le cimetière de Bosc

Bosc, né en 1759, était originaire d'une famille protestante cévenole, adolescent il manifestait déjà un goût important pour les sciences de la nature et fréquentait le Jardin Royal des Plantes et c'est en suivant les cours de Jussieu, en 1780, qu'il rencontra Mme Roland. Il figure parmi les disciples de Linné et fit, entre autres, une étude sur les araignées, qui ne fut jamais publiée et se trouve au Muséum d'Histoire Naturelle.

L'entrée de Bosc en politique se fait dès 1789 : engagé parmi les patriotes, il ne pouvait pas ne pas appartenir à la Société des Jacobins. Il y cotoie Robespierre, Danton, et y fait entrer son ami Roland.

Déjà employé des Postes, dont il franchit tous les échelons, Bosc fut nommé en 1792, administrateur des Postes, par son ami Roland, alors ministre de l'Intérieur.

Ce fut au cours d'une excursion botanique avec ses condisciples du Jardin du Roi, que Bosc découvrit St Prix et la forêt de Montmorency, riche en plantes et fleurs, et ce fut le 14 février 1792, que la vente des biens du clergé permit à Bosc d'acquérir au nom de son ami Bancal des Issarts, le Prieuré de Sainte Radegonde.

Le 31 Mai 1793, Bosc parvint à échapper à la prison qui menaçait tous les Girondins : Roland le rejoignit ; ils trouveront ensemble un asile sûr à l'ermitage Sainte Radegonde.

Larevelliere, un des hôtes de Bosc, écrit : «nous vivions de très peu de pain, de quelques pommes de terre, de limaçons et d'un peu de lait». Roland s'installa quelques jours à l'ermitage, mais il ne pourra y rester : sa femme est incarcérée. Bosc, au péril de sa vie, soutient avec courage son amie qui sera guillotinée le 8 novembre 1793. Roland se donnera la mort avec une canne-épée. Madame Roland avait écrit ses mémoires en prison. Bosc qui en était dépositaire, après les avoir cachées dans le Prieuré, les publiera 2 ans plus tard.

Il s'occupera de la fille unique des Roland, Eudora et deviendra son tuteur.

En 1800, Bosc perd sa fille et la fait enterrer à Sainte Radegonde. En 1806, il obtient l'inspection des Pépinières et l'enseignement de la zoologie à l'Académie des Sciences, puis en 1825, l'Enseignement de la Culture au jardin des Plantes.

Bancal gardera l'ermitage de Sainte Radegonde jusqu'à sa mort en 1826. Le 5 juillet 1828 la propriété sera vendue par les héritiers de BANCAL au Prince de CONDÉ, cinq jours après Bosc mourait à son tour et il reposera aux côtés de sa fille, dans ce lieu retiré de la forêt auquel il tenait tant et où devaient l'y rejoindre sa femme, ses enfants et ses proches.

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Saint Prix

Ce village portait autrefois le nom de Tour : il changea de nom lorsque Jen de Tour, seigneur du lieu et trésorier du Temple à Paris, donna à l'église vers 1271, les reliques de Saint Prix, évêque de Clermont, assassiné en 674. Tour devint St Prix au XVIe siècle.

La vogue de ce pélerinage s'accrut surtout au XVe siècle : le nom de Saint Prix, donné au sanctuaire fut ainsi étendu à toute la paroisse. Les reliques de ce saint furent un but de processions important pour les habitants de Paris, le premier dimanche après le 10 juillet.

Vers 1085, Geoffroy de Montmorency, donna cette église à l'abbé Gautier de Pontoise, pour y fonder le Prieuré de Tour : ce Prieuré ou Prieuré Noir fut appelé ainsi car les moines bénédictins portaient la robe noire, par opposition au Prieuré Blanc (qui se trouvait en face), occupé par les moines victorins à la robe blanche (vequs s'installer à St Prix au XVIe siècle, quand ils quittèrent le Bois St Père).

Autour de l'église, de nombreuses hôtelleries se contruisirent à partir du XVe siècle, pour accueillir les pélerins ; celles du XVIIe siècle sont encore visibles.

L'Église

Des motifs architecturaux se trouvant à la base du clocher permettent de dater l'église du XIe siècle. L'église a subi de nombreux remaniements au cours des siècles : au XIe siècle, elle devait avoir un plan en croix latine avec nef de 3 ou 4 travées, sans bas-côté ; au nord du transept, s'accrochait le bâtiment rectangulaire du Prieuré Noir, construit au XIe siècle également. L'église porte la trace de divers remaniements faits au XVIe siècle, de cette époque datent le collatéral méridional, la porte renaissance de la sacristie, 2 colonnes adossées aux piliers du clocher, des panneaux sculptés et des pinacles de la chapelle de St Prix, ainsi que la surélévation du chœur.

Le groupe à Saint-Prix
Le groupe à Saint-Prix.

L'abbé Lebeuf a vu à St Prix, deux verrières représentant Guillaume de Montmorency et son épouse Anne Pot, datées de 1603 : il dut aider les travaux de l'église, lors de son agrandissement nécessité par l'afflux des pélerins.

Au XVIIIe siècle, on suréleva la toiture, qui masque depuis, la patrie méridionale du chœur et la base du clocher.

Dès 1820, l'église souffrait de délabrements dus aux eaux d'infiltration, on supprima un bas-côté au midi, en bouchant une travée et un porche sur la rue. Le porche fut refait en 1896 par Lucien Magne, architecte.

En 1977, lors de la restauration de l'église, il apparut une ouverture murée dans le mur nord de la première travée du chœur, des sondages archéologiques furent alors entrepris par la J.P.G.F. après accord des Bâtiments de France et des Antiquités Historiques. Ces sondages permirent de dater précisément les fondations du chœur du XIIème siècle.

Le Prieuré Noir avait été détruit vers 1840, mais les fouilles archéologiques, qui furent faites en 1980-1981, par la J.P.G.F. (Ermont) à l’emplacement du Prieuré Noir ont permis :

Le fond de cette fosse fut atteint à 5,15 m de profondeur. Était-ce un puits à eau inachevé transformé par la suite en fosse silo pour le stockage des céréales ? Cette fosse présente la caractéristique d’avoir conservé en place une cloison en plâtre, gardant l'empreinte d’un clayonnage vertical en bois.

Le Musée

Les objets découverts au cours des fouilles du Prieuré Noir et du presbytère, ont été présentés dans ce Musée.

Dans la cave médiévale de 3 étages (XIIe siètle) construite à la limite de la nappe phréatique, on a trouvé un escalier primitif en pierre et un autre en plâtre et bois. Il y avait de nombreuses céramiques des XVIIIe et XIXe siècles dans le niveau supérieur, et médiévales dans le niveau inférieur.

D'autre part, dans une latrine, utilisée au XVIe siècle et obturée à la fin du XVIIe siècle, on a trouvé 30 coquemarts, des vases médiévaux, de nombreux restes de verreries des XVIe et XVIIe siècles, en bon état de conservation car en milieu humide, ils sembleraient avoir été fabriqués sur place, en forêt de Montmorency.

On trouva dans cette fosse : un vinaigrier. une pierre à aiguiser en grès, provenant du Prieuré Noir, une petite tête humaine, de grandes jarres du XIIe siècle pour stocker des grains et des liquides (découverte assez rare), de grands mortiers, un réchauffoir du XVIIe siècle avec têtes d'animaux, des vases à glacure verte, des céramiques du beauvaisis, un plat à barbe. des saloirs. une crèche du XIXe siècle en plâtre peint polychrome. retrouvée dans la cave du presbytère.

On peut voir aussi dans ce musée des dentelles de St Prix. car ici comme à Gonesse, Montmorency. Argenteuil. on faisait beaucoup de dentelles. autrefois.

C'est ainsi que prit fin cette après-midi très enrichissante, qui nous fit découvrir si près de Montmorency les vestiges d'un passé encore vivant dans les pierres et les objets qui sont parvenus jusqu'à nous : M. Ducoeur, nous communiqua sa passion d'archéologie et désormais, ces lieux qui restaient mystérieux, nous sont devenus plus familiers et plus évocateurs.

Élisabeth Pochon

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Valid XHTML 1.0 Strict Dernière mise à jour le 16/12/2022 à 22:26./.
© 2016-2024 Société d'Histoire de Montmorency et de sa région.