La carriere d'Anne de Montmorency a partir de ses armes, sceaux et devises

À chaque étape, changement de nom, nomination à un office, réception dans un ordre de chevalerie, titre, Anne de Montmorency a modifié ses armoiries, ce qui nous permet de suivre les étapes de sa carrière : d'un simple cadet de famille devenu un puissant duc et pair du royaume.

De 1510 à 1522 le sire de la Rochepot, cadet des Montmorency, est avant tout un militaire, présent à Ravenne (1512), à Marignan (1515) et à Mézières (1521) et responsable depuis 1520 de 15 lances. Il occupe également un office à la cour : de simple gentilhomme (ils sont 68), il devint en 1520 premier gentilhomme de la chambre du roi.

Ses armes sont écartelées : aux 1 et 4 : à la fasce d'azur ; aux 2 et 3 : échiqueté d'argent et de sable à 2 badelaires d'or mis en fasce l'un sur l'autre (1). Il s'agit là des armes des Pot que Rainier Pot (1362 - 1432) choisit pour rappeler sa condition de cadet, de briser les armes que la légende arthurienne, alors fort en vogue, attribuait à Palamède, l'un des chevaliers de la Table Ronde.

Les armes qui figurent sur les reliures de ses nombreux ouvrages, dont celui-ci, édité en 1533, nous indiquent le chemin parcouru :

• ce sont les alérions des Montmorency car Anne est depuis 1522, l'héritier du nom et du fief ;
• le collier de l'ordre de Saint-Michel qui entoure l'écu indique son entrée dans l'ordre, cette même année ;
• la couronne de baron qui surmonte le tout rappelle que, par son mariage, il est devenu baron de Monbéron (1527) ;
• le bâton fleurdelysé, symbole de l'autorité qu'exercent au nom du roi les maréchaux de France, signifie que depuis 1522, Anne est l'un des 4 responsables de l'armée royale ;
• la devise, enfin, qu'il s'est choisie «In mandatis tuis supersperavi» traduite librement «toujours à vos ordres» résume bien l'idée qu'il se fait de sa fonction.

Ne figurent pas sur ces armoiries le bâton de «Grand Maître de France», (2) charge que lui a confiée en 1526, François 1er qui, cette même année, le faisait entrer en sont conseil et le nommait gouverneur du Languedoc (3).

Est également absent l'ordre de la Jarretière, qu'il a pourtant reçu en 1532 quand cet honneur lui a été accordé par Henri VIII en considération de son activité diplomatique.

Une nouvelle étape est franchie en 1538 : François 1er le nomme Connétable, c'est-à-dire chef des armées royales. Cette fonction, inamovible, lui permet de se tenir dans à la droite du souverain toutes les cérémonies (le chancelier se tenant à sa gauche) et de porter, lors du sacre et dans les cortèges solennels, l'épée royale nue.

Devenu grâce à la faveur royale l'un des plus puissants personnages du royaume, Anne de Montmorency a de nombreux ennemis et les intrigues de cour vont, une première fois en 1539, presque réussir à le faire tomber. Ce n'est pourtant qu'en 1541, que l'action conjointe de Marguerite de Navarre, soeur du roi, de la duchesse d'Etampes, sa maîtresse et de l'amiral Brion qui l'accuse de manquer de fermeté face à Charles Quint, parviendra à décider le roi à se séparer de lui.

C'est la disgrâce ; il perd toutes ses attributions civiles et le gouvernement du Languedoc mais garde son titre de Connétable sans, toutefois, en remplir les fonctions. Il profite de ce répit forcé pour achever les travaux entrepris à Écouen, à Fère, à Compiègne et dans son hôtel parisien. C'est alors que sont apposées partout: sur les vitraux, les reliures, les boiseries et même sur le carrelage, ses armes accompagnées de la devise de sa famille aplanos et du dextrochère.

Le dextrochère, signe distinctif de la connétablie, consiste en une main droite, avec ou sans gantelet, tenant une épée nue, la pointe dressée, avec un fourreau et un baudrier fleurdelysé. Le Connétable y ajoute la devise des Montmorency : Aplanos ; parfois aussi une devise plus personnelle.

La roue tourne, la chance revient avec l'avènement d'Henri II en 1547. Le Connétable rentre en grâce et retrouve toutes ses attributions : le voici à nouveau Grand Maître et gouverneur du Languedoc, il rentre au conseil du roi mais avec désormais le titre de Chef du Conseil ; il commande l'armée et reçoit la garde de 4 châteaux-forts. Sur la reliure de 1549, représentée ici, sont regroupés tous les éléments de sa puissance.

Les armes des Montmorency, entourées du collier de l'ordre et surmontées du tortil de baron, sont encadrées: à droite du bâton de Grand Maître avec la devise «In mandatis tuis supersperavi», a droite de l'épée de connétable dans son fourreau fleudelysé tandis que le baudrier porte une nouvelle devise : «Ultor iniquitatum gladius» soit le glaive vengeur des injustices. Au dessous, dans une cartouche, est inscrit Aplanos.

Le Connétable semble alors au faîte de sa carrière. Henri II accomplira pourtant, en sa faveur, un geste sans précédent : il va, en 1551, faire de ce simple gentilhomme un duc et surtout le nommer Pair de France, à titre héréditaire (la tradition veut qu'il n'y ait que 12 pairs et certains ducs célèbres n'ont pas la pairie!) Cet honneur insigne est immédiatement inscrit dans l'iconographie Montmorencéenne : la couronne ducale remplace le tortil de baron sur toutes les armes y compris aux clés de voûte des églises qu'il fait restaurer.

Aucun élément nouveau ne viendra par la suite modifier les armes que le Connétable, premier duc de Montmorency, transmettra à ses héritiers.

Jacqueline Rabasse

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