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Anne de Montmorency, sire de la Rochepot :
un cadet, au destin, semble-t-il, trace d'avance

Le 15 mars 1493, naît à Chantilly le troisième enfant de Guillaume, baron de Montmorency et d'Anne Pot, sa femme. Ce fils est, dans les jours qui suivent, baptisé et prénommé Anne ; pourquoi ce prénom féminin ? Pour rappeler celui de sa mère ? non. C'est en fait celui de sa marraine : la reine de France Anne de Bretagne, femme de Charles VIII.

Les origines du Baron

Avoir une reine de France pour marraine étant un honneur plutôt rare, précisons, le milieu familial du nouveau-né. Présentons tout d'abord le père.

Le baron de Montmorency, alors âgé d'environ 35 ans, appartient à une famille implantée en Île-de-France depuis cinq siècles. Ses aïeux ont, depuis Hugues Capet, toujours servi les rois, à la cour ou à l'armée, et, Guillaume, tout comme eux, est un serviteur zélé de la monarchie. C'est auprès de René d'Anjou, le roi de Sicile, qu'il a fait ses débuts ; il est ensuite passé au service du jeune Charles VIII et, remarqué par le régent Anne de Beaujeu, en est devenu le conseiller et le chambellan. Membre du petit groupe des familiers du roi, il s'est, dans le milieu fermé de la cour, assuré d'utiles alliances. Si nous étudions son contrat de mariage, signé à Paris en juillet 1484, nous trouvons, en effet, parmi les témoins, membres des deux familles concernées, trois autres chambellans et conseillers du roi, un bailli (1) et le capitaine de la bastille Saint-Antoine. Le premier témoin, Pierre D'Orgemont, son oncle maternel, conseiller et chambellan de Charles VII puis de Louis XI, descend d'une ancienne et illustre lignée qui a exercé à la cour, de façon presqu'héréditaire, pourrait-on dire, ces mêmes fonctions. Son bisaïeul Pierre fut, en effet, conseiller de Charles V qui le nomma chancelier de France et du Dauphiné (2) ; tandis que son aïeul, Amaury, devint maître des requêtes de l'Hôtel du roi et conseiller. Son père, enfin, prénommé Pierre lui aussi, servit Charles VI.

Quatre générations au moins ont ainsi vécu à la Cour et y ont connu les sires de Montmorency.

Le second témoin, Guillaume Gouffier, sire de Boisy, fut conseiller et chambellan de Charles VIT et assuma ces mêmes charges auprès de Charles VIII. II a, en secondes noces épousé Philippe, la soeur du baron Guillaume et, des six fils nés de cette union, deux, nous le verrons, feront, comme leur cousin Anne, une brillante carrière.

Gui POT, comte de Saint Pol, bailli de Vermandois, père de l'épouse, est le troisième témoin. D'origine bourguignonne, cette fort ancienne famille, s'est illustrée à Dijon, et en Flandre, au service des «grands ducs d'Occident», ce qui explique que certains de ses membres arborent l'ordre de la Toison d'Or.

Le frère de Gui, Philippe POT (1428 - 1493), qui était sénéchal de Bourgogne, est après le rattachement du duché au royaume de France, en 1478, passé au service de Louis XI puis de Charles VIII. Ce puissant personnage, délégué de la noblesse de Bourgogne aux États Généraux de Blois en 1484, s'est fait élever à Citeaux un tombeau destiné à rappeler l'ancienneté de sa lignée : sur les 8 blasons que portent les pleureurs drapés dans leurs manteaux noirs, sont figurées les armes des Pot et de leurs ancêtres; 4 générations sont ainsi évoquées (3).

Le baron de Coilly, capitaine de la bastille Saint-Antoine, conseiller et chambellan du roi, lui aussi, est le quatrième témoin ; il représente la famille maternelle d'Anne Pot dont il est l'oncle par alliance. Nous retrouvons là une autre grande maison d'Île-de-France, celle des Villiers de l'Isle-Adam dont l'ancienneté et la notoriété ne sont pas moindres.

Le trisaïeul Pierre qui fut,sous Charles V, Grand Maître de France, a servi le Roi en même temps que Pierre d'Orgemont et Charles de Montmorency ; quant au bisaïeul Jean (1384 - 1437) il fut, pendant la guerre de Cent ans au service des bourguignons et reçut la toison d'or ; les alliances ayant changé, il reprit Paris aux anglais pour le compte de Charles VI, qui le nomma Maréchal de France. Plus tard, l'aïeul, Jacques, assuma les fonctions de sénéchal du Boulonnais et de garde de la prévôté de Paris tandis que l'un de ses frères, Jean de Villiers, était grand maître de l'ordre de Saint Jean de Jérusalem (4).

Les Villiers, comme les Montmorency, sont d'illustres familles du Pays de France ; les deux maisons ont déjà été unies puisque la bisaïeule du baron Guillaume, la femme de Charles de Montmorency, se nommait Perenelle de Villiers.

Un nom célèbre, des aïeux connus, mais des revenus en baisse, telle est, en cette fin du XVe siècle, la situation de ces familles qui ne parviennent à maintenir leur rang que grâce à la faveur royale. Leur fortune, essentiellement foncière, a été gravement touchée par la guerre de Cent ans : elles ont dû faire face aux dévastations et aux pillages provoqués par les combats et le passage des troupes et, en outre, assumé parfois le paiement de lourdes rançons, alors que la forte mortalité générait une baisse sensible des cens et autres rentes seigneuriales perçues sur des terres mal entretenues et dépeuplées. Tandis que l'économie monétaire se développe, que l'argent devient indispensable et que la restauration de l'économie n'est pas encore achevée, comment ces propriétaires fonciers peuvent-ils assurer le maintien du patrimoine à transmettre à l'aîné, tout en couvrant les dépenses que nécessitent l'achat d'armures de plus en plus onéreuses, la vie à la cour et les dots de leurs filles ? La noblesse française est sortie appauvrie de la guerre ; 30 ans après, elle connaît encore de sérieuses difficultés.

À ces conditions générales s'ajoutent, pour le baron Guillaume, des circonstances particulières. Reconnu unique héritier du fief quand, en 1472, son père a déshérité ses deux frères aînés, il a dû en 1483, indemniser les héritiers de Louis de Fosseux et doit, maintenant, en application de l'arrêt du Parlement de 1492, restituer aux descendants de Jean de Nivelle le quart des biens familiaux, notamment Écouen, Conflans, Plessis-Bouchard et l'hôtel que les Montmorency possèdent à Paris, rue du temple. Heureusement pour lui, la même année, Pierre d'Orgemont, son oncle, décédé sans postérité, lui a légué Chantilly, Marines, Méry et l'hôtel d'Orgemont, plus récent et mieux situé car il se trouve rue Saint-Antoine, près du palais des Tournelles où séjourne le roi. Le patrimoine familial ne sera donc pas trop écorné, d'autant que s'y ajoute la dot apportée par Anne Pot : à savoir la terre de Damville, dans l'Eure, que lors du mariage de sa fille Philippe avec Guillaume Gouffier, Jean de Montmorency a dû vendre pour verser les 8000 écus de la dot.

Après avoir changé de mains plusieurs fois, la seigneurie, entrée en possession de Gui Pot, a constitué la dot de sa fille et la terre que Philippe le Bel avait donnée à Mathieu IV en 1285, a ainsi fait retour aux Montmorency. La jeune épouse a également apporté des «espérances» : son frère René n'a pas d'héritier et les terres patrimoniales des Pot, sises en Bourgogne (La Rochepot, Nolay, Thoré etc.) lui reviendront bientôt.

Des alliances, la protection royale, une fortune moyenne mais stable, voilà ce que Guillaume et Anne de Montmorency peuvent offrir à leurs enfants dont le nombre augmente rapidement car, à Jean, Louise et Anne se joindront bientôt deux autres fils: Philippe et François et deux filles : Anne et Marie. Quel avenir attend ces enfants d'une famille ancienne, certes, mais de moyenne noblesse et de fortune médiocre ? L'aîné héritera du fief et du nom; le cadet, comme c'est habituellement le cas, recevra les terres du côté maternel et portera le nom de l'une d'elles ; les autres fils, c'est aussi la coutume, seront casés dans l'église. Quant aux filles, tout dépendra de l'importance des dots à verser, mais, l'une au moins, entrera au couvent.

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Enfance, adolescence et débuts dans l'armée du sire de la Rochepot

Tandis que son père poursuit sa carrière (il accompagne Charles VIII en Italie, devient le conseiller et le chambellan de Louis XII puis reçoit la garde du château de Saint Germain en Laye et de la bastille saint Antoine), le jeune Anne vit avec ses frères et sœurs à Écouen et à Chantilly.

Quelle instruction a-t-il reçue ? Nous l'ignorons mais elle devait se limiter aux rudiments jugés indispensables à un futur militaire ; favorisant davantage le développement physique qu'intellectuel : jeux de plein air, chevauchées en forêt et maniement des armes ont dû occuper la majeure partie de son temps. C'est alors qu'il acquiert la résistance physique qui lui permettra de supporter pendant plus d'un demi siècle les fatigues de la vie militaire et de chevaucher encore à 74 ans à la tête de l'armée royale.

Plus tard, lors des guerres de religion, l'ancrera dans le camp des catholiques convaincus dont il sera l'un des piliers.

À 10 ans, survient le premier des événements qui va modifier son banal destin de cadet ; le jeune garçon plein de vie mais à peine dégrossi et dont rien ne laisse prévoir la gloire future, va quitter le milieufamilial simple et rustique pour un autre plus raffiné.

Le gouverneur du dauphin (le duc d'Angoulême : François né en 1494), s'est attiré la vindicte de la reine Anne de Bretagne qui, en 1504, obtient enfin son départ. Le poste du maréchal de Gié est alors confié à un bon serviteur du roi, un bon soldat aussi : Artus Gouffier, sire de Boisy, l'aîné des neveux du baron Guillaume. Pour compléter le cercle des compagnons de jeux et d'études du futur souverain, le nouveau gouverneur fait appel à son jeune frère Guillaume et à son cousin Anne qui se rendent à Amboise pour être «élevés et nourris» comme «enfants d'honneur» du dauphin ; ils y trouvent Robert de la Marck et Philippe de Brion, déjà présents, avec lesquels ils vont constituer le petit groupe des intimes du futur monarque.

Dans ses Mémoires, Robert de la Marck nous décrit leurs occupations :

«... ledit seigneur d'Angoulême et Montmorenci jouaient à la grosse boule contre le jeune adventureux (5) et Brion, qui est un jeu d'Italie. et se joue avec un bracelet d'estain bien feultreux avec des corroyes de cuir et s'étend depuis le coude jusques au bout du poing, avec une poignée d'estain qui se tient dans la main...» en outre, ces jeunes «passaient le temps à tirer à l'arc. laschaient rets et toutes manières de harnais pour prendre les cerfs et les bêtes sauvages..»et «...faisaient de petits châteaux ou bastillons et les assaillaient tous armés pour les prendre et deffendre à coups d'épée».

Ces enfants «d'honneur» partagent, nous le voyons, les activités sportives que goûte particulièrement le jeune François : ils l'accompagnent à la chasse, lui servent de partenaires au jeu de paume, sport alors fort en vogue, qu'ils pratiquent sur le terrain que Charles VIII avait aménagé à Amboise et se préparent à ce qui sera leur tâche : la guerre.

Ils reçoivent aussi l'éducation indispensable au futur monarque et à ses courtisans : il leur faut apprendre «les belles manières», savoir danser, tourner un compliment, s'initier à l'art de la poésie et à la musique. Partagent-ils ses études ? Rien n'est moins sûr. C'est que Louise de Savoie, duchesse d'Angoulême, femme cultivée, parlant l'italien et l'espagnol, veut que ses enfants François et sa soeur Marguerite reçoivent une solide instruction. Les précepteurs qu'elle leur a choisis, François de Rochefort et Robert Hurault, sont d'excellents latinistes, des humanistes convaincus, fervents admirateurs de la culture antique et de la Renaissance italienne. Dans la bibliothèque bien fournie, de nombreux ouvrages, dont certains récemment apportés d'Italie, sont accessibles ; mais c'est Marguerite plus que son frère, qui vient y puiser, découvrant non seulement les poèmes de son grand oncle Charles d'Orléans mais surtout les sonnets de Pétrarque qu'elle lit dans le texte. Ainsi s'initie à la poésie celle qui, plus tard devenue reine de Navarre imitera Pétrarque et Bocasse et sera appelée «la dixième muse».

Les jeunes commensaux sont, sans doute possible, incapables de suivre ces études. Ils ne peuvent qu'être durablement marqués par ce climat de curiosité intellectuelle et d'ouverture à l'art, à la poésie et à la musique venus d'outre-mont, qui caractérise la petite cour d'Amboise.

C'est là, dans ce milieu raffiné, que le fils du baron de Montmorency acquiert le goût des constructions harmonieuses, des belles reliures et des oeuvres d'art créées à Florence et à Rome dont, devenu comme le Roi, riche mécène et amateur éclairé, il ornera ses châteaux d'Écouen, Chantilly, La Fère et son hôtel parisien de la rue sainte Avoye.

Anne de Montmorency jeune d'après Clouet.

Il y découvre aussi la grandeur de la fonction royale. Dans le climat d'adulation que Louise de Savoie développe autour de celui qu'elle appellera «mon César», Anne ressent physiquement la puissance et la majesté de la monarchie et acquiert ce qui, confortant en quelque sorte la tradition familiale, sera tout au long de sa vie, sa principale motivation: la fidélité inconditionnelle au souverain régnant.

Filleul d'une reine, compagnon du futur roi, le sire de la Rochepot a quelques atouts ; mais, en 1510, quand il fait ses débuts dans l'armée, de même que Floranges et Brion, ce n'est encore qu'un cadet qui doit surtout compter sur lui-même pour s'assurer «une place au soleil».

Ayant hérité de sa mère, (Anne Pot meurt en 1510), il s'engage à 17 ans dans la compagnie de son cousin Artus Gouffier, sans que son père, si l'on en croit Brantôme, ne l'aide beaucoup : «Monsieur de Montmorency... ne lui donna que 500 francs... avec de bonnes armes et de bons chevaux afin qu'il n'eut toutes ses aises... et appris... à faire de nécessité vertu».

L'armée que commande Louis de la Trémoïlle partant en Italie, il découvre le pays dont il a tant entendu parler et combat avec fougue lors de la bataille de Ravenne, dans laquelle périt Gaston de Foix (1512). En 1515, François d'Angoulême devient roi et remporte en septembre la victoire de Marignan. Anne est présent et se bat bien ; le roi en est informé et ne l'oublie pas lorsqu'il accorde à son gouverneur et à ses compagnons de jeu faveurs et charges à la cour. Nommé gentilhomme de la chambre du Roi (6), Anne se voit également confié le commandement d'une compagnie d'hommes d'armes puis la garde de la bastille Saint Denis ; Artus Gouffier, quant à lui, entre au conseil du roi et reçoit la charge de Grand Maître de France, ce qui lui permet d'approcher à tout moment la personne du Roi. (7).

Un parti intéressant que ce protégé du Roi ! Louis de la Trémoïlle, son supérieur, en est convaincu et se montre favorable à une union avec sa nièce Jacqueline. Le contrat, signé en 1517, très avantageux pour ce cadet, assure au sire de la Rochepot, si les La Trémoïlle meurent sans postérité, l'héritage du nom, des armes, des titres et des biens de la famille. Il faudra attendre cependant pour célébrer les noces car le service du roi passe avant tout : à ses fonctions militaires et au service de cour, le Roi vient d'ajouter des responsabilités diplomatiques. Après une première mission en Angleterre où il négocie la restitution de Tournai, il accompagne François 1er lorsque celui-ci, désireux d'attirer le roi d'Angleterre dans une alliance dirigée contre l'Empereur : Charles Quint, reçoit Henri VIII au camp du drap d'or (1520).

Dans les mois suivants, Anne mène de front carrière militaire, diplomatie et service de cour : en 1521, devenu premier gentilhomme de la Chambre, il participe au siège de Mézières où sa fougue et son courage lui valent d'être, dans une chanson écrite pour la circonstance, cité avec d'autres braves :

« On doit bien avoir souvenance
de Bayard, Montmoreau, Boucart
La Rochepot et leur vaillance...
» (8).

Il remplit ensuite une mission diplomatique auprès des cantons suisses. Toujours par monts et par vaux, le sire de la Rochepot, jouit de sa situation bien assise de familier du Roi et, malgré l'insistance des La Trémoïlle, ne semble pas pressé de convoler.

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Devenu l'héritier du fief, le futur baron de Montmorency
cherche et trouve une alliance plus flatteuse.

Le baron Guillaume pouvait, en 1515, regarder l'avenir avec confiance. Une carrière sans problème s'offrait à son fils aîné Jean, sire d'Écouen, déjà échanson de Louis XII et assuré des relations de sa femme Anne de Boulogne, veuve d'un amiral de France ; deux enfants dont un fils étaient nés de cette union, la descendance de la lignée était assurée. Le cadet, Anne, semblait promis à un bel avenir ; Philippe était évêque de Limoges et Louise, veuve de Ferry de Mailly, s'était remariée l'année précédente avec Gaspard de Chatillon et venait d'être nommée dame d'honneur de la reine Claude. De quoi réjouir le baron d'autant que lui-même, pour avoir dirigé les cérémonies qui, après leur mariage, avaient marqué l'entrée solennelle de François d'Angoulême et de Claude de France dans Paris, venait d'entrer au conseil du nouveau roi qui lui avait décerné l'ordre de saint Michel et lui avait confié la garde du donjon de Vincennes.

En quelques années, pourtant, tout est remis en cause : en 1516 décède Jean, bientôt suivi de son fils et de sa fille ; Philippe disparaît à son tour en 1519, il ne reste au baron que deux fils : Anne et François entre lesquels il décide d'effectuer, de son vivant, le partage de ses biens. Il se souvient en effet, des difficultés qu'il a connues avec ses frères et veut éviter que de nouveaux problèmes ne viennent porter atteinte à ce qui subsiste de la baronnie.

Ayant obtenu l'accord de ses filles (nous avons des lettres de Louise qui donne son aval), il fait dresser l'acte officiel du partage que signent, à Poissy, en septembre 1522 : Antoine Du Prat, chancelier de France, Guillaume Gouffier, sire de Bonnivet, amiral de France et gouverneur du Dauphiné, son neveu ; se portent également garants du partage: Charles de Villiers de l'Isle Adam, évêque de Limoges, un cousin et René, Bâtard de Savoie, comte de Tende et de Villars, Grand Maître de France, chevalier de l'ordre et gouverneur de Provence.

Quelles sont donc les dispositions contenues dans cet acte contresigné par tant de grands dignitaires ?

À Anne reviennent le nom et le fief de Montmorency ; la baronnie étant désormais considérée comme un bien indivisible transmis uniquement par primogéniture mâle. À François, échoient les terres venues de la famille Pot et le nom de La Rochepot. Devenu, cette même année, maréchal de France et chevalier de l'ordre de Saint Michel, le futur baron de Montmorency estime, comme son père, que son union avec Jacqueline de La Trémoïlle, avantageuse pour un cadet, ne convient plus à l'héritier bien en cour dont la carrière s'annonce prometteuse. Mais comment rompre l'engagement pris ? Il multiplie les déplacements en France et à l'étranger, va lever des troupes en Suisse, part ensuite combattre en Italie (La Bicoque) et remplit une mission diplomatique à Venise ; l'année suivante, le connétable de Bourbon étant passé au service de Charles Quint, c'est lui qui, sans en avoir le titre, en assume les tâches ; il passe de longues semaines à inspecter les troupes avant de repartir en Italie. L'année 1524 le voit toujours aussi occupé : c'est alors qu'il oblige les Impériaux à lever le siège de Marseille.

Force est à la famille de La Trémoïlle de comprendre que l'alliance projetée n'aura pas lieu.

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Le troisième «coup de pouce» du destin : le désastre de Pavie

Le roi qui combat dans le Milanais a le choix entre les sièges de Lodi ou Pavie. Pour la première solution se prononcent La Trémoïlle et Montmorency car le risque est moins grand ; pour la seconde, penche Guillaume de Bonnivet, l'ami d'enfance qui exerce une grand influence sur le roi et c'est Pavie que François 1er choisit d'attaquer ; choix malheureux car la ville est solidement fortifiée et bien défendue. Le combat, mal engagé, tourne au désastre pour l'armée française : 10&thinsp,000 hommes périssent parmi lesquels La Trémoïlle, le Bâtard de Savoie et Bonnivet, qui, voyant le roi prisonnier s'est jeté sur les lances ennemies.

Outre le roi, sont tombés aux mains des Espagnols, le roi de Navarre, le fils de La Trémoïlle et les compagnons d'enfance Chabot de Brion, Robert de la Marck, Anne de Montmorency : s'y trouvent aussi François de la Rochepot et Clément Marot, le futur poète. Cette catastrophe va se révéler favorable au sire de Montmorency car c'est à lui que le roi confie la délicate mission de négocier sa libération. Muni d'un passeport délivré par Charles Quint, il retourne en France et, ne ménageant pas sa peine, multiplie les démarches auprès de la Régente Louise de Savoie et les entrevues avec les espagnols. L'accord ayant fini par se faire sur le montant de la rançon, les modalités du versement et les clauses du traité de paix, le roi, retenu prisonnier à Madrid, est libéré en 1526. Il tient, dès son retour, à marquer sa satisfaction au négociateur : il le nomme gouverneur du Languedoc et lui confie la charge de Grand Maître: le sire de Montmorency devient ainsi le principal conseiller du souverain et la chance continue à lui sourire car, autre conséquence de ses nombreux entretiens avec Louise de Savoie, il épouse le 10 janvier 1527, à Saint Germain en Laye, en présence du roi et de sa mère, la nièce de celle-ci : Madeleine de Savoie.

Le «beau mariage» qu'il recherchait est devenu réalité, ses espérances sont plus que comblées : outre les liens familiaux, cette union lui apporte en effet la baronnie de Fère en Tardenois, le comté de Beaumont sur Oise, la seigneurie de Compiègne, à quoi le roi ajoute la baronnie de Montbéron en Angoumois et la promesse de 50 000 livres. Une dot royale ! Pour sa part, Anne apporte des «espérances»; l'héritage du baron Guillaume et les terres que lui lègue cette année là, son cousin Charles de Villiers : l'Isle Adam, Nogent, Valmondois, Villiers le Bel etc... (9).

Petit cadet sans avenir, le sire de la Rochepot, est donc devenu en 1527, un puissant personnage dont la chance parait bien insolente aux ennemis qu'il poursuivra grâce à la faveur royale tandis que par une politique systématique d'achats et d'échanges, il reconstituera la baronnie telle qu'elle était avant, les partages auxquels le baron Guillaume a du souscrire. Mais il ne s'en tiendra pas là, il élargira l'assise foncière sur laquelle repose la fortune de sa maison avec une telle opiniâtreté (ou avidité selon certains), qu'il deviendra l'un des plus grands propriétaires du royaume.

Jacqueline Rabasse

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Vitrail d'Anne de Montmorency jeune
Collégiale Saint-Martin-de-Montmorency.

Notes

(1) Le bailli, représentant du roi en province, est jusqu'à François 1er, un agent tout puissant aux attributions multiples. .

(2) Le Dauphiné ne fut rattaché au royaume qu'en 1349 : Charles V fut le premier héritier de la couronne à porter le titre de dauphin.

(3) Ce tombeau, chef-d'oeuvre du Moyen Âge, est visible au Louvre.

(4) Ce fut la première appellation de l'ordre de Malte.

(5) C'est sous ce nom que se présente dans ses "Mémoires", Robert de la Marck, sire de Floranges.

(6) Le service estassuré à tour de rôle par 68 gentilshommes.

(7) Le Grand Maître dirige tous les services de la Maison militaire et de la Maison civile du roi : la Chambre, l'Hôtel, la Paneterie, l'Echansonnerie, la Vènerie, l'Ecurie et l'Aumônerie.

(8) Texte cité dans le livre de B. Bedos - Rezak : Anne de Montmorency.

(9) Il deviendra baron de Montmorency en 1531, et les terres léguées par Charles Villiers lui reviendront à la mort du prélat en 1535.

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