Bandeau de navigation
aa-accueil bulletin publications conferences expositions sorties autres

Le château d'Écouen :
demeure du Connétable en Île-de-France

Depuis l’an mil, au moins, la terre d’Écouen appartenait à la famille des Bouchard de Montmorency : dès le moyen-âge, s’y trouvait un château.

En 1531, à la mort de son père Guillaume, Anne de Montmorency en hérita et entreprit de le reconstruire entièrement : sa disgrâce auprès du roi François Ier en 1540, l’obligeant à une retraite forcée, lui permit de se consacrer à son château d’Écouen. Ainsi, les travaux commencés vers cette date, s’achevèrent vers 1555.

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Anne de Montmorency, homme de la Renaissance à Écouen

Grand mécène, Anne de Montmorency construisit et aménagea de nombreux châteaux (Montmorency, Méru, Gandelu, Offémont, Fère-en Tardenois, Chantilly) : ils sont tous marqués du style de transition entre la première Renaissance et la seconde, la Renaissance classique, décorés à profusion de vitraux, de pavements, de boiseries, de ferronneries. Pour décorer ses demeures, il fit appel aux plus grands artistes de son temps : aux Italiens, comme c'était l’usage à l’époque, mais aussi aux Français. Ainsi, pour la peinture, Le Rosso exécuta pour la chapelle d’Écouen, une piéta, actuellement au Louvre. Ils travaillèrent également pour le Connétable, pour les dessins Jean Clouet, pour les émaux peints Léonard Limosin et Pierre Reymond, qui réalisa le magnifique retable aux scènes de la passion pour la chapelle du château, Bernard Palissy exécuta une grotte dans le parc d’Écouen et Masséot Abaquesne, potier à Rouen, réalisa les pavements du château ; pour l’architecture et la sculpture, participèrent également à la décoration du château, Jean Goujon et Jean Bullant qui mourut en 1578 à Écouen où il est enterré.

Homme de guerre, le Connétable avait fait exécuter des armures et des épées.

Homme de lettres, il se constitua une des plus importantes bibliothèques pour l’époque dans ses châteaux de Chantilly et d’Écouen : ouvrages manuscrits ou imprimés richement reliés à son emblématique. C’est à Domoustier qu’il confia en 1549, l’illustration de son livre d’heures, actuellement à Chantilly.

Le château devait rester dans la famille de Montmorency jusqu’à la révolution : sauvé par la destruction révolutionnaire grâce à l’intervention de l’abbé Grégoire, on procéda en 1793, à l’inventaire des objets se trouvant au château. Ils furent transportés à Versailles, vendus aux enchères ou fondus et plus rien ne resta au château des collections d’objets précieux accumulées par le Connétable. La majeure partie des collections du musée actuel de la Renaissance provient du dépôt des objets du musée de Cluny. C’est pourquoi nous n’évoquerons ici que ce qui subsiste du château du Connétable : le bâtiment et ses sculptures extérieures, la richesse du décor intérieur qui constitue l’un des intérêts majeurs du château. Le pavement exécuté par Masséot Abaquesne, les vitraux, les frises, les plafonds et les douze cheminées peintes, témoignage unique sur la peinture de l’école de Fontainebleau du milieu du XVIe siècle, sont parvenus jusqu’à nous pour évoquer admirablement le décor qu’avait souhaité le Connétable pour sa demeure.

Vue cavalière du château d'Écouen
par Androuet Du Cerceau.
Cliquer l'image pour l'agrandir.

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Le château d’Écouen, château de la Renaissance en Île-de-France

Du château médiéval, le château d’Écouen a gardé certains caractères : les fossés très larges avec leurs échauguettes non plus défensifs mais d’agrément ; les petites tourelles flanquant à l’extérieur chacun des pavillons et le plan même du château, un quadrilatère flanqué de quatre pavillons rectangulaires, en guise de tours médiévales.

L’ordonnance des façades est assez simple, toute la décoration se localisant dans les lucarnes, les cheminées, les portiques. L’évolution du décor permet de suivre l’évolution des travaux : commencés par l’aile ouest, ils se sont continués par l’aile sud et poursuivis par le rez-de-chaussée de l’aile orientale, puis par l’aile nord, pour se terminer par le premier étage de l’aile orientale.

Cette aile orientale, aile d’entrée, malheureusement démolie en 1787, et qu’une gravure d’Androuet du Cerceau nous permet d’imaginer, était l’une des plus belles : au centre se trouvait un portique qui abritait la statue équestre du Connétable.

L’emblématique décorant les différents bâtiments permet de les identifier.

Les emblèmes du roi Henri II, le croissant, le chiffre H, l’arc, la flèche et le carquois signalent les appartements du roi au premier étage de l’aile nord, alors que les emblèmes de Catherine de Médicis, le double K, l’arc-en-ciel et une inscription en grec signalent ceux de la reine, à l’étage inférieur.

Les emblèmes du Connétable permettent de situer ses appartements ainsi que ceux de son épouse dans l’aile sud, à proximité de la chapelle, dans le pavillon sud-est. Dans l’aile sud, se trouvaient également les cuisines, qui n'étaient pas reléguées, comme traditionnellement à partir du XVIe siècle, dans les sous-sols, mais au rez-de-chaussée.

À l’aile sud, côté cour, Anne de Montmorency fit ajouter par Jean Bullant un immense portique afin d’y présenter dans des niches les esclaves de Michel-Ange, que Henri IT venait de lui offrir, surmontées des armoiries du Connétable à gauche, et de sa femme à droite. Ce portique où la renaissance classique déploie toute sa maîtrise devait faire date dans l’évolution de l’architecture.

Le château se trouvait entouré au sud et à l’ouest par une forêt de cent hectares dans laquelle le Connétable devait aimer chasser mais nous ignorons tout de l’aménagement du parc au XVIe siècle : il existait un jeu de paume sur le mur de la terrasse nord, une chapelle au sud et, vraisemblablement une grotte, due à Bernard Palissy.

À l’intérieur du château, il existait à l’origine, un décor de lambris assez important mais qui a entièrement disparu à l’exception de la bibliothèque, où il a pu être remonté, car des éléments importants en avaient été conservés. Un lambris englobait des panneaux de noyer, ornés des différents motifs de l’emblématique du Connétable, alérion, épée, initiales A.M. ou A.D.M. (Anne duc de Montmorency). Ils sont entourés de motifs d’arabesques peints à l’or et inspirés de modèles répandus à l’époque, utilisés également par les céramistes, les ébénistes et les relieurs : ce décor dit «arabique» se retrouve sur certains plats des reliures du Connétable.

Le Connétable avait décidé d’aménager sa bibliothèque au dessus de la chapelle, dans le pavillon sud-est, à l’écart de la vie du château, pour y trouver le calme. Anne de Montmorency avait également suivi avec attention l’aménagement de la chapelle. À l’origine les baies étaient fermées par des vitraux dont deux sont remontés au château de Chantilly, figurant le Connétable et ses fils, Madeleine de Savoie et ses filles : l’un de ces trois vitraux porte la date de 1544, qui marque l’achèvement de la chapelle. Les vitraux, les menuiseries de l’oratoire du Connétable et de sa femme, à proximité de leurs appartements, la tribune des chanteurs étaient en place et la peinture des voûtes achevée : on y reconnaît les armoiries du Connétable et de Madeleine de Savoie, au centre, les différents emblèmes et devises d’Anne de Montmorency, et la salamandre de François Ier, qui n'apparaissait qu’à cet endroit dans le château. Faisant pendant à l’ouest figurent les trois croissants d’Henri II peints après 1547 et remplaçant la devise «Aplanos».

Le rétable de la Passion.
Cliquer l'image pour l'agrandir.

Dès la montée sur le trône d’Henri II, le Connétable voulut modifier l’aspect primitif de la chapelle : il demanda à Jean Bullant d’exécuter un nouveau portail incrusté dans le mur nord. De part et d’autre, deux tableaux de pierre comportaient avant la révolution les armoiries du Connétable et de son épouse, sommées de la couronne ducale.

C’est également Jean Bullant qui réalisa le nouveau maître-autel remonté dans la chapelle du château de Chantilly, la sculpture du soubassement revenant probablement à Jean Goujon. Pour les murs, Evangelista del Saccho de Crémone exécuta un lambris de noyer en 1548, remonté aujourd’hui à Chantilly.

Il subsiste à Écouen trois objets restitués par le Louvre et qui ont retrouvé leur place : La Cène, copie ancienne de la peinture de Léonard de Vinci, sur l’autel, les deux chandeliers de fer, et au dessus, le retable de plaques d’émail, figurant la Passion et les symboles évangélistes, ensemble enchâssé dans un cadre de bois à l’emblématique du Connétable et de son épouse.

Autre élément de décor subsistant à Écouen: le pavement commandé en 1542 par le Connétable à Masséot Abaquesne à Rouen. Il s’organise autour de quatre motifs emblématiques d’Anne dMontmorency et de Madeleine de Savoie : les armoi- ries du Connétable encadrées de dextrochères et d’une de ses devises, l’épée en pal, le baudrier et le fourreau fleurdelysés avec les initiales - AM - et la devise familiale «Aplanos». Ce pavement se trouvait à l’origine dans la galerie de Psyché.

Cette galerie offrait à l’origine un décor exceptionnel, disparu à la Révolution. Les fenêtres étaient fermées par des vitraux de grisaille aux tons bruns qui racontaient les amours de Psyché et de Cupidon. Cet ensemble de vitrerie réalisé entre 1542 et 1544 est aujourd’hui remonté dans une galerie du château de Chantilly. Le château d’Écouen ne possède plus aujourd’hui que quatre vitraux, tous conçus sur le même principe. Deux d’entre eux portent la devise d'Henri II et de Catherine de Médicis, un autre est pourvu des initiales -AM- du Connétable.

Vitrail à l'emblématique d'Anne de Montmorency.
Cliquer l'image pour l'agrandir.

Enfin, l’élément de décor le plus important à Écouen est parvenu jusqu’à nous : les douze cheminées peintes aux sujets empruntés à la Bible, témoignages de la peinture de l’Ecole de Fontainebleau. Au rez-de-chaussée, figurent les cheminées décorées des motifs suivants : Salomon et la Reine de Sabba, le tribut à César, le sacrifice d’Élie sur le mont Carmel, une scène de sacrifice. À l’étage, nous trouvons «Esaü à la chasse et Jacob gardant les troupeaux de Laban» (chambre du Connétable), Abigaïl aux pieds de David, Saül égorgeant ses boeufs (chambre du roi), le jugement de Salomon, le sacrifice de Saül à Gilgal.

On ignore le nom des peintres à qui l’on doit ces oeuvres exécutées sous le règne de Henri II. Le principe décoratif est toujours le même : la scène centrale prise dans un cadre rectangulaire ou ovale est flanquée de part et d’autre de personnages de taille importante. Les emprunts à Niccolo dell’ Abate apparaissent dans ces paysages où se mêlent ruines des antiques, des forteresses ou de simples chaumières. Les couleurs sont également celles que l’on retrouve à Fontainebleau.

Ainsi subsistent encore suffisamment d’éléments du décor pour nous laisser imaginer ce que fut la demeure d’un homme de goût de la Renaissance. Anne de Montmorency n’était pas seulement cet homme de guerre dont les armes ont fait la renommée.

Elisabeth Pochon

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Château d'Écouen - Vue aérienne
Cliquer l'image pour l'agrandir.

Valid XHTML 1.0 Strict Dernière mise à jour le 16/12/2022 à 22:26./.
© 2016-2024 Société d'Histoire de Montmorency et de sa région.