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Une église du Connétable :
Saint Didier de Villiers le Bel

Le mécénat du Connétable s’est exercé dans de nombreuses paroisses de la baronnie ; c’est que le manque d’entretien et le plus souvent les graves dommages provoqués par les combats de la guerre de Cent ans n’ont laissé de Taverny au Mesnil Aubry, de Luzarches à Groslay et Montmorency que des églises en ruines où d’importants travaux sont indispensables.

Anne de Montmorency va devoir remettre en état les lieux de culte de ses domaines et, pour ce faire, financer les différents chantiers qui, soient en restaurent l’intérieur, soit les reconstruisent partiellement (Villiers le Bel) ou totalement (la Collégiale). Mais quelle que soit l’importance des travaux effectués, la marque du Connétable est toujours visible.

Chevet de l'église Saint Didier de Villiers le Bel.
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Cette signature apparaît d’abord dans la décoration : sculptées ou peintes, les armes des Montmorency, celles de Madeleine de Savoie et le dextrochère, symbole de la Connétablie, sont représentés sur les murs (Groslay), aux clés de voûte (Écouen), sur le retable de Taverny et, bien sûr, dans les vitraux où d’ailleurs, le Connétable et sa famille apparaissent en personne (on peut encore les admirer sur les verrières subsistant à Montmorency, au Mesnil Aubry et à St. Acceuil d’Écouen.

Cette représentation du donateur et de sa famille faisant offrande à la vierge ou saint patron de l’église, est une tradition fort ancienne : ne voit-on pas Suger sur l’un des vitraux de Saint Denis offrant son abbatiale ? cela n’a donc rien d’extraordinaire.

Plus curieuse est la présence des chiffres et des symboles des souverains que le Connétable associe ainsi à ses travaux : la salamandre de François Ier qui était peinte au plafond de la chapelle du château d’Écouen a été ensuite effacée, mais celles qui figurent sculptées sur les chapiteaux de Groslay et d’Écouen sont toujours visibles. Quant au chiffre d’Henri II associé au croissant de lune de Diane de Poitiers, il figure sur les murs et les cheminées du château d’Écouen, maïs, aussi là où on ne l’attendait guère : sur le retable de Taverny.

Autre caractère propre aux édifices construits dans la Plaine de France sous l’impulsion des Montmorency : le style renaissance que le Connétable imposa non seulement dans les églises qu’il fit construire, telle celle d’Ézanville, mais aussi dans toutes celles dont il finança la restauration. C’est pourquoi il est de nos jours facile de déterminer les différentes étapes de la construction de ces édifices composites et d’isoler, parfaitement visibles dans l’architecture, les décors sculptés ou les vitraux, œuvre du Connétable. C’est ainsi que l’église de Groslay, construite au XIIe et au XVe siècles reçut au XVIe de fort belles verrières dont un remarquable «arbre de Jessé» ; un autre exemple nous est donné par l’église de Villiers le Bel que nous présenterons rapidement.

L'église Saint Didier de Villiers le Bel qui présente des parties élevées à des époques différentes est un édifice intéressant mais dont l’histoire est mal connue.

Au XIIIe siècle, sur l'emplacement d’une église plus ancienne est construit l’actuel édifice de style gothique ; puis au XVe siècle pour des raisons inconnues -- s’agit--il de le restaurer ou de l’agrandir -- le chœur est démoli et remplacé par un nouvel ensemble, au chevet plat et en gothique flamboyant.

Dans le milieu du XVIe siècle, enfin, la nef et le clocher menaçant ruine, l’église est étayée et les marguilliers font appel à trois experts : Pierre Berton, Pierre Saurin et Jean Delamare, voyer de l’abbaye de Saint Denis, qui vient de réaliser la voûte de la croisée du transept de Saint Maclou de Pontoise.

Expertise faite, ces trois maîtres maçons remettent leur rapport : une simple restauration est à exclure : la nef et le clocher doivent impérativement être reconstruits Mais financer des travaux d’une telle importance est au dessus des moyens de la Fabrique qui, d’ailleurs, ne peut les entreprendre sans l’accord du seigneur local : c’est à dire depuis 1535 le baron de Montmorency. C’est pourquoi si les marguilliers sont les surveillants et les maîtres d'œuvre, c’est sous le contrôle du prévôt, son représentant à Villiers le Bel, que sont négociés les contrats conclus entre la Fabrique et les artisans retenus ; tel celui retrouvé dans les archives de seine et oise et publié en 1921. C’est à un maître maçon de Villiers le Bel, Guillaume Godart, qu’est confiée la conduite des travaux de maçonnerie. Il lui faut prendre toutes les précautions nécessaires pour maintenir en état les parties anciennes jugées suffisamment solides pour être conservées: à savoir, la façade occidentale, le transept et, dans la nef, le mur du bas coté sud qui datent du XTITIe siècle ; de même que le chœur, ses collatéraux et le chevet plat édifiés au XVe siècle, en gothique flamboyant. Par contre seront démolies les parties étayées: la nef, les collatéraux et le clocher.

Les travaux débutenten 1547 ; la mort du Connétable, survenue en 1567, ne les interrompt pas, le nouveau duc de Montmorency poursuivant l’œuvre entreprise par son père.

De 1547 à 1554 la première tranche des travaux avance rapidement, sont alors édifiées les deux dernières travées de la nef, les colonnes supportant les grandes arcades, sont aussi refaites les voûtes du bas coté sud, tandis qu’à l’extérieur, pour soutenir le mur de ce collatéral du XIIIe siècle, sont construits deux arcs boutants dont les culées portent gravée la date de 1554, année de leur achèvement.

Après une interruption assez longue les travaux reprennent : ils concernent le bas côté nord, le clocher et les deux derniers arcs boutants du collatéral sud sur lesquels apparaît une nouvelle date : 1572. Nous savons ainsi que le gros œuvre est achevé à cette date C’est François de Montmorency et surtout Madeleine de Savoie qui ont permis la poursuite des travaux après que les maîtres maçons en aient terminé, l’aménagement du clocher est confié à deux maître charpentiers, Florent Dayard et Denis Leconte d’Écouequi sollicitent de «Madame la Connestable» l’autorisation de couper dans la forêt seigneuriale les arbres nécessaires à la charpente. Puis, Lamoral de Naïnville maître fondeur de Beauvais, est chargé de remplacer l’une des cloches et de vérifier sérieusement la fixation des quatre autres.

Les derniers comptes concernent enfin les vitraux, œuvre d’un dionysien Nicolas Deloys «vitrier de Madame la Connestable». I] ne reste rien de ces verrières car, en 1521, une fort violente bourrasque les ayant endommagées, il fallut les remplacer. L'église de Villiers le Bel, considérée comme l’un des plus remarquables édifices de la renaissance en Île-de-France, est surtout intéressante pour l’étude de l’évolution de ce style. La période de sa construction correspondant à la transition entre ce que l’on a coutume d’appeler la première et la seconde renaissance, il est possible d”’y suivre la transformation des motifs décoratifs qui ont évolué au fur et à mesure des travaux qui se sont échelonnés sur 35 ans.

On passe ainsi du gothique flamboyant au style François Ier caractérisé par l’imitation de l’art italien des XVe et XVIe siècles tel que le roi l’a imposé à son retour de la péninsule et dont l’école de Fontainebleau est la plus belle illustration ; puis de celui-ci à la seconde Renaissance, c’est à dire sous Henri II et ses successeurs à l’imitation de l’antiquité ; c’est le style classique que l’on peut admirer dans la cour carrée du Louvre et à Écouen.

Les culées des contreforts -- bas côté sud.
1554 -- 1573.
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La première tranche des travaux (1547-1554) présente en fait la juxtaposition de ces trois styles : gothique flamboyant est le porche édifié au XVIe dans le collatéral sud, avec son arc en anse de panier et son tympan ou alternent soufflets et mouchettes. Gothiques également, par souci de conserver l’unité de style à l’intérieur de l’église, les arcs doubleaux brisés, qui soutiennent la voûte d’ogives, alors mise en place, dans le bas coté sud voûte dont les liernes et les tiercerons dessinent des étoiles, caractéristiques du gothique finissant.

Le style François Ier apparaît dans des éléments mineurs qui ne risquaient pas de trop choquer : on le trouve dans la décoration des consoles qui reçoivent sur chaque pilier les arcs des grandes arcades c’est là que sont sculptés de petits génies soutenant des écussons et les salamandres déjà mentionnées. Par contre, à l’extérieur, les culées richement ornées des deux arcs boutants construits à la même époque, puisque terminés en 1554, sont de style Henri II : fût cannelé, chapiteau corinthien, entablement, palmettes, toutes les caractéristiques du style classique sont là.

Dans la tranche de travaux entrepris ultérieurement n'apparaît pas le même souci d’unité ; l’esprit nouveau l’emporte les arcs doubleaux du bas côté nord sont en plein cintre et la décoration est directement inspirée de l’antiquité : les pilastres cannelés supportent des chapiteaux à feuille d’acanthe surmontés d’un entablement ou sont nettement visibles les trois éléments classiques : architrave, frise, corniche, tandis que sous les corbeilles des chapiteaux ont été sculptées de petites têtes d’anges.

Cette richesse ornementale n’est présente qu’à l’intérieur de l’édifice, les culées des deux derniers arcs boutants qui étayent le mur du bas côté sud, terminés en 1572, sont beaucoup plus sobres : de style dorique plus sévère ils sont seulement surmontés d’un vase.

Porche du XVIe siècle -- bas côté sud.
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D’autres aménagements ont lieu au XVIIe siècle, qui ne relèvent pas de cette étude ; deux chapelles sont ajoutées et les très belles orgues, qui viennent être restaurées, sont alors installées.

Classée monument historique l'église Saint Didier de Villiers le Bel, comme celles de Groslay, Luzarches, Taverny etc. témoigne de l'intérêt que le Connétable porte aux églises de son duché ; c’est aussi un bel exemple de l’art de la renaissance en Île-de-France.

Jacqueline Rabasse

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Sortie de la Société d'Histoire au château d'Ambleville -- juin 1992.
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