Un paysage rural à l'ombre de Paris

Aujourd'hui absorbée par le dense et continu tissu suburbain parisien, la vallée de Montmorency conserve, au cours des deux derniers siècles de l'Ancien Régime, un caractère exclusivement rural. Cerné par les contrées céréalières du Vexin et de la Plaine-de-France au nord et à l'ouest, ainsi que par la région viticole de la vallée de la Seine au sud, le petit vallon, cher aux philosophes des Lumières, n'en demeure pas moins une étendue qui revendique, au coeur de l'Île-de-france, un paysage original et unique.

Ses habitants profitent en effet du formidable essor démographique qui secoue Paris dès 1630 pour adapter leur environnement quotidien à la demande toujours plus pressante de la capitale, seulement distante d'à peine trois lieues. L'attirance pour la vigne est alors générale et les ceps, jusqu'ici cantonnés aux seuls côteaux, colonisent peu à peu la plaine pour ne laisser aux blés qu'une part assurant tout juste l'autosuffisance. Afin de ne pas entretenir un rapport de dépendance économique vis-à-vis de cette culture, ces paysans-marchands utilisent le débouché urbain pour diversifier leurs activités et modifier la structure du paysage. C'est ici qu'intervient la tradition arboricole de la vallée de Montmorency et surtout la célèbre cerise, adoubée par les agronomes et l'élite parisienne. Cette dernière, essentiellement constituée de bourgeois fraîchement anoblis, vient bientôt concurrencer les privilèges fonciers des princes de Condé au coeur même de la vallée, considérée comme l'endroit idéal pour investir dans une maison de loisirs accompagnée d'un parc à la nature domestiquée.

Pendant les cent cinquante années qui précèdent la Révolution, la vallée n'est pas une simple campagne qui se fond dans le tissu rural du royaume. C'est avant tout un espace qui se caractérise par un paysage spécifique, dynamisé par des perspectives environnementales divergentes.