Bandeau de navigation
aa-accueil bulletin publications conferences expositions sorties autres

Petite histoire des bustes de Gretry

C'est le troisième jour complémentaire de l'An VI, c'est-à-dire Le 19 septembre 1798 que dans l'étude de Maître Paulmier, notaire à Paris, Grétry devint propriétaire de l'Ermitage.

Né à Liège en 1741, André Ernest Modeste Grétry avait d'abord travaillé à Rome puis s'était installé à Paris. Devenu célèbre mais ne trouvant plus, au milieu de l'agitation parisienne, le calme propice à la création, il chercha un lieu plus retiré, acquit l'Érmitage et partagea désormais son temps entre Phris où, membre de l'Institut et de l'Ordre de la Légion d'Honneur, ses obligations le retenoient et Montmorency où il composait.

C'est là qu'il mourut le 24 septembre 1813. Ses neveux et nièces décidèrent alors d'élever dans le parc de la propriété un monument à sa mémoire.

Grétry avait été inhumé à Paris, au cimetière de l'Est; mais sa famille fit prélever son cœur qui, enfermé dans une urne de plomb, fut le 15 juillet 1816, après un service solennel célébré dans la Collégiale par le curé Monsieur Droueau, en présence de la famille et des membres du Conseil municipal, transféré à l'Ermitage et déposé à la base d’une colonne tronquée de marbre blanc, surmontée d'un buste du musicien.

Un acte, conservé dans les archives municipales, stipulait qu'en cas de vente de l'Ermitage, la propriété du monument reviendrait à la ville, à la condition expresse qu'il soit placé dans la Collégiale. Ont signé, outre les nouveaux propriétaires de l'Ermitage, Madame Marie Marguerite Ernestine Grétry et son mari, Louis Victor Flamand, les autres neveux et nièces et, pour la ville de Montmorency : le maire Monsieur Gobert ei Maître Halfourier, adjoint.

C'est alors qu'un conflit éclata entre Monsieur Flamand-Grétry (il est depuis 1818 autorisé à porter ce nom) et la ville de Liège car, peu après le décès de Grétry, son neveu avait proposé le cœur du musicien à sa ville natale puis, s'étant ravisé, l'avait gardé à l'Ermitage; les Liégeois réclamèrent la relique et, faute d'un accord, portèrent l'affaire en justice. La procédure fut longue; la Cour Royale de Pontoise donna, en mai 1523, raison à Liège mais, dès juin 1824, son arrêt élait cassé par la Cour de Versailles.

Liège obtint finalement que le cœur lui fut remis et réussit, le S juillet 1828 à faire appliquer l'arrêt. Malgré l'obstruction de Flamand-Grétry, aidé par la population de Montmorency, l'urne fut enlevée mais, il avait fallu l'intervention des forces de l'ordre envoyées par le Préfet de Seine-et-Oise !

Madame Flamand-Grétry mourut à Montmorency le 4 avril 1837 et l'Érmitage fut, en 1839, vendu à un huissier parisien Maître Huet. Qu'advint-il alors du buste de Grétry ? Fut-il, comme prévu, transféré à la Collégiale ? il ne le semble pas car la colonne resta à l'Érmitage où ne demeure, après cette date, que le souvenir de Rousseau : c'est à l'auteur desConfessions et à lui seul, que s'intéressent, pélerins, universitaires et révues de la fin du XIXe siècle.

Grétry tombe dans l'oubli. Ce n'est qu'un siècle après sa mort, et ce, grâce à Rousseau, que Montmorency se souviendra du musicien.

C'est en effet, en 1907, lors de l'inauguration de la statue de Rousseau par Aristide Briand, que le sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts Monsieur Dujardin-Beaumetz suggéra qu'après le solennel hommage rendu au citoyen de Genève, la ville fêtât le citoyen de Liège et commémorât le proche centenaire de sa mort, Il s'engageait, au nom de l'État, à offrir un buste de Grétry.

L'idée fit son chemin et, lors de sa séance du 14 février 1909, le Conseil municipal décida d'honorer l'illustre musicien, liégeois de naissance mais montmorencéen d'adoption.

Mais, avant d'inaugurer le buste promis, il fallait édifier le monument destiné à l'abriter, trouver, par conséquent, un emplacement adéquat et, bien sûr, financer le tout: l'opération dépassant largement les ressources locales, if fallait, en outre, s'assurer des concours extérieurs.

IL fut donc constitué un Coinité d'Honneur. Celui-ci, outre les hommes politiques du département (le sénateur, les députés et le Préfet de Seine-et-Oise) et les ministres habitant la région (le Président Brisson et Monsieur Berteaux, ministre de la guerre) regroupa de nombreux musiciens et écrivains. Côté français, on relève les noms de Gabriel Fauré, directeur du Conservatoire, d'André Messager, de Jules Massenet, des directeurs de l'Opéra. de l'Opéra-Comique. du théâtre de la Gaité, etc..., la Belgique, étant, quant à elle, représentée par le directeur et les professeurs de l'Académie Royale de Musique et la Ville de Liège.

Un emplacement propice ayant été trouvé à l'angle de la rue Grétry et du boulevard de l'Ermitage, ce terrain fut acquis en 1910. L'architecte de la ville, Monsieur Humbert, put alors décider avec le sculpteur Georges Colin, qui avait reçu la commande du buste, des modalités de construction du monument prévu el superviser Les travaux, à savoir : la réfection du mur, l'érection d'une balustrade, la construction du socle et de la niche destinés à recevoir l'œuvre de G. Colin. Le devis atteignait un peu plus de 5.000 francs-or.

Restait done à résoudre ie problème du financement.

Les ressources locales furent mobilisées : à la participation de le Ville (500 francs) s'ajoutèrent les dons des membres du Conseil municipal ; puis une souscription publique fut lancée auprès de la population et relevée rue ar rue (ce qui, actuellement, nous permet de connaître les noms des rues, les habitants et leurs activités professionnelles pour 1911).

La somme receuillie étant insuffisante, il fut fait appel aux ressources départementales : tandis que le Conseil Général votait une subvention de 100 francs, que la Compagnie des Chemins de Fer du Nord accordait la même somme, la Société Thermale d'Enghien faisait don de 500 francs.

On lança enfin une souscription nationale et internationale. Malgré les nombreux refus essuyés auprès des grandes villes françaises, faute de crédits suffisants, la générosité des musiciens belges, le don de la Ville de Liège qui souscrivit pour 606 francs et l'aide exceptionnelle de Monsieur Perquel (1.000 francs) permirent d'atteindre la somme nécessaire et de réaliser le projet.

Le dimanche 37 décembre 1911 Monsieur Steeg, ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, dévoila le buste de musicien en présence de nombreuses personnalités du monde politique et musical, tant belges que françaises : les œuvres de Grétry, exécutées pendant le concert qui suivit, furent vivement appréciées, si l'on en croit «L'Écho Pontoisien » qui, dans son édition du 21 décembre 1911, donne en première page un compte-rendu enthousiaste de la cérémonie. Le même enthousiasme existe chez nos voisins, «Le Journal de Liège», quant à lui, apprécie dans son édition du 19 décembre, l'initiative française et voit dans l'hommage commun rendu au musicien par Liège et Montmorency, le symbole de l'indéfectible amitié franco-belge.

Mais ce second buste, œuvre de Georges Cola, ne resta à l'angle de la rue Grétry que pendant 30 ans.

Le 17 novembre 1941 une lettre du Préfet de Seine-et-Dice prévenait la municipalilé que les statues de Rousseau et de Grétry seraient enlevées par les services chargés de «la récupération des alliages cuivreux pour la refonte ». Ces statues devant, suivant la circulaire ministérielle du 5 août 1941, être payées as poids du métal, soit 30 francs le kilo. La municipalité était en même temps prévenue qu'elle pouvait, si elle le désirait, faire faire des photos, mais à ses frais !

Une seconde lettre du Préfet, annonçait, en mars 1942, après l'enlèvement des deux statues, que les 310 kilos de métal seraient payés contre justificatif ! Ce qui fut fait.

Venu à Montmorency en avril 1947, le directeur de l'Orphelinat de la Ville de Liège, ému « du vol par les nazis » du buste de Grétry, en parla à son retour à Liège à l'Échevin responsable des Beaux-Arts, puis il fit savoir à Monsieur Cortier Maire de Montmorency, que si la ville était désireuse de remplacer l'œuvre disparue, la ville de Liège pouvait éventuellement intervenir, les modalités restant à déterminer,

Après cette démarche officieuse vinrent les contacts entre les autorités municipales et dès 1949, avec l'aide du journal « Le Belge de France » organe des belges résidant en France, une vaste campagne fut lancée en Wallonie ; dans ce pays francophone, soucieux de préseiver sa spécificité culturelle et linguistique à l'intérieur du Royaume de Belgique où le bilinguisme faisait problème, l'idée de remplacer Le buste disparu reçut un accueil très favorable,

Ne pouvant remplacer l'œuvre du sculpteur G. Colin, la ville de Liège proposa d'affrir la réplique, en bronze, d'un buste en plâtre que possédait le Musée Municipal. Dû à Ruxthiel sculpteur wallon ayant travaillé dans l'atelier de Houdon, contemporain de Grétry et, comme lui, membre de L'Institut, ce buste de 1806, que le musicien avait done vu. offrait toutes les garanties de ressemblance souhaitées.

Montmorency accepta avec reconnaissance et prépara avec soin la cérémonie d'inauguration. Le 9 octobre 1949, les officiels instailèrent le buste dans sa niche et célébrèrent à l'envi, en même temps que Grétry, l'amitié franco-belge. Après quoi les musiciens rendirent, à leur tour, hommage au composition de Richard Cœur de Lion ; Madame Beronita, de l'Opéra-Comique, et les solistes des Concerts Colonne interprétérent d'abord, à l'Hôtel de Ville, des extraits de sept des œuvres de Grétry puis, aprés de banquet, ce fut la Musique de la Police d'État de Seine-et-Oise qui joua, dans le parc, parmi d'autres morceaux, quelques extraits du musicien liégeois.

Œuvre d'art, témoignage d'amitié et hommage à Gréiry, ce troisième buste a été volé en novembre 1983, de méme que, dans la Collégiale le buste de Czartorvski : retrouvera-l-on jamais les bronzes dérobiés ?

Des contacte pris actuellement avec l'Échevinage de Liège nous permettent de penser qu'il y aura bientôt un quatrième buste de Gréhrv, définitif celni-ci... nous l'espérons.

J. Rabasse

Dernière mise à jour le 22/03/2024 à 08:46:48.
© 2016-2025 Société d'Histoire de Montmorency et de sa région.

Dernière mise à jour le 22/03/2024 à 08:46:48.
© 2016-2025 Société d'Histoire de Montmorency et de sa région.