Le chemin de fer d'Enghien-les-Bains à Montmorency

Quelques quarante années après l'apparition de la première ligne de chemin de fer française construite au profit des mines (Saint-Étienne-Andrézieux sur la Loire — 18 kms — 1823), le dimanche 30 juin 1866 était inauguré le chemin de fer d'Enghien-les-Bains à Montmorency.

Caractéristique de la fièvre ferroviaire du XIXe siècle, cette innovation qui allait enthousiasmer pouvoirs publics et industriels, fut pour notre région le résultat de multiples tâtonnements.

Dès juin 1862, l'assemblée municipale en étudiait le projet, ce qui l'obligea à refuser la demande d'un industriel qui voulait créer pour son propre compte une voie ferrée desservant le haut de la commune, pour le transport de matériaux tels que briques, cailloux... Le sous-préfet, quant à lui, donnait son accord le 5 Octobre 1862 pour la réalisation d'un chemin de fer ; mais le tracé en était encore indéterminé.

Trois projets étaient en concurrence: la Compagnie du Nord proposait en juin 1863 de relier les villes d'Enghien et de Montmorency en traversant les parcs «de l'Orangerie et de la Grange». Mais les représentants de la commune refusèrent cette solution. Messieurs Rey de Foresta et de Pulligny établirent un nouveau tracé à travers la plaine de Soisy et le parc de Mora. Après l'abandon d'un troisième projet à partir de Deuil, ce fut le projet des édiles de Montmorency qui fut adoptécw (2).

Le point de départ de cette voie ferrée se situait à la gare d'Enghien à l'emplacement actuel des autobus desservant le centre de Montmorency; elle se dirigeait ensuite vers le début de la rue Jean Mermoz (où se situera la halte de la Pointe Raquet), puis elle coupait le chemin de la Fosse aux Moines et atteignait la rue des Carrières (où sera construite la station de Soisy) enfin, en longeant les chemins «du Grand et du Petit Chat» le Pavé Saint-Paul et la Fontaine René, elle atteignait la gare de Montmorency (l'actuelle place F. Roosevelt): le parcours était de 3,2 km environ.

Le 10 septembre 1864, une convention approuvée le même jour par un décret impérial désignait comme concessionnaires du chemin de fer, Monsieur Emilien Rey de Foresta, propriétaire, officier de la Légion d'Honneur, maire de la ville de Montmorency et Monsieur Joseph Marchand, entrepreneur de travaux publics, demeurant à Montmorency. L'accord était contresigné par les concessionnaires et par son Excellence Monsieur le Ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics, (de 1863 à 1867 - M. BEHIC), stipulant au nom de l'Etat.

Le conseil municipal, réuni en séance extraordinaire le 26 février 1865, pour délibérer sur le projet, propose alors : «qu'une station soit établie dans la plaine, entre Soisy et Montmorency, de manière à desservir utilement les deux communes et croit devoir indiquer comme envisageable le point où le chemin de fer coupe celui des Carrières». (C'est à cet emplacement que sera en effet créé en 1870 la halte de Soisy, puis en 1884 la Gare ; quant à la Halte de la Pointe Raquet, elle ne vit le jour qu'en 1895) (3). Les travaux durèrent 2 ans.

L'inauguration fut fixée au 30 juin 1866. Les élus locaux souhaitèrent donner à cette cérémonie le caractère d'une fête publique. Ce nouveau moyen de transport étant un élément assuré de progrès, de prospérité et d'intérêt économique incontestable pour le développement de la ville. Ils décidèrent donc que le jour des festivités, le Conseil municipal devait se réunir à la mairie pour se rendre en corps à la gare du chemin de fer recevoir les autorités qui devaient présider les cérémonies. Les présidents et les membres des diverses sociétés de la commune, la compagnie des pompiers, les sociétés de «l'orphéon et de la fanfare» étaient invitées à se joindre au cortège.

La dépense fut estimée à cinq cents francs et un budget provisoire fut voté. En réalité, le budget engagé s'établit ainsi (3):

Lettres et décors	38 F
Décorations et illuminations	220 F
Arc de Triomphe	60 F
Bal populaire	146 F

soit un total de 464 francs de l'époque; la dépense fut, après accord de Monsieur le Préfet, prélevée sur l'excédent du budget communal de 1866.

L'exploitation commerciale de la ligne, débuta le lendemain de l'inauguration, le lundi premier juillet 1866.

Cette nouvelle ligne de chemin de fer fut régie par des statuts, publiés à Paris, le 22 mai 1868 et dressés par Maître Jean DUFOUR et son confrère. La concession créée pour cette entreprise, comptait quatre-vingt-dix-neuf années, à partir du 10 septembre 1867. En raison de la nature et de la durée de cette affaire, et pour se conformer d'ailleurs au décret de concession, les fondateurs annoncèrent qu'ils entendaient constituer pour l'établissement et l'exploitation du chemin de fer d'Enghien à Montmorency, une société anonyme au capital de cinq cent mille francs, constituée de mille actions de cinq cents francs. La Société anonyme prit la dénomination de : «Compagnie du Chemin de Fer d'Enghien à Montmorency».

Le siège de la société s'établissait à Paris, au 18 rue de Dunkerque, dans le dixième arrondissement, siège actuel de la direction de l'exploitation du réseau Nord.

La Société était administrée par un conseil d'administration composé de sept membres nommés par l'asemblée générale.

Chaque administrateur devait être propriétaire de vingt actions, inaliénables et déposées dans la caisse sociale pendant la durée de ses fonctions. La durée des mandats était fixée à quatre années. Le 27 juin 1868, à 16 heures, les actionnaires se réunirent en assemblée générale à Paris, au siège de la société.

Monsieur Rey de Foresta, l'un des concessionnaires, lut l'avis de convocation, adressé nominativement à chaque actionnaire le 27 mai 1868 et publié au Moniteur Universel du 29 mai 1868.

Il fut ensuite donné lecture des statuts, approuvés par l'assemblée générale, qui reconnut que le capital entier avait été versé.

On nomma les premiers administrateurs de la compagnie. Ce furent, Messieurs Léon Gay, Eugène Gouin, Paul Level, A. Louvet, Joseph Marchand, Alfred Marchand, Rey de Foresta.

La résolution fut votée à l'unanimité par l'assemblée constituée. Par suite, la société anonyme se trouva définitivement constituée.

Bien que cette création dit été quelque peu laborieuse, elle permit la prise de conscience par la population de la région des intérêts et enjeux des chemins de fer, qu'en 1838 Monsieur Legrand, directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines louaïit en ces termes : «Ils sont assurément, après l'imprimerie, l'instrument de civilisation le plus puissant que le génie de l'homme ait pu créer, et il est difficile d'en assigner les conséquences qu'ils doivent produire sur la vie des nations».

Facteur de décloisonnement, le train permit aussi d'animer les villes fortement orientées vers le «quartier de la gare».

À suivre

C. Hoebeck

(1) Sources : Archives municipales

(2) P.V. - Conseil du 6 juin 1863

(3) Source : Archives municipales.