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Forêt et communaux à Montmorency à la fin de l'Ancien Régime

Introduction

Le terroir de Montmorency est nous l’avons vu, constitué de terres labourables et de vignes, mais, en 1786, il comprend aussi 434 arpents de bois et 53 arpents de pâturages (1).

Qu'en conclure ?

D'abord que l'élevage n’occupe qu’une place réduite dans l’économie de notre commune : ensuite que les bois représentant 30,8 % de la surface utile, la forêt est alors beaucoup plus étendue que de nos jours.

C’est sur le plateau qui, au nord, surplombe la vallée que se trouvent les bois d’ormes et de châtaigniers; ils y occupent 3 secteurs :

Conséquence de l’expansion démographique, les châtaigniers reculent faisant place à des clairières. Il s’agit soit de pâturages privés ou publics : (les Communaux), soit des terres cultivées dont l'appropriation individuelle est en grande partie acquise.

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Qui, à la veille de la Révolution, possède bois et paturages ?

L'étude des cotes foncières dressées en 1790 (2) fournit la réponse. La forêt montmorencéenne est propriété seigneuriale pour presque ¼, des bourgeois fortunés en détiennent un autre ¼, le reste est réparti entre les ordres religieux et une multitude de micro-propriétaires.

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Les communaux : une propriété collective fort convoitée

Ces communaux n'occupent plus en 1786 que 40 arpents (1). Il s’agit, comme dans presque toutes les communes du royaume, de pâtures et de bois, indivis depuis des siècles. Cette propriété collective est fort utile, pour ne pas dire indispensable : le troupeau communal peut y paître, les porcs y trouver la glandée, les villageois y cueillir des fruits sauvages et y couper le bois de chauffe et de construction.

Cette pratique est attestée à Montmorency par une charte accordée en Juin 1490 par Guillaume, baron de Montmorency (4). Dans ce texte, Guillaume confirme les franchises accordées par «nos prédécesseurs barons et seigneurs de Montmorency ...aux manants et habitants de nos villes de Montmorency et Groslay... de pouvoir eux et leurs hoirs et successeurs demeurant aux dits lieux pâturer leurs bestiaux tant à cornes qu autres en un pâtis appelé Champeaux, lequel pâtis a une mare appelée la mare Notre-Dame, et... prendre, ceuillir fruits, couper et abattre bois pour leur usage...».

Enregistrée au Châtelet de Paris, cette donation a permis au vacher communal de conduire chaque jour, par des sentes passant entre des champs soigneusement clos de haies vives pour éviter que le bétail ne s’y égare et dites’ pour cette raison chemins verts”, l’ensemble des bêtes du village jusqu’aux pâtures communes. Les villageois y ont trouvé bois et pierres à bâtir, mais ces vastes superficies ont suscité bien des convoitises et leur étendue a peu à peu diminué.

Une partie en a d’abord été vendue : nous ne connaissons que 2 chiffres (5) l’un pour l’année 1592 : 7 arpents ont été alors vendus tandis qu'entre 1700 et 1720 soixante arpents trouvaient acquéreurs, mais d’autres cessions ont eu lieu.

Puis, certaines terres ont été affermées a des particuliers moyennant une redevance annuelle fixée vers 1750 à 3 livres par arpent de bois taillis (6). Ainsi, en 1756, Denis Luce reçoit-il 3 arpents pour lesquels il doit verser 9 livres. De même, la famille Leblond (5 frères et 3 sœurs) dispose-t-elle de 2,70 arpents moyennant la redevance de 8 livres 2 sols 6 deniers. De nombreux autres villageois ayant suivi cet exemple, les pâtures collectives se sont transformées en peau de chagrin. Le fait ne semble pas poser problème, au contraire, comme en témoignent les délibérations des représentants de la Communauté, réunis en septembre 1773 (6) pour chercher comment mieux tirer parti de ces communaux.

Considérant que n’y pâturent que les moutons des 3 bouchers de la paroisse et, que, contrairement aux usages fixant une fourchette de 20 à 40 bêtes par troupeau, ces bouchers commerçant avec les communes voisines, envoyent de 200 à 300 ovins sur les Communaux qui ne servent quà eux, la Communauté décide tout d’abord de limiter les pâtures a moutons en les cantonnant «dans les châtaigniers à partir de la ruelle de Griffard... cotoyant la tour cuivre (7) jusqu'à la ruelle qui sépare Anguien d'avec Saint-Brice...». Cette mesure permettra d'étendre les «pâtures pour les chevaux, vaches et bêtes asines» c’est que, les ânes utilisés d’abord par les Trinitaires puis par les vignerons, sont nombreux à Montmorency. Il est enfin décidé d’affermer le reste, ce qui assurerait des revenus réguliers à la paroisse.

Ainsi fut fait, non sans problèmes. Il fallut, en effet réglementer à nouveau en 1781 le nombre des moutons (6), mais surtout, les villageois eurent vite. oublié qu’ils n’avaient que la jouissance de ces communaux et nombreux furent ceux qui non seulement omirent de payer les redevances dûes, mais en outre considérèrent ces terres comme leurs biens propres et les vendirent. Ceci incita la Communauté des habitants à saisir du problème le Châtelet et, après la sentence rendue en 1787 constatant l’usurpation des communaux, à poursuivre les villageois peu scrupuleux. (6) au nombre desquels figure l’une des héritières de la famille Leblond qui avait, en 1788, vendu au sieur Dezobry, marchand à Saint-Denis, des terres sises aux Champeaux, faisant, en fait, partie des 2 arpents 70 perches affermés en 1770.

Appropriation individuelle ou maintien de l’indivision ? Il s’agit là d’un des problèmes majeurs du monde rural français à la fin de l’Ancien Régime.

Doit-on conserver les communaux, donnant ainsi aux plus pauvres la possibilité d’avoir du bétail sans pâture propre ? Doit-on, au contraire, promouvoir une agriculture moderne plus rentable en vendant ces terres aux plus riches, de façon à constituer de plus vastes exploitations ? Ne peut-on plutôt partager les communaux entre tous les habitants ?

Tels sont les débats engagés dès avant 1789 et qui se poursuivront pendant la période révolutionnaire. Aucun texte n'indique qu’un tel choix entre économie moderne ou politique sociale se soit posé dans notre commune, mais cela ne signifie pas que le problème n’existait pas.

Jacqueline Rabasse

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Notes

(1) État du terroir de la paroisse d'Enghien. Archives départementales.

(2) Archives municipales.

(3) L'arpent local équivaut à 100 perches carrées de 18 pieds de côté soit 34,19 ares ; une perche vaut 34,19 m.

(4) Le texte de cette charte a été recopié à la fin du XVIIIe siècle dans le registre des délibérations de la Communauté des habitants, (Archives municipales).

(5) Archives municipales P.V, 8.3.1830

(6) Archives municipales, Registre des délibérations de la Communauté.

(7) Sur l'emplacement de l'actuelle rue Deberny.

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