Bandeau de navigation
aa-accueil bulletin publications conferences expositions sorties autres

Prénoms usuels à Montmorency à la fin de l'Ancien Régime

De nos jours, le choix d’un prénom n’est pas toujours facile : entre les noms à la mode, ceux qui plaisent au père ou à la mère mais déplaisent aux grands-parents, que de discussions avant de décider !

Nos ancêtres avaient certainement moins de problèmes puisque la tradition leur imposait de donner à leurs enfants les prénoms des grands-parents, puis ceux des parrains et marraines.

Peu d'innovations donc, du moins pour les aînés ; peut-être qu’au 8ème ou 10ème enfant, les parents pouvaient, s’ils le désiraient, laisser libre cours à leur fantaisie et encore ! Sinon chaque génération puisait obligatoirement dans le stock familial. Ainsi, en 1781 (1) Charles Dubosq et Augustine Boursier ont prénommé leurs 2 enfants Charles et Augustine, et le fils et la fille de Pierre Aumont et d’Élisabeth Vilain portent de même les prénoms de leurs père et mère. Cette coutume peut se perpétuer pendant plusieurs générations : la veuve Viez vit, à la même date, avec sa fille et sa petite-fille : toutes trois se prénomment Geneviève.

Ces cas ne sont pas exceptionnels : 2 autres exemples nous le prouveront. Jean Nicolas Lemaire et Geneviève Chevillot ont eu, vers 1740, 3 enfants : Louis Charles, Nicolas et Geneviève. Devenu instituteur à Montmorency, Louis Charles appelle ses propres enfants : Louis, Jean Charles, Nicolas, Pierre, Geneviève, Charles Louis et Michel (2).

Autre cas aussi significatif celui de la famille Leduc (2) : Quand Jean François Leduc, voyer du duché et marguillier de la paroisse, meurt en 1788, de ses 7 fils survivent : Jean François, Nicolas, André Jacques et Étienne, tandis que son frère Nicolas André a donné naissance à Claude Nicolas, Jean André, Jacques Robert et Denis.

Nous le constatons les cousins Leduc portent les mêmes prénoms, puisés dans le stock familial.

Cette pratique n'étant pas propre aux Leduc, comment, au bout d’une ou plusieurs générations, s’y retrouver entre les membres d’une famille surtout si, comme c’est le cas à l’époque, ils sont restés au village ? Pour éviter les erreurs liées à cette homonymie et bien préciser l'identité des intéressés, il est usuel de recourir à certains procédés : indiquer deux prénoms (ex : Claude Nicolas), préciser la génération (ex : «Laforge le père» ou «Laforge Jean le fils»), mettre l’accent sur la profession ou le domicile (ex. Leduc Nicolas du Cheval Blanc).

I1 arrive parfois, tout de même, que se glisse un prénom insolite, don d’un parrain plus curieux ou plus cultivé : le procureur Genuit a un fils nommé Xavier et Romain Couet transmet à son filleul ce prénom peu usité ; parfois c’est dans la Bible que l’on a cherché l'inspiration ainsi Pierre Beaucé, un vigneron, a baptisé ses filles Esther et Judith, mais cela est tellement exceptionnel qu’il nous faut supposer une influence protestante.

Le plus curieux de ces prénoms est Eustoquie, parfois orthographié Eustochie que nous avons trouvé mentionné 3 fois, mais dont l’origine nous est inconnue. S’agirait-il d’une forme féminine d’Eustache ?

Comment nos aïeux s’appelaient-ils ?

Les 86 garçonnets de 0 à 5 ans repertoriés en 1791 (1) totalisent 114 prénoms (60 enfants n’en ont qu’un, 24 en ont deux et 2 seulement en portent trois) dont 41 différents.

Arrivent en tête, à égalité, Louis et Jean (12 fois) puis Nicolas (9) François (7) Jacques (6) Pierre et Denis (5) etc...

Pour les fillettes du même âge, nous totalisons 117 prénoms dont 42 différents ; Marie est porté 17 fois suivi de Anne (6) tandis que Marguerite, Louise, Victoire, Angélique sont mentionnés 5 fois et seulement 4 Cécile, Adélaïde, Augustine et Françoise.

Ces prénoms chrétiens et monarchiques sont les témoins de leur époque.

Dans un pays où le catholicisme, religion d’état, a modelé les esprits pendant des siècles, il est normal que les prénoms les plus usuels soient ceux des apôtres et des saints (et saintes) les plus vénérés et qu’ils soient donnés indifféremment aux enfants quelque soit leur sexe. Nombreux sont les Marie, Anne, et même Marguerite de sexe masculin, tandis que certaines fillettes sont appelées Toussaint ou Noël. Toutefois, ces prénoms qui correspondent vraisemblablement à ceux des parrains et marraines, ne sont pas les prénoms par lesquels on désigne habituellement ces enfants.

D’autres noms, ceux des monarques : Henri, Louis, François, Louise ainsi que Victoire ou Adélaïde qui évoquent les filles de Louis XV, ajoutent à leur référence chrétienne une origine «historique» indéniable. Mais, choisis au départ par référence au souverain régnant, ils furent ensuite intégrés au stock familial et, en se banalisant, ont perdu toute référence monarchique ; en 1791, ils ne signifient nullement un attachement particulier au régime en place.

Par contre, à partir de 1793, l’histoire influencera à nouveau le choix des parents : nombreux seront alors les Floréal ou les Brutus. Ces prénoms révolutionnaires, témoins de l’histoire seront l’objet d’une prochaine étude.

Jacqueline Rabasse

Cliquer pour remonter en haut des colonnes

Notes

(1) Recensement de 1791 Archives municipales.

(2) Registres de catholicité Archives municipales..

Valid XHTML 1.0 Strict Dernière mise à jour le 16/12/2022 à 22:26./.
© 2016-2024 Société d'Histoire de Montmorency et de sa région.