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Un habitant célèbre de notre ville : le père Louis Cotte

Introduction

Pendant les quelques années qui ont précédé la Révolution, Montmorency n'avait pas encore le renom qui allait être le sien au XIXe siècle. Les célébrités n'y étaient pas encore nombreuses (si on excepte J.J. Rousseau bien sur). C'est évidemment du côté des Oratoriens qu'il faut se tourner pour rencontrer quelqu'un dont la renommée ait franchi les limites de notre Cité. L'Oratoire était le véritable centre de la vie intellectuelle de la ville. Nous laissons au «Vieux de la Montagne», pseudonyme sous lequel écrivait Julien Ponsin, historien local (1), le soin de nous conter l'histoire d'un oratorien célèbre : le Père Cotte.

Enghien et Cotte

Demain Enghien célébrera son cinquantenaire. Il y a un siècle à peine, écrit M. Paul Bienfait, Enghien, la charmante station balnéaire connue du monde entier, Enghien, la Perle de la Vallée de Montmorency qu'ont chantée de nombreux poètes, avait, pour toute habitation, un moulin, pour unique habitant, son meunier.

Le Lac, aujourd’hui délimité de façon si ravissante par de larges et belles avenues, bordées de jolies villas, n’était alors qu’un immense étang où l’on venait chasser le canard sauvage, étang situé, écrit Louis Cotte dans son mémoire (1766), au milieu de la vallée de Montmorency, entre Saint-Gratien, village appartenant autrefois au Maréchal de Catinat, et la terre de M. d'ORMESSON.

Doué d’un esprit d’observation extraordinaire et chercheur infatigable, se promenant un jour près de l’étang de Montmorency où maintes fois, dit-on, il était venu herboriser en compagnie de J.J. Rousseau, l’idée lui vint d’analyser l’eau d'un petit ruisseau qui sourdait des pilotis de la décharge de l’étang.

Déjà il avait remarqué que ce ruisseau, appelé dans le pays, «ruisseau puant», ne tarissait jamais, que son eau, se mélangeant avec celle de l'étang, à la chute du moulin, conservait sa couleur particulière dans l’espace de quatre ou cinq toises et que son odeur se sentait à plus de cent pas à la ronde.

Il commença par y plonger quelques métaux : l’or et le cuivre y prirent une teinte rougeâtre ; le fer noircit, et l’argent devint bleu noirâtre. Il remarqua aussi que les œufs des canards qui vivaient dans cette eau avaient le jaune noirci et comme corrompu.

C’est à la suite de ces observations qu’il analysa l’eau du «ruisseau puant», qu’il la compara avec les plus célèbres eaux minérales sulfureuses alors connues et rédigea le mémoire que présenta à l’Académie des Sciences, M. l’Abbé Nollet.

Il existait à cette époque, à Passy, un établissement d’eaux ferrugineuses que dirigeait Le Veillard. Ce dernier, comprenant tout le parti que l’on pouvait tirer de la découverte de Cotte, demanda et obtint, en 1781, la concession de la source et des quelques terrains qui l’entouraient, alors propriété de M. le Prince de Condé.

Telle fut l’origine d’Enghien ville d’eau et celle du premier établissement thermal qui, bientôt, vit affluer quantité de malades.s

Cotte pouvait être fier de sa découverte.

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Vie de Louis Cotte

Louis Cotte naquit à Laon (Aisne), le 20 octobre 1740. Son père y remplissait les fonctions de notaire royal qu'avaient occupées son aïeul et son bisaïeul ; sa mère, Élisabeth Lenain, était une petite nièce des peintres célèbres, dont plusieurs œuvres se trouvent au Louvre, Antoine, Louis et Mathieu Lenain.

Portrait du Père Cotte.
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Il fit ses études, jusqu'en philosophie, au Collège oratorien de Soissons, puis entra, à dix-huit ans, dans l’ordre de l’Oratoire comme membre de la Congrégation.

Après avoir passé quelques années à Juilly comme surveillant de chambres ou de divisions, il fut envoyé à Montmorency (1766) comme professeur de philosophie et de théologie.

On peut dire que, seuls, sa passion pour l'étude et son amour de la science, l’incitèrent à entrer dans l’ordre de l’Oratoire. Il pensait, sans doute, que, là seulement, au milieu du calme du cloître, il pourrait satisfaire l’une et l’autre. N'écrivait-il pas alors à un de ses amis qu’il avait toujours préféré la lecture d’un mémoire ou d’un traité de physique à celle de la Somme de Saint Thomas ?

Il faut croire qu’il remplit pourtant conscieusement ses fonctions, car, peu après son arrivée à Montmorency, il était nommé vicaire (1767), puis curé de la paroisse (1773).

Ce fut vers cette époque qu'il installa un petit observatoire sur la terrasse du haut de laquelle on domine toute la vallée de l'Oise, depuis les buttes de Cormeille jusqu'à la forêt de Saint-Germain, et qu'il commença ses importants travaux météorologiques.

Entre temps, son mémoire sur la découverte des eaux d’Enghien l’ayant désigné à l’attention de ses illustres confrères, il avait été nommé membre correspondant de l’Académie des sciences (1769).

Pendant plus de trente ans il habita son petit observatoire situé au 1er étage de la maison qu’habite actuellement M. Guérin-Bridault, et consigna, presque sans interruption, 1780 observations météorologiques. Inventeur, il construisit lui-même, en 1767, un thermomètre lui permettant d'enregistrer ses observations, instruent qui, à vrai dire, ne lui donna pas satisfaction, puis, dit-on, une machine électrique, dont toute trace est disparue mais que l’on crut, pendant longtemps, déposée au Musée des Arts et Métiers, erreur dissipée par l'assurance donnée par M M. Achille Bridault au savant M. Renou que les instruments de Louis Cottée, conservés à Montmorency jusqu’en 1870, avaient disparu pendant l’invasion allemande.

Louis Cotte fut nommé, en 1780, supérieur de l’Oratoire de Montmorency ; ne délaissant pas ses travaux, il adressait en 1782, à la Société Royale de Médecine, un mémoire sur la topographie médicale, mémoire à l’époque considéré comme un modéle du genre devenu aujourd’hui un document précieux, qui valut à son auteur une médaille d’or et les félicitations de la docte Assemblée qui le fit publier à ses frais.

En 1782, sans qu’on en connaisse les raisons, il quitta Montmorency et fut attaché à l’Oratoire de Paris, où il ne fit qu’un court passage, car nous le retrouvons peu de temps après à Laon, sa ville natale, où on présageait en lui le grand savant qu’il devint ; il y continua ses travaux scientifiques et publia plusieurs ouvrages, notamment un traité d’histoire naturelle, des leçons de physique, d’astronomie et de météorologie.

Il avait eu soin, avant son départ de Montmorency, de confier la direction de son observatoire à un de ses collègues, le Père Jaucourt, qui devait lui adresser un résumé de ses observations. Malheureusement, le Père Jaucourt ne le fit pas, car nulle part on n’en retrouve les traces.

La Révolution, en supprimant l'évêché de Mgr de Sabran et le canonicat de son protégé, rappela Louis Cotte à Montmorency, où, sans doute, il ne fût jamais revenu. Les habitants de cette ville, qui avaient conservé le meilleur souvenir de leur pasteur, s’étant assemblés le 7 août 1791, pour procéder à la nomination d’un curé constitutionnel, le désignèrent à l'unanimité, sur la connaissance de ses talents, de ses vertus et de son patriotisme.

Cotte, flatté du choix de ses anciens paroissiens, heureux peut-être de rentrer en possession de son cher observatoire, accepta ces fonctions, prêta serment à la Constitution et se fixa de nouveau à Montmorency — devenu «Émile» — qu'’avaient déserté les Oratoriens.

Continuellement inquiété, tracassé, il ne put continuer ses observations et ne publia rien jusqu’en 1795. Il eut à subir toutes les décisions du Conseil municipal où le révolutionnaire Leturcq régnait en maître ; successivement il demande s’il devait continuer les exercices du culte : on répon it négativement ; un peu plus tard, sur une demande qui lui fut faite de reprendre l'exercice de ses fonctions, il déclara qu'il ne le ferait que sur un décret de la Convention.

Protégé par Carnot, qui fit savoir aux terroristes Montmorency que ceux qui inquiéteraient le curé Cotte seraient déférés au Comité du Salut public, il sentit bientôt que malgré cette haute protection, il ne pourrait continuer.

Ne pouvant rentrer dans l’ancien clergé complétement désorganisé, il démissionna le 3 Ventôse, remit huit jours après ses lettres de prétrise, délivrées le 22 décembre 1764, et rentra dans la vie civile qu’à notre époque libérale il n’eût peut-être jamais quittée.

On a voulu, à ce sujet, faire de Louis Cotte un philosophe imbu des grands principes de la Révolution, un prêtre révolutionnaire nourri des idées de Rousseau.

On a eu tort ; Cotte était un excellent homme, très bon, très charitable, qui dut accepter simplement ou subir les évènements, bien plus attaché à ses études qu’à sa foi et nullement disposé à se parer des palmes du marty.

Quoi qu'il en soit, il quitta définitivement l’Oratoire, devenu propriété nationale, demanda décharge du mobilier de l’église, et requit un certificat de civisme lui permettant de toucher son traitement.

Parmi les familles qui venaient passer l'été à Montmorency, se trouvait celle de M. Marotte du Coudray, conseiller au Châtelet, devenu, de par la Révolution, M. Marotte tout court.

Cotte, rendu à la vie privée, s'éprit de la fille de M. du Coudray et le 25 Nivôse an II, par devant Jean-Étienne Carré, maire de la commune d'Émile, on célébrait son mariage avec Antoinette Marie-Madeleine Marotte, née à Paris, le 16 août 1759, citoyenne française.

Il avait alors cinquante quatre ans et sa femme trente cinq.

Cette même année, Cotte reçut du gouvernement, en qualité d’astronome, une somme de trois mille livres et put se réinstaller dans son observatoire, d’où il écrivait, le 25 Vendémiaire, au Comité de Législation de la Convention :

«Je désire continuer d'être utile à la chose publique selon les intentions du Comité d'instruction, lorsqu'il m'a chargé de continuer mes observations météorologiques dans le même endroit où je les fais depuis trente années. J'espère que le Comité de Législation, en me rendant justice, me mettra à même de prouver encore que je ne suis pas du nombre des ennemis de la Patrie». Et il signait : Cotte, météorologiste».

Un ancien oratorien, ami et condisciple de Cotte, comme lui rentré dans la vie civile, Daunou, conservateur de Bibliothèque Sainte-Geneviève, l'appela à Paris qu’il habita quatre ans, demeurant au troisième étage du numéro 2, rue de la Vieille Estrapade, dans un appartement où il avait installé un nouvel observatoire.

Sa femme mourut vers cette époque, jeune encore, et n’ayant pas d'enfants issus de son mariage, Cotte revint habiter Montmorency (1802).

Depuis, jusqu’en 1815, date de sa mort, il y vécut simplement dans une petite maison située près de l’ancienne propriété de Sedaiges (2).

Il était correspondant de l’Institut et de dix neuf sociétés savantes.

Lefeuvre le dépeint petit, voûté, mais doué d'une figure très belle et très noble. Dans les derniers temps de sa vie, il allait s’asseoir auprès du bassin Le Veillard, où coulait toujours la source qu’il avait découvert.

Servi par une vieille bonne, visité seulement et de loin par un neveu qui fut son unique héritier, il s'éteint le 4 octobre 1815, à 7 heures du matin, considéré par les Bourbons, qui alors gouvernaient la France, comme un prêtre renégat.

L'acte de décès, sur les registres de la ville de Montmorency. lui attribua comme seule qualité : «Ancien membre de l'Académie des sciences et membre correspondant de l'Institut».

Nulle trace ne subsistant de l’endroit où il fut enterré ni de son tombeau, on suppose qu'il fut déposé dans la fosse commune.


Les habitants, les malades reconnaissants vont rendre, enfin, un hommage mérité à cet homme de bien, à ce savant, qui, par sa découverte, créa la ville d’Enghien si prospère aujourd’hui. Le monument qu'ils vont ériger à sa mémoire sera digne de lui, et digne de la ville qui lui doit son existence.

La Tribune de Seine-et-Oise 29 juin 1901

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Notes

(1) Voir le N° 6 de notre revue.

(2) Cette maison a été démolie en 1838. Elle était située au carrefour Saint Victor au coin des rues Saint Victor et Saint Valéry.

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