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Sortie de la Société d'Histoire à Luzarches
mars 1994

Luzarches

Nous étions une trentaine ce dimanche de mars 1994 à découvrir cette ville du Pays de France méconnue malgré un passé très ancien et très riche, qui a laissé des vestiges malheureusement trop peu nombreux.

Accueillis par M. Margotin, président du Syndicat d'Initiative de Luzarches, laissons-le nous conter l'histoire de sa ville : Agréablement située, sur une colline inclinée vers l'Ysieux et sur un large vallon, Luzarches est une localité très ancienne dont le nom Lusarca figure, dès le Ville siècle, dans une chronique mentionnant l'existence, en ce bourg, d'un palais royal soit, en la circonstance, une villa mérovingienne. Celle-ci fut, cent ans plus tard, donnée par Charlemagne aux religieux de Saint Denis. À la fin du XIe siècle, Hugues de Luzarches, à l'occasion du mariage de sa fille Emma avec Mathieu 1er de Beaumont, divisa sa seigneurie en deux parties dites, respectivement, de la Motte et de Saint-Côme.

La famille de Beaumont continue à contribuer à la renommée de Luzarches. Le frère de Mathieu II, Jean de Beaumont, rapporte les reliques des Saints Côme et Damien et fait bâtir une église en leur honneur, dans l'enceinte du Château de Saint-Côme : c'est la collégiale de Saint-Côme, dont il ne reste qu'un pan de mur, âprement rongé par le temps. Jean de Beaumont y installe un chapitre de chanoines pour veiller à la garde du trésor. Qui étaient ces grandes figures de la chrétienté ?.

Côme et Damien étaient deux frères qui exerçaient la médecine et la chirurgie en Syrie ; leur total désintéressement leur avait valu le surnom d' Anargyres , «ceux qui repoussent l'argent». Aussi, leurs actions charitables les menèrent-elles devant le proconsul Lysias. Condamnés, ils furent torturés puis, mis à mort à Egée, en Cilicie, vers l'an 287. Leurs corps furent ensevelis à Egée et l'histoire nous apprend que les reliques de ces Saints arrivèrent à Luzarches en 1170, le 8 mai, et furent portées en l'église paroissiale, dédiée alors à Saint Barthélemy, apôtre. C'est en 1180 que Jean de Beaumont fit construire la collégiale dans l'enceinte du château.

La population de Luzarches, en 1204, est de 400 feux, soit 2000 habitants environ. La ville a donc une importance certaine dans la région ; se trouvant au carrefour de grandes voies de communication, elle est lieu d'échanges entre les hommes et les marchandises. Elle est dotée de fours banaux, de moulins à eau et de pressoirs.

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Les châteaux

En ce qui concerne les châteaux, celui de la Motte devient le plus important, «couvert d'ardoise, avec basse-court, le tout fermé de fossés et de pont-levis devant et derrière, avec un collombier à pied. Item tient audit chasteau ung jardin, clos de murs, une petite garenne plantée en hauste fustée qui n'est close que de fossés et haies vives, contenant le dit jardin et garenne environ 12 à 15 arpents. Item proche la dite garenne y a environ dix arpents de terre qui sont plantés en arbres fruitiés appelés vulgairement le cloz des hautées, avec que place vague proche le dit chasteau qu'on appelle le donjon propre à faire quelque forteresse pour la déffense du dit chasteau».

L'autre château, appelé Saint-Côme, comprend : «Ung grand corps de logis ancien, cours basses, granches, escuries, collombier à pied, le toit couvert de tuiles avecqu'un vieil bastiment en façon d'une tour, le tout fermé de fossés et pont-levis par devant. Item devant le dit chasteau y a un enclos d'arbres fruitiés qui contient environ 10 arpents clos de murs. Item il y a aussi derrière le dit chasteau ung clos de vignes appelé le Clos Saint-Cosme contenant quatre arpents ou environ, tenant aulx fossés et murs dudit chasteau aussy clos de murs.» Après les guerres civiles, le château de Saint-Côme a été abandonné puis transformé et aménagé en ferme.

La seigneurie de Luzarches, morcelée en une multitude de fiefs, possède alors des sources de revenus grâce à ses étangs, aujourd'hui disparus, à ses champs, ses bois, ses vignes, ses moulins à vent et à eau, ses pressoirs ; les droits de passage ou de travers en procurent également aux seigneurs. Les étangs, au nombre de trois, fournissent le poisson tous les trois ans.

Les châteaux de la Motte et de Saint-Côme furent vendus comme biens nationaux de même que la collégiale construite au XIIe siècle par Jean de Beaumont, à côté de son château.

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L'église

Peu avant la démolition de la collégiale, en l'an 10, les restes des deux saints furent transportés à l'église de Luzarches qui doit à Nicolas de Saint-Michel sa façade Renaissance (1551), surmontée d'une grande rosace à huit lobes ; le porche comporte un large intrados en plein cintre où sont figurées deux scènes concernant, semble-t-il, la vie des saints Côme et Damien. La nef et les deux bas-côtés voûtés d'ogives sont également de style Renaissance. De l'église primitive, il reste la travée portant le clocher et une absidiole du XIIe siècle flanquant l'abside centrale. La tour du clocher a un étage du XIIe siècle avec de belles arcatures romanes et un étage supérieur décoré de pilastres du XVIe siècle.

À l'intérieur de l'église, une inscription latine — datant de 1705 — rappelle que la confrérie des chirurgiens de Paris avait pour patron Saint-Côme et Saint Damien.

Cette confrérie déléguait, tous les ans, quatre de ses membres à la collégiale de Luzarches pour y faire la visite et les opérations nécessaires aux nombreux malades venus, souvent de loin, les jours de Saint Côme et Saint Damien (27 octobre ) et de Saint Simon et Saint Jude (28 octobre).

Au nord de l'église on aperçoit, dans une propriété privée, les vestiges d'une enceinte flanquée de tours et entourant la motte circulaire de l'ancien château de la Motte (XIIe siècle). Du château de Saint Côme subsiste un donjon rasé à 11 m. de hauteur. Sur ce massif de pierre flanqué de contre-forts, s'élève, depuis 1864, une maison d'habitation de laquelle on jouit d'une très belle vue. La propriété contient encore une partie d'un mur de l'ancienne collégiale avec de belles arcatures gothiques sur colonnettes.

L'église de Luzarches
L'église de Luzarches.

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La ville

La ville était une place forte entourée de remparts. Des portes permettaient d'y avoir accès. Leur nom est parvenu jusqu'à nous : il s'agit de la porte des Viviers, de la porte de Meaux, de la porte de Creil, de la porte Vivien, la porte Saint Côme.

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La halle

La date la plus ancienne trouvée jusqu'à présent est 1386. Elle est mentionnée ensuite en 1520 puis en 1579. Bien entendu, si un tel édifice existait alors, il ne peut être question de prétendre qu'il est parvenu jusqu'à nous sous sa forme originelle. Il apparaît qu'au cours des siècles suivants, l'ouvrage sera l'objet de multiples restaurations, voire de reconstructions, notamment après les divers conflits auxquels Luzarches n'aura pas échappé.

Paris se développe et a besoin d'un ravitaillement sans cesse accru en blé et viande en provenance des campagnes avoisinantes. Un mémoire daté en 1637 fait état d'une consommation hebdomadaire déjà surprenante : 1600 muids de blé (environ 29000 hi), 900 boeufs, 8000 moutons, 3000 veaux, 500 porcs.

La banlieue de Paris s'étend autour de la ville dans un rayon dont la longueur est fonction du temps mis par un cheval pour acheminer le blé en une journée. Ce rayon est de huit lieues. Luzarches tirera parti de çette situation si l'on en juge par l'importance des foires qui s'y tiennent encore au XVIIe siècle et par le nombre d'hôtelleries, comme en font foi les divers titres d'héritage de cette époque, et des suivantes d'ailleurs.

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L'abbaye d'Hérivaux

Peu d'événements connus marquent la première moitié du XIe siècle, si ce n'est l'installation de religieux près de Luzarches, à Hérivaux. Vers 1140, Ascelin, dit l'Ermite, en partie seigneur de Marly la Ville, vit, avec quelques compagnons, dans cette forêt particulièrement propice au recueillement. Ils ont établi un oratoire dans une dépression de la «montagne», au milieu «d'une vaste solitude et d'un désert affreux», la forêt faisant partie de celle d'Halate. C'est grâce à Raoul de Clermont et à Mathieu II de Beaumont qu'Ascelin a pu s'installer et bâtir monastère et dépendances. Les sources d'un étang permettent à un moulin de fonctionner.

En 1160, Ascelin, se sentant vieillir et ne souhaitant pas voir Hérivaux disparaître (Herivaux, du latin Herivallis, pour Heremivallis, signifiait «le val de l'ermite»), se rend, avec le consentement des ermites, auprès de l'évêque de Paris, Maurice de Sully. Il lui remet la communauté pour y introduire la règle des chanoines de l'ordre de Saint-Augustin et l'usage de l'office divin. L'institution canonique est alors conférée à l'abbaye et confirmée par le Pape Alexandre III en 1163. Ce n'est qu'après la mort d'Ascelin que l'abbaye sera placée sous la juridiction de Saint-Victor, dont elle demeurera dépendante de 1188 à 1234. Hérivaux avait été vendue comme bien national en 1791 à un certain Rouillé de l'Etang.

Comment se présentaient alors les bâtiments de l'abbaye ? Un procès-verbal de 1791 rapporte que Benjamin Constant les trouvait à son goût : «Cette maison est bâtie solidement, à la moderne, elle annonce plutôt un beau château qu'une maison religieuse ; sa distribution, belle et commode, peut la faire servir de maison de campagne à un particulier riche». Cette attitude laisse deviner les intentions de Constant qui, le 11 brumaire an IV (1er novembre 1796), écrit : «Je viens de faire un marché tel qu'il est difficile d'en imaginer un. J'ai acheté ici un fonds de terre pour 30000 francs et il m'assure pour 8000 francs de rente. Vous avouerez qu'il est difficile de mieux placer son argent».

Cependant, le sort de l'abbaye était fixé. Bien que reconnaissant en 1791 la beauté et la solidité de l'édifice ; Constant n'a qu'une idée, transformer la fondation religieuse en maison campagnarde. Dès janvier 1797, son amie, Mme de Staël, rencontrée à Lausanne en 1794, et lui même arrangent «divinement» les lieux et, après la démolition de la plus grande partie de l'édifice, il écrit, le 1er juillet 1797 : «Vous devriez venir à Hérivaux ; vous y trouveriez une petite maison, reste d'un immense édifice que j'ai fait abattre, de jeunes acacias qui ne donnent pas d'ombre, de jeunes arbres fruitiers qui ne donnent pas de fruits, des prairies nouvellement semées où il n'y a point d'herbe.» Aujourd'hui encore on peut voir le pavillon sud, qui a été conservé, ainsi que la façade de l'église abbatiale le pigeonnier et quelques dépendances.

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Conclusion

Ainsi s'achève notre voyage dans le riche passé de Luzarches, ville de passage sur la route nationale, mais qui mérite l'arrêt et la flânerie dans ses rues tortueuses. Sous sa halle ancienne ou vers son église, entourée comme jadis de son cimetière. Si vous retrouvez la route d'Hérivaux, vous tomberez sous le charme de ce hâvre de paix et imaginerez sans peine la sérénité de cette abbaye blottie au fond d'un vallon verdoyant, mais prenez garde de ne pas écraser une poule de la ferme voisine qui traverserait le chemin devant votre voiture.

Élisabeth Pochon

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Ref. Bibl. : « Luzarches : histoire d'une ville en pays de France (édité par le S.I. de Luzarches) (Jean-Michel Rat et René Baure).

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